Eglises d'Asie – Taiwan
Malgré la récente exécution de quatre condamnés à mort, l’Eglise catholique ne désespère pas de convaincre les Taiwanais de renoncer au châtiment suprême
Publié le 03/05/2010
… après la nomination de Tseng Yung-fu au poste de ministre de la Justice. Partisan déclaré de la peine de mort, celui-ci a succédé à Madame Wang Ching-feng, qui a démissionné le 11 mars 2010 parce qu’elle refusait de signer des décrets de condamnation à mort. (Entre décembre 2005 et avril 2010, le pays n’avait connu aucune exécution capitale.)
Minoritaires dans le pays (ils seraient 12 % selon les sondages), les partisans de l’abolition de la peine capitale ont dénoncé la reprise des exécutions, soulignant que le pays renouait avec un passé où les mises à mort étaient nombreuses. Ils soulignent que les prisons de l’île détiennent 40 condamnés à mort, susceptibles désormais de mourir.
Parmi les militants les plus engagés contre la peine de mort figurent des chrétiens, presbytériens ou catholiques, ainsi que des bouddhistes. En janvier 2005, ils avaient salué comme un pas en avant significatif le vote par le Yuan législatif (le Parlement) d’un amendement au Code pénal. Ce texte excluait du champ d’application de la peine de mort, les mineurs et les personnes âgées de plus de 80 ans. A l’époque (1), le secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de Taiwan avait indiqué que la réforme, pour modeste qu’elle était, allait dans le bon sens : « Les gens commencent à comprendre que les droits de l’homme doivent être respectés et défendus. » Depuis, le président Ma Ying-jeou a succédé, en mai 2008, au président Chen Shui-bian, et le retour au pouvoir du Kouomintang s’est traduit par un raidissement de la politique sécuritaire et une plus grande prise en compte par le gouvernement de l’opinion publique dominante (80 % des Taiwanais se disent favorables à la peine de mort).
Dans ce contexte, tandis que les médias commentaient abondamment la démission de la ministre de la Justice et la perspective d’une reprise des exécutions capitales, la Conférence des évêques catholiques de Taiwan avait lancé, dans les derniers jours du mois d’avril, une « Déclaration pour demander l’abolition de la peine de mort ». L’argumentaire présenté met en avant la nécessité de sensibiliser l’opinion sur la dignité et le caractère sacré de la vie humaine pour maintenir l’harmonie sociale et répondre à l’enseignement du Christ en matière de pardon. L’augmentation de la criminalité dans ses expressions les plus graves, dans la société actuelle, « est due au manque de sensibilité et de réflexion sur la vie humaine : la famille surtout n’a pas su aider les enfants à défendre la dignité de la vie humaine ». L’Eglise invite donc à « améliorer la formation dispensée dans la famille et proposée dans la société pour prévenir la criminalité », permettant ainsi à Taiwan de devenir un exemple en Asie.
Le cardinal Paul Shan, évêque émérite du diocèse de Kaohsiung, avait lui aussi lancé un appel à travers les médias sur ce thème.
Pour certains catholiques taiwanais, l’Eglise à Taiwan ne se montre malgré tout pas assez présente sur ces questions. Richard Lee Chia-tung est ancien président de la l’Université de la Providence, établissement catholique. Intellectuel engagé, il estime qu’en dépit de leur petit nombre (4 % de chrétiens, dont 1,5 % de catholiques, à Taiwan), la parole des catholiques pèse à Taiwan ; « or, l’Eglise dilapide son capital d’influence lorsqu’elle ne s’engage pas dans le débat public ». Fin mars, dans un commentaire publié par l’hebdomadaire de l’archidiocèse de Taipei, Richard Lee soulignait que, s’agissant de la peine de mort, l’Eglise mettait le plus souvent en avant la nécessité du pardon. « Nul ne met en doute la pertinence de l’enseignement de Jésus sur le pardon, mais il est nécessaire d’aller plus loin et de dire clairement aux Taiwanais que le concept ‘une vie pour une vie’ ne mène nulle part », expliquait-il, estimant que les évêques ne devaient pas hésiter à prendre la parole dans le débat public sur des sujets aussi sensibles.