Eglises d'Asie – Corée du sud
Un moine bouddhiste s’est immolé par le feu afin de protester contre le projet gouvernemental de « Réaménagement des quatre fleuves »
Publié le 06/07/2010
« Gouvernement de Lee Myung-bak, luttez contre la corruption, mettez-vous au service des gens ordinaires, des pauvres et des exclus, et non à celui des chaebol (1) et des riches », pouvait-on encore lire sur le mot manuscrit laissé par le Vénérable Munsu.
Le Vénérable Munsu appartenait au temple Jibo (Jibosa), situé non loin du fleuve Nakdong, dans la province de Gyeongsang-Nord, à 200 km au sud-est de Séoul. Selon ses proches, il y menait une vie paisible, centrée sur la pratique de l’ascèse, et ne figurait pas parmi les moines engagés dans les débats de société. Pour le Vénérable Jigwan, membre actif de l’ONG de défense de l’environnement Buddhist Environmental Solidarity, « en tant que moine bouddhiste dont un des principes fondamentaux est ‘la non-destruction de la vie’, il a dû s’inquiéter au plus haut point de la disparition de la vie dans les fleuves ».
L’auto-immolation du moine bouddhiste intervient en effet dans un contexte particulier. Depuis des mois, des ONG de défense de l’environnement, relayées par l’Eglise catholique et, plus récemment, par une partie des moines bouddhistes, manifestent leur opposition au « Réaménagement des quatre fleuves », un projet gouvernemental de 13 milliards d’euros que le président Lee promeut comme nécessaire au soutien de la conjoncture économique, à la maîtrise des inondations et à la lutte contre la pollution (2). Le fleuve Nakdong figure parmi les quatre fleuves concernés par le projet. Le 10 mai dernier, les catholiques ont réuni plusieurs milliers de personnes sur la place de la cathédrale Myeongdong à Séoul et, le 17 mai, l’Ordre Jogye, la plus importante dénomination du bouddhisme coréen, a pris publiquement position contre le projet du gouvernement. Toutefois, jusqu’à la mort choisie par le moine Munsu, jamais ce combat n’avait fait de victime.
Traditionnellement, dans le bouddhisme, l’auto-immolation n’est pas tant un acte de protestation politique qu’un acte fondé sur la croyance que celui qui choisit cette mort, par son action désintéressée, peut influer sur la destinée du monde qui l’entoure. De fait, selon le Vénérable Jigwan, la mort du moine bouddhiste ne doit pas être comparée à un suicide ; elle est « une offrande à Bouddha » pour arrêter le projet. « La première règle dans le bouddhisme est de ne pas tuer les êtres vivants, parce que nous, les humains, nous avons besoin des animaux, de l’eau et de l’air pour vivre et que nous ne pouvons vivre sans eux. En détruisant les fleuves, nous nous tuons nous-mêmes – c’est ainsi que nous devons le comprendre », a précisé le Vénérable Jigwan.
Alors que l’attention des médias est mobilisée par l’actualité nord-coréenne et les élections locales du 2 juin (élection des gouverneurs de province et des maires des grandes villes), la mort du Vénérable Munsu est passée relativement inaperçue en Corée du Sud. Du côté catholique, le P. Paul Suh Sang-geen, coordinateur de « Solidarité catholique pour l’opposition aux projets des quatre fleuves », a déclaré : « C’est une tragédie que l’on en arrive au point où un religieux doive donner sa vie pour empêcher la réalisation de ce projet. Je crains que l’on connaisse d’autres tentatives semblables. »
Dans les années 1980 et 1990, dans le cadre de manifestations en faveur de la démocratisation des institutions politiques et sociales, des étudiants et des ouvriers s’étaient donné la mort par auto-immolation.