Eglises d'Asie

L’Eglise catholique dénonce un arrêt de la Cour constitutionnelle niant la dignité d’êtres humains potentiels aux embryons congelés

Publié le 07/06/2010




Le cardinal-archevêque de Séoul, Mgr Nicholas Cheong Jin-suk, a vivement réagi à une récente décision de la Cour constitutionnelle de Corée du Sud. « C’est une sentence contraire à la vie humaine et à la science elle-même », a-t-il déclaré après que, le 27 mai dernier, les juges constitutionnels eurent refusé leur caractère d’être humain potentiel aux embryons issus d’une fécondation in vitro et non réimplantés dans un utérus.

En Corée du Sud, la Loi sur la bioéthique et la sûreté, promulguée en 2005 et révisée en 2008, stipule que, cinq années après leur fécondation in vitro, les embryons surnuméraires peuvent être détruits ou faire l’objet d’expérimentation. Appuyé par un groupe réunissant des philosophes, des médecins et des biologistes, un couple opposé à cet usage des embryons congelés a déposé contre la loi un recours en inconstitutionnalité, estimant qu’elle violait la dignité humaine et la valeur de la vie. C’est le 27 mai que les juges constitutionnels ont, à l’unanimité, statué, écrivant que « les embryons humains qui ne sont pas implantés dans un utérus ne jouissent pas des droits fondamentaux de la personne humaine ».

Interrogé par l’agence Fides (1), le cardinal Nicholas Cheong s’est indigné : « Comment est-il possible qu’un tribunal s’arroge le droit de nier que l’embryon soit un être humain ? », ajoutant : « Nous sommes très tristes et préoccupés. En tant qu’Eglise, nous nous opposons fermement à cette approche et nous avons immédiatement exprimé publiquement notre désaccord. »

Dans un pays où tant le gouvernement que l’opinion publique soutiennent fortement la recherche en matière biomédicale, notamment dans le domaine des cellules souches d’origine embryonnaire, l’Eglise catholique figure parmi les rares instances qui appellent au respect de l’embryon en tant que personne humaine potentielle. Secrétaire de l’association « Activités pour la vie », placée sous la responsabilité directe de la Conférence épiscopale, le P. Casimir Song Yul-sup a estimé que la décision des juges constitutionnels était « honteuse ». « L’Eglise appelle au respect de la vie humaine dès le moment de la conception, mais la Cour n’a pas hésité à discriminer entre ceux des embryons qui seront réimplantés et ceux qui ne le seront pas », a-t-il déclaré à l’agence Ucanews (2). Au « Comité pour la vie » de l’archidiocèse de Séoul, le P. Hugo Park Jung-woo est allé dans le même sens : « L’Eglise dit son opposition aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, mais la Cour n’a écouté que la voix des scientifiques qui veulent poursuivre leurs recherches sur ces cellules. Cette décision est mauvaise et va dans le mauvais sens. »

L’Eglise s’inquiète en outre du peu de retentissement que les médias du pays ont accordé à ce jugement. Occupés par l’actualité nord-coréenne et les élections locales du 2 juin, les médias ont presque entièrement tu ou fait passer la nouvelle au second plan, sans lui donner le relief nécessaire, fait valoir le cardinal Nicholas Cheong. « La communauté chrétienne devra donc aussi informer et réveiller les consciences des citoyens, note l’archevêque de Séoul. Nous continuerons à sensibiliser l’opinion publique sur le thème délicat du respect de la vie depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. Nous ferons de notre mieux, nous organiserons des veillées de prière et des manifestations pacifiques pour la défense de la vie. »

Hasard ou non du calendrier, le dimanche 30 mai avait été déclaré « Journée pour la vie » par le Comité sur la bioéthique de la Conférence des évêques catholiques de Corée. Son président, Mgr Gabriel Chang Hong-hun, évêque de Cheongju, avait demandé la lecture d’une déclaration dans toutes les paroisses du pays pour appeler à un réveil des consciences au sujet de l’avortement. L’évêque demandait aussi que la société se mobilise pour encourager les naissances, dans un pays qui détient le record mondial du plus faible taux de fécondité.

Légalisé en 1973, l’avortement est une réalité très répandue en Corée. Le ministre de la Santé estimait en 2005 que leur nombre était de 340 000, dont seuls 4,4 % répondaient aux critères légaux (signifiant par là que l’écrasante majorité des avortements réalisés avant le délai légal de 24 semaines de grossesse l’étaient pour des motifs sociaux ou économiques). L’Eglise catholique estime, quant à elle, que le nombre réel des avortements est de 1,5 million chaque année (3).