Eglises d'Asie

Meghalaya : des organisations de défense des droits de l’homme dénoncent le scandale des enfants travaillant dans les mines

Publié le 10/06/2010




Lors d’une conférence de presse à New Delhi le 5 juin dernier, un groupe international de défense des droits de l’homme et une ONG indienne ont demandé à ce que soit diligentée d’urgence une enquête par les instances nationales comme internationales sur la situation alarmante des enfants employés illégalement dans les mines du Meghalaya, Etat situé dans le Nord-Est de l’Inde.

Selon les deux associations, au moins 70 000 enfants, essentiellement issus du Bangladesh et du Népal, travaillent dans des conditions inhumaines et dangereuses dans les mines de charbon des Jaintia Hills, un district oriental de l’Etat du Meghalaya, jouxtant le Bangladesh. Dans cet Etat qui compte une majorité de chrétiens (70 % selon des statistiques locales, dont 24 % de catholiques), les médias d’Eglise ont largement relayé les déclarations des ONG de défense des droits de l’homme.

 

A l’agence Ucanews (1), Ito Kazuto, secrétaire générale de l’ONG Human Rights Now (HRN), basée à Tokyo, a expliqué que bien que l’Inde a mis en place de nombreux systèmes pour enrayer le travail des enfants (2), ils restaient inopérants dans les Jaintia Hills. Selon l’ONG locale Impulse NGO Network, à l’origine de l’événement médiatique, le Meghalaya ne compte que deux inspecteurs du travail.

 

HRN a effectué avec Impulse NGO Network une mission d’évaluation de la situation des enfants au travail dans les Jaintia Hills du 31 mai au 2 juin derniers. L’équipe s’est rendu dans trois mines de charbon et a interrogé 45 personnes, dont des enfants qui y travaillaient. La majorité des enfants avaient moins de 14 ans et un jeune garçon de 12 ans leur aurait dit travailler ici depuis l’âge de 8 ans. Des enfants plus âgés ont également confié que des rabatteurs les avaient recrutés en leur mentant sur la réalité du travail qui les attendait et qu’ils étaient partis dans l’espoir d’envoyer un peu d’argent à leur famille.

 

La secrétaire du HRN rapporte que son équipe avait suffoqué et dû battre en retraite après s’être engagée dans une excavation minière, creusée à 1 000 m sous la surface. Les enfants travaillent dans des conditions de danger extrêmes, a-t-elle dénoncé, sans aucune mesure de sécurité, descendant dans des boyaux étroits (appelés « trous à rats ») où des adultes ne pourraient se mouvoir, manquant d’oxygène et respirant des émanations toxiques.

 

Hasina Kharbhih, qui dirige Impulse NGO Network, parle quant à elle de « conditions inhumaines », sans accès aux soins médicaux, eau potable, ni évacuation des eaux usées. Elle affirme également que les propriétaires des mines sont responsables de crimes bien plus graves que l’exploitation illégale d’enfants, notamment lorsqu’ils enferment à titre de punition des enfants récalcitrants dans les mines, provoquant ainsi la mort de bon nombre d’entre eux. Mais aucune statistique de ces morts suspectes ne peut être établies, les mines n’étant pas enregistrées officiellement par le gouvernement de l’Etat (3).

 

La directrice d’Impulse NGO Network rapporte que son association a envoyé ces cinq dernières années de nombreux rapports sur le sujet au gouvernement fédéral, à la Commission nationale des droits de l’homme, ainsi qu’à celle de la protection des droits de l’enfant (NCPCR), mais qu’à ce jour, rien n’avait été fait. En revanche, une conférence de presse menée en collaboration avec l’Asia Human Rights Commission, en novembre 2009, avait attiré l’attention de Rapporteur spécial des Nations Unies sur le trafic des êtres humains.

A l’issue de la conférence de presse, les deux ONG ont demandé que l’Organisation internationale du travail (OIT) (4) ou une commission mandatée par l’ONU enquêtent sur le trafic, l’exploitation et les meurtres impunis des enfants au travail dans les Jaintia Hills. Elles ont également demandé que le gouvernement indien signe un accord avec le Népal et le Bangladesh, afin de prévenir le trafic des enfants et que les responsables soient poursuivis. Enfin, elles ont déclaré souhaiter que la communauté internationale n’achète plus de charbon en provenance du Meghalaya jusqu’à ce que les propriétaires des mines incriminées cessent de les exploiter par le travail des enfants.

Les deux organisations humanitaires expliquent le laxisme de l’Etat du Meghalaya et l’impunité de la « mafia minière » par l’implication de différents membres du gouvernement local dans l’exploitation des mines. Récemment, en mars 2010, le NCPCR a reproché officiellement au gouvernement du Meghalaya de ne pas « avoir de système d’enregistrement des infractions » concernant le travail des enfants dans les « domaines où il est interdit » ainsi qu’un manque « de coordination avec la police afin de faire appliquer la loi » (5).

Hasina Kharbhih souligne également une autre infraction dont se rend coupable le Meghalaya, qui consiste à priver les habitants aborigènes de leurs droits – inscrits dans la Constitution indienne –, à exploiter eux-mêmes les ressources minières de leur sol. L’utilisation de main d’œuvre importée, et de plus infantile, est donc doublement illégale.

 

Le cas des enfants employés dans les mines en Inde n’est pas nouveau et continue d’être régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits de l’enfant et les Nations Unies. Malgré le fait que l’Inde soit signataire de la Convention des droits de l’enfant ainsi que de nombreux accords et programmes visant à l’éradication du travail infantile, elle reste l’un des plus importants viviers d’enfants travailleurs du monde, y compris dans ses formes les plus graves. Officiellement, l’Inde reconnaît compter quelque 11 millions d’enfants au travail, tandis que les ONG les estiment à plus de 60 millions.