Eglises d'Asie

Les hindous radicaux infiltrent le système éducatif de l’Orissa

Publié le 29/06/2010




Les hindouistes de l’Etat de l’Orissa ont développé un large réseau d’écoles dans les zones rurales, formant ainsi un vivier de militants et de cadres pour leurs organisations activistes, aux dépens des établissements de l’Eglise catholique, fréquentés par les élites urbaines.Selon les médias locaux (1), depuis 1978, le mouvement hindouiste Rashtriya Swayamsevak Sangh…

… (RSS, Corps national des volontaires) a construit 793 écoles dans les régions rurales de l’Orissa, lesquelles seraient encadrées par quelque 12 000 enseignants formés à son idéologie.

 

Fer de lance du Sangh Parivar, la nébuleuse qui réunit les partis hindous extrémistes (2), le RSS affiche clairement son objectif de faire de l’Inde un « Etat hindou ». Il est régulièrement impliqué dans les violences qui secouent l’Etat de l’Orissa et a été reconnu comme l’un des instigateurs des massacres de 2008 qui ont fait plus d’une centaine de morts, des milliers de déplacés et des centaines de bâtiments et églises détruits (3). Aujourd’hui, alors que les responsables sont traduits en justice (non sans difficultés en raison de l’appui politique local accordé aux hindouistes), le mouvement continue de faire régner la terreur dans les villages où vivent les chrétiens. Ses milices suivent un entraînement très encadré comprenant formation idéologique et entraînement physique.

 

« Le RSS a mené le mouvement, infiltrant avec succès le systèmes éducatif, par la base mais aussi par le sommet de la hiérarchie par le biais des commissions directoriales », relève le quotidien en langue anglaise The Asian Age (4). « Une génération entière est en train d’être endoctrinée selon les principes de l’hindutva (5). […] Cette stratégie perverse consiste à enseigner la haine à la jeunesse », poursuit le quotidien, assurant que 55 des 100 meilleurs élèves ayant terminé leur grade 10 (fin du premier cycle de l’école secondaire, vers 15-16 ans), sont désormais issus de ces écoles.

 

Dans la formation des écoles du RSS, rien n’est oublié : entraînement physique, mental et enseignement spirituel. Les manuels scolaires, revus selon les théories de l’hindutva, ont été traduits en oriya, langue vernaculaire, et sont disponibles en librairie. Contenant des incitations à la haine raciale à partir de récits sans aucun fondement historique mettant en scène des crimes réalisés par les minorités non hindoues, ces manuels exaltent l’hindouité et le nationalisme.

 

« Très clairement, le RSS a fait en sorte que ces écoles, avec les Ekal Vidyalayas [écoles primaires rurales soutenues elles aussi par le mouvement hindouiste], puissent contrer l’influence des établissements tenus par l’Eglise », explique John Dayal, président du All India Christian Council (AICC), association chrétienne de défense des droits de l’homme et des libertés religieuses.

 

Selon Angana Chatterji, universitaire spécialiste de l’extrémisme hindou, il y aurait en Orissa plus de 9 000 Ekal Vidyalayas, toutes établies dans des régions où les adivasi (aborigènes ou « tribus ») sont majoritaires et où l’Etat n’accorde que très peu de subsides. Les écoles du RSS sont, quant à elles, financées par des fonds privés et des organisations caritatives hindouistes (6).

 

John Dayal, pour sa part, souligne le fait que les écoles chrétiennes, qui sont pour la plupart établies dans les villes, aient acquis la réputation d’être des institutions formant l’élite de langue anglaise, qui détient la richesse et le pouvoir.

 

Mises à part de rares exceptions, il n’y a aucune école chrétienne en zone rurale, précise encore le président de l’AICC. Les établissements tenus par le RSS ont comblé le manque, proposant un enseignement de qualité, l’élitisme en moins. « Cette situation doit inciter l’Eglise à repenser ses orientations », conclut-il.

 

Le P. Anselm Biswal, ancien responsable dans le secteur social, confirme la gravité de la situation : « Les écoles que nous gérons ne font pas le poids face à celles du RSS. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui [dans l’Eglise catholique] est un véritable investissement et une politique claire concernant l’éducation. »