Eglises d'Asie

Après un rebondissement inattendu dans le procès de l’usine Union Carbide, l’archevêque de Bhopal demande que les victimes restent la priorité

Publié le 04/09/2010




Le 31 août dernier, la Cour suprême indienne a créé la surprise en annonçant qu’elle allait réexaminer un jugement de 1996 qui avait infligé une condamnation considérée comme légère aux personnes poursuivies pour leur responsabilité dans le terrible accident industriel survenu à Bhopal dans la nuit du 3 décembre 1984, dans une usine du groupe américain Union Carbide.

Le lendemain, 1er septembre, tandis que la majorité des commentateurs indiens saluaient cette décision, l’archevêque catholique de Bhopal a demandé que soit mené sans attendre un recensement des victimes de cette tragédie afin que leur soit apportée une aide appropriée.

Pour Mgr Leo Cornelio, archevêque de Bhopal, plus de vingt-cinq ans après la tragédie, l’Eglise ne cherche pas à alourdir les condamnations déjà prononcées contre les responsables qui ont été identifiés, mais a à cœur de soulager la souffrance de ceux qui ont survécu à la catastrophe. « Pour cela, nous avons besoin d’un recensement précis de tous les survivants », a-t-il déclaré le 1er septembre. Aujourd’hui, près des trois quarts des habitants des bidonvilles entourant l’usine, qui ont eu à souffrir du nuage de gaz toxique, sont morts sans soins appropriés. « Il est temps que nous pensions à aider ceux qui sont encore parmi nous, plutôt que de nous préoccuper de politique », a ajouté le prélat. « Les survivants ont besoin de logements adéquats, de soins médicaux, d’aide matérielle », a-t-il encore commenté, précisant que les pouvoirs publics ne devraient pas gaspiller leur énergie « à des longues batailles juridiques ». Il a aussi proposé l’aide de l’Eglise pour réaliser le recensement qu’il souhaite.

Depuis cette nuit du 3 décembre 1984 où quarante tonnes de gaz toxique s’échappèrent de l’usine Union Carbide à Bhopal, dans le Madhya Pradesh, on estime que 25 000 personnes sont mortes sur le coup ou des suites de l’inhalation du gaz. Les poursuites judiciaires engagées pour sanctionner les responsables de la tragédie ont été longues et difficiles. Quelque 550 000 personnes ont porté plainte. Les autorités indiennes ne sont jamais parvenues à obtenir l’extradition de Warren Anderson, le PDG du groupe Union Carbide au moment de l’accident, et, par le jugement de 1996 de la Cour suprême indienne, les sept personnes poursuivies devant la justice indienne n’ont pu l’être que pour « négligence » – un délit puni par des peines relativement légères – et non pour « homicide » – un crime passible de dix d’emprisonnement.

L’affaire a été relancée en juin dernier quand un tribunal indien a finalement jugé coupables sept des cadres dirigeants de l’usine et les a condamnés à des peines de deux ans de prison. Immédiatement, la presse et de nombreux commentateurs ont critiqué le verdict, l’estimant trop clément. La décision du 31 août de la Cour suprême, qui revient donc sur son jugement de 1996, ouvre la voie à un nouveau procès, à l’issue duquel les accusés pourraient être plus lourdement condamnés. Au vu de la lenteur du système judiciaire indien – les premières condamnations ont pris un quart de siècle –, on peut toutefois craindre que la révision des condamnations ne prenne de nombreuses années.