Eglises d'Asie

Ayodhya : hindous et musulmans font appel du verdict de la Haute Cour rendu aujourd’hui, qui prévoit de partager le lieu sacré entre les différents cultes

Publié le 01/10/2010




« Mère Teresa avait le projet que s’élève sur ce lieu revendiqué âprement par les hindous et les musulmans, un centre d’accueil pour les plus déshérités et les mourants, quelle que soit leur religion, évoquait le 27 septembre dernier, Mgr Henry D’Souza, archevêque émérite de Calcutta et proche de la « sainte des pauvres », dans un entretien accordé à l’agence Fides. Elle disait qu’en servant ainsi l’humanité souffrante, …

les hindous auraient fait honneur au dieu Rama et les musulmans à Allah (…). Aujourd’hui, je suis persuadé que transformer ce lieu en centre au service pour les pauvres et des souffrants serait une merveilleuse façon de mettre fin à cette controverse et à faire naître, dans une histoire qui a suscité tant de haine et de sang, un bien pour la nation tout entière. »

Mère Teresa avait fait cette proposition – qui avait laissé dubitatifs à l’époque l’ensemble de ses interlocuteurs – alors que venaient tout juste de se produire les événements sanglants d’Ayodhya. Aujourd’hui, le tollé général provoqué par le verdict de la Haute Cour rendu public ce 30 septembre et censé trancher le conflit entre hindous et musulmans, semble lui donner raison. Aucun règlement judiciaire ne paraît en effet capable de permettre un consensus au sujet de ce lieu sacré revendiqué par les deux parties.

Le 6 décembre 1992, des extrémistes hindous rasaient la mosquée Babri Masjid, construite en 1528 à Ayodhya, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh, dans le but de rétablir le culte hindou sur ce site où se serait élevé originellement un temple marquant le lieu de naissance du dieu Rama. S’en étaient suivis de violents affrontements entre hindous et musulmans qui avaient fait plus de 2 000 morts. Le gouvernement avait acheté le terrain pour le soustraire aux factions rivales mais le conflit ne s’était pas apaisé, des heurts meurtriers se produisant de façon sporadique sur le lieu saint contesté. Le débat sur la « restitution » d’Ayodhya aux hindous avait dépassé les frontières de l’Uttar Pradesh, devenant le fer de lance du programme politique des hindouistes nationalistes et permettant au BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien) de gagner les élections de 1998. En 2002, une nouvelle flambée de violences meurtrières intercommunautaires s’était produit au Gujarat en lien avec la controverse d’Ayodhya.

L’Inde attendait donc le jugement de la Haute Cour de l’Uttar Pradesh le 30 septembre dernier dans une grande tension, matérialisée par un déploiement de quelque 200 000 policiers et paramilitaires dans tout l’Etat, afin de prévenir toute violence consécutive au verdict. Dans toute l’Inde, de nombreux sites jugés « sensibles », car susceptibles de voir naître des affrontements interreligieux, avaient été placés en état d’alerte et plusieurs milliers de personnes avaient été arrêtées de manière « préventive ».

Le tribunal d’Allahabad, composé de trois juges, a rendu au final un jugement en demi-teinte, décevant ainsi les deux parties. La décision de justice a prévu en effet de partager le sanctuaire entre hindous et musulmans : un tiers du site de 2,7 acres (un peu plus d’un hectare) est accordé aux musulmans pour y édifier une mosquée, les deux autres tiers sont destinés, l’un à la construction d’un temple hindou qui viendrait remplacer le sanctuaire de fortune installé sur l’ancienne moquée Bari, l’autre à une organisation religieuse locale, également hindoue. La Cour aurait par ailleurs confirmé, selon certains avocats, que des preuves archéologiques attestaient de la construction d’un temple hindou, antérieure à la mosquée.

Plusieurs groupes musulmans et hindous ont annoncé, dès l’annonce du verdict, qu’ils feraient appel devant la Cour suprême de ce jugement où les uns se sentent lésés et les autres insuffisamment rétablis dans leurs droits. Lors d’une intervention télévisée en soirée, le Premier ministre de l’Union indienne Manmohan Singh a appelé la population au calme, tandis que les différents responsables religieux et politiques ont multiplié les déclarations.