Eglises d'Asie – Philippines
L’épiscopat catholique menace d’excommunication le président de la République s’il met en place un financement public des méthodes de contraception artificielle
Publié le 01/10/2010
… le même Mgr Odchimar, évêque de Tandag, a averti, à mots à peine couverts, que le président Aquino courait le risque de se voir excommunié s’il persistait dans sa volonté de faire financer sur fonds publics la mise à disposition de pilules contraceptives à effet abortif.
Catholique pratiquant, ‘Noynoy’ Aquino n’a pas caché sa conviction que les couples philippins, quel que soit leur état de richesse, devaient être en mesure d’opter pour la méthode contraceptive de leur choix. En visite aux Etats-Unis, s’adressant le dimanche 26 septembre à la communauté philippine de Californie, il a déclaré que le gouvernement philippin réfléchissait à la mise en place d’une distribution publique de moyens contraceptifs. « Nous pourrions fournir une aide à ceux et celles qui souhaitent utiliser telle ou telle méthode », a-t-il notamment déclaré. De retour à Manille le 28, le président a précisé qu’il revenait avec 2,4 milliards de dollars d’investissements américains et un don de 434 millions de dollars de la Millenium Challenge Corporation destiné à financer « des programmes sociaux ».
Créée en janvier 2004 par un vote du Congrès américain, Millenium Challenge Corporation a pour objet le financement de la lutte contre la pauvreté dans le monde. Parmi ses objectifs figure l’accès à la santé, ce qui comprend l’accès à « la santé reproductive » et sous-entend la mise à disposition de la population des moyens artificiels de contraception.
Au micro de Radio Veritas, Mgr Odchimar s’est montré résolu, s’adressant par delà les ondes à ‘Noynoy’ Aquino : « Etant le président de tous, vous devez prendre en compte la position de l’Eglise catholique car nous touchons là à des questions comportant une dimension morale. L’avortement est un crime. Il est passible d’excommunication. C’est là une question grave qui renvoie au non-respect d’un commandement de Dieu. » Interrogé précisément sur le fait de savoir si ‘Noynoy’ Aquino pouvait être excommunié au cas où il persistait à faire financer par le gouvernement la distribution de contraceptifs artificiels, l’évêque aurait répondu : « C’est une possibilité. A l’heure actuelle, c’est une possibilité réelle. »
Pour le président de la Conférence épiscopale, l’Eglise ne prend pas par surprise le chef de l’exécutif philippin. « Notre opposition (à la prise en charge gouvernementale des moyens de contraception) est connue ; elle est constante ». Il a rappelé que les évêques avaient publié le 12 juillet dernier une lettre ouverte dans laquelle figurait une invitation au dialogue. « Nous n’avons aucun ressentiment. Nous ne cherchons pas la confrontation. Nous voulons instaurer un dialogue. Nous attendons », a-t-il affirmé, soulignant qu’aucune tentative de prise de contact avec les évêques n’était venue de Malacanang, le palais présidentiel.
Sur le fond du problème, Mgr Odchimar a rappelé la doctrine catholique du respect de la vie, de sa conception naturelle à sa fin naturelle. Sachant cela, une pilule contraceptive, dès lors qu’elle a un effet abortif, comporte le risque d’aboutir à la mort d’un embryon, a-t-il expliqué. L’évêque a également rappelé que l’Eglise était opposée au vote de la « loi sur la santé reproductive », un texte législatif qui prévoit un financement public obligatoire de tous les moyens de contraception et des centres de santé où ces moyens sont mis à disposition – texte qui a déjà une longue histoire et qui est à nouveau à l’ordre du jour du Congrès philippin (2).
A une question sur le contrôle de la croissance démographique aux Philippines, Mgr Odchimar a répondu que l’accroissement de la population n’était pas en soi un problème. « Il faut prendre en compte d’autres facteurs tels les migrations vers les villes où les paysans déracinés ne trouvent pas de travail. Notre pays est un pays agricole. L’agriculture devrait être soutenue. A ce propos, il est ironique de constater que l’Institut international de recherche sur le riz est installé aux Philippines et que nous importons du riz du Vietnam, un pays qui a pourtant été ravagé par la guerre », a-t-il fait remarquer, concluant sur le fait qu’il était de notoriété publique que de fortes sommes étaient en jeu pour amener le Congrès à voter la loi sur la santé reproductive. « C’est un secret de polichinelle : ce sont les laboratoires et l’industrie pharmaceutique qui en profiteront en premier lieu car ce sont eux qui fabriquent et distribuent la pilule et les moyens contraceptifs. »
En conclusion, Mgr Odchimar a déclaré que toutes les voies seraient explorées afin de maintenir un dialogue avec l’exécutif philippin. « Nous n’avons pas de pouvoir de police. Mais nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire. Nous n’excluons pas de mobiliser les organisations laïques », a-t-il déclaré, laissant ainsi planer la possibilité d’une mobilisation populaire massive.
Par ailleurs, le 29 septembre, le P. Melvin Castro, secrétaire exécutif de la Commission pour la famille de la Conférence épiscopale philippine, a mis en cause les Etats-Unis, leur reprochant d’interférer dans les affaires intérieures du pays en faisant un don de 434 millions de dollars au gouvernement philippin. « Je suis certain que le gouvernement américain a pesé sur la décision du président Aquino de mettre en place des mesures favorables au contrôle de la croissance démographique », a-t-il déclaré, ajoutant que l’aide étrangère, fournie par les Etats-Unis ou d’autres pays, avait déjà été utilisée par le passé comme un levier pour amener les Philippines à contrôler les naissances.
Le 30 septembre, l’épiscopat catholique a reçu le renfort de voix musulmanes. Le Conseil des imams des Philippines a fait savoir que ses membres rejoignaient l’Eglise catholique dans son refus de voir votée la loi sur la santé reproductive.