Eglises d'Asie

Le verdict d’Ayodhya, une « sonnette d’alarme » pour les minorités religieuses

Publié le 15/10/2010




« Le verdict d’Ayodhya, fondée sur le populisme et le compromis politique, pourrait avoir de graves répercussions sur les minorités religieuses en Inde. Les mouvements extrémistes hindous qui ont détruit la mosquée de Babri Masjid en 1992 chantent victoire et, de la même façon, revendiquent au moins 3 000 autres sites où s’élèvent des édifices de culte appartenant aux autres minorités religieuses. »

Ce sont les termes choisis par le catholique John Dayal, militant indien pour les droits de l’homme et secrétaire général du Conseil pan-chrétien de l’Inde (All India Christian Council), dans un commentaire transmis à l’agence Fides. Le Conseil pan-chrétien de l’Inde très actif dans la défense des minorités religieuses, réunit des représentants chrétiens de toutes les confessions.

Le 1er octobre 2010, Jonh Dayal expliquait à l’agence de la Congrégation pontificale pour l’évangélisation des peuples : « Le verdict, qui se propose de partager la zone disputée en trois entre les hindous et les musulmans, a été considéré comme l’unique façon de restaurer la paix entre les deux communautés. Mais je crois qu’il pourrait avoir l’effet inverse : la Cour, par cette décision, a donné une crédibilité juridique, sans preuves historiques ni archéologiques, au mythe hindou du lieu de naissance de la divinité Rama, et sur l’existence d’un temple sur les ruines duquel aurait ensuite été construite la mosquée. C’est pourquoi les extrémistes hindous, qui l’on rasée en 1992, considèrent le verdict comme une victoire éclatante et ont retrouvé leur enthousiasme. Le chef du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, Corps national des volontaires) a déjà appelé tous les militants à lancer une campagne nationale pour construire un magnifique temple au dieu Rama, et plusieurs hommes politiques comme Lal Krishna Advani, du parti nationaliste hindou Baratiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), ont déjà donné un avis favorable. »

John Dayal signale à ce sujet de sérieux problèmes pour les minorités religieuses : « Selon les universitaires et les juristes, la Cour, en acceptant la mythologie hindoue comme un fait réel, ouvre une boîte de Pandore qui pourrait avoir de graves répercussions sur les minorités religieuses dans toute l’Inde. Il existe en effet de nombreux autres cas semblables de territoires disputés entre groupes religieux, pour lesquels les documents d’archives et les preuves archéologiques sont insuffisants. Rien que dans les relations entre hindous et musulmans, au moins trois autres grandes controverses sont en cours. Mais, selon des mouvements extrémistes hindous comme le Sangh Parivar, il y a au moins 3 000 édifices de culte appartenant à des communautés religieuses minoritaires, qui auraient été construits sur les ruines de temples hindous. Aujourd’hui, à l’exemple d’Ayodhya, ces revendications pourraient se multiplier ou retrouver de la vigueur, avec des effets négatifs sur les rapports interreligieux. » Le secrétaire continue : « En outre, la sentence ne tient pas compte de la loi selon laquelle le terrain d’un édifice religieux – temple, mosquée ou église – a été reconnu et établi pour toujours à partir de l’Indépendance de l’Inde, le 15 août 1947, et que personne ne peut usurper le lieu ou l’édifice d’une autre communauté religieuse. »

Le verdict d’Ayodhya, rappelle John Dayal à Fides, constitue une « sonnette d’alarme pour les minorités religieuses en Inde. Ce qui me préoccupe le plus est de voir que les tribunaux ne décident pas sur la base des preuves ou du droit, mais en considérant les sentiments du peuple. Ce qui donne à la communauté majoritaire, hindoue donc, un pouvoir extraordinaire dans un pays multiculturel comme l’Inde ».

John Dayal note toutefois que l’attention portée par le gouvernement et la police sur l’événement a porté ses fruits : le contrôle des militaires, le déploiement des forces de sécurité, le blocage des SMS collectifs ont empêché tout débordement de violence. « Cela signifie que les minorités peuvent et doivent être protégées », conclut-il.