Eglises d'Asie

Face à la polémique grandissante, l’Eglise catholique et le président philippin s’entendent pour mettre en place un dialogue

Publié le 04/10/2010




Face à la polémique déclenchée par les propos tenus par le président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines sur les ondes de Radio Veritas, l’épiscopat philippin et la présidence de la République ont convenu de calmer le jeu et de dialoguer dans le calme au sujet des politiques publiques à mener en matière de contrôle de la croissance démographique.

Le 4 octobre, le P. Melvin Castro, secrétaire exécutif de la Commission pour la famille et la vie de la Conférence épiscopale, a déclaré que les évêques s’abstiendraient « de toute déclaration inutile » dans l’attente de la mise en place d’un dialogue formel avec le président de la République, ‘Noynoy’ Aquino. « Nous respectons la requête de Malacanang [le palais présidentiel] de cesser les hostilités afin de ramener le calme. Nous attendons la mise en place d’un dialogue face-à-face entre le président et les évêques », a précisé le prêtre, ajoutant que les évêques se préparaient à un dialogue « élargi » avec l’Administration Aquino, laquelle a précisé que le président s’était entretenu au téléphone avec « un certain nombre » d’évêques.

Le même jour, peu auparavant, un porte-parole de la présidence, Edwin Lacierda, avait appelé à la « sobriété », la tension étant montée haut tout au long de ces trois derniers jours, l’Eglise catholique et l’Administration s’affrontant au sujet d’un projet de loi actuellement à l’étude concernant « la santé reproductive ».

Le 29 septembre dernier, la tension entre l’Eglise et l’administration avait brutalement grimpé lorsque les médias locaux avaient donné un large écho à une interview accordée par le président de la Conférence épiscopale, Mgr Nereo Odchimar, à la radio catholique Radio Veritas (1). Commentant une récente visite du président philippin aux Etats-Unis d’où ‘Noynoy’ Aquino était revenu avec un don de 434 millions de dollars destiné à financer des « programmes sociaux » au nombre desquels figurent le financement de contraceptifs à effet abortif, l’évêque avait clairement indiqué que ce type de programmes était inacceptable pour l’Eglise et, avaient rapporté les médias, l’épiscopat philippin n’excluait pas la possibilité d’excommunier le président pour cela.

Les réactions avaient été immédiates et nombreuses face à cette menace d’excommunication. Les uns dénonçant une immixtion indue de l’Eglise dans le champ politique et les autres défendant les évêques catholiques dans leur rôle de gardiens des valeurs morales de la nation. Rapidement toutefois, dès le 1er octobre, Mgr Nereo Odchimar faisait publier un communiqué sur le site Internet de la Conférence épiscopale (CBCP) : « Bien que le sentiment prévalant chez un certain nombre d’évêques était un sentiment de consternation et de dépit au sujet des propos attribués au président concernant les contraceptifs artificiels, la prise d’une sanction canonique n’a jamais été considérée par la CBCP. » L’évêque, canoniste de formation, ajoutait : « L’approche initiale de cette question (de santé publique) devrait être celle du dialogue et non de la confrontation. A ce stade, menacer d’excommunication ne peut pas aller de pair avec notre souhait d’entrer en dialogue. »

Le 4 octobre, c’est Radio Veritas qui faisait paraître un communiqué pour signaler les « divergences » entre le script de l’interview controversée et ce qui s’était véritablement dit à l’antenne le 29 septembre. Mgr Nereo Odchimar, interrogé sur le fait de savoir si ‘Noynoy’ Aquino pouvait être excommunié au cas où il persistait à faire financer par le gouvernement la distribution de contraceptifs artificiels, avait été cité comme ayant répondu : « C’est une possibilité, parce que, à l’heure actuelle, c’est une possibilité réelle (proche). » Radio Veritas a fait valoir qu’un mélange d’anglais et de tagalog, langue locale, ayant été utilisé durant l’interview, une confusion avait été faite lors de la retranscription de celle-ci. Là où le script disait : « C’est une possibilité, kasi (‘parce que’ en tagalog), à l’heure actuelle, c’est une possibilité réelle (proche) », il fallait lire : « Cela peut être une possibilité. Je ne vois pas (I don’t see) à l’heure actuelle que (na en tagalog) ce soit une possibilité réelle (proche) ».

Vendredi 1er octobre et durant le week-end, la mobilisation des uns et des autres a été forte. En plusieurs points de Manille, des militants d’ONG favorables au vote de la loi sur la santé reproductive ont organisé des distributions gratuites de préservatifs. Devant le siège de la CBCP, des manifestants brandissaient des pancartes où l’on pouvait lire : ‘My body, My decision’ ou bien encore ‘Keep your rosaries out of our ovaries’. De son côté, Mgr Juanito Figura, secrétaire général de la CBCP, écrivait sur le site Internet de la Conférence épiscopale que « la désobéissance civile » était une option à considérer au cas où le projet de loi controversé serait voté par le Congrès. L’association laïque des Chevaliers de Colomb (Knights of Columbus) faisait savoir que ses 250 000 membres se tenaient prêts le cas échéant.

Sur les questions de fond, dans l’attente d’un « dialogue » désormais annoncé, tant le président Aquino que Mgr Odchimar sont restés campés sur leurs positions respectives. A des journalistes, ‘Noynoy’ Aquino a assuré que si l’Etat « n’avait pas le pouvoir, par la loi, de dicter à un couple ce qu’il souhaitait pour sa famille », il était tout aussi évident pour lui que le gouvernement « avait l’obligation d’apporter à tous ses citoyens les moyens de faire un choix ». Quant à Mgr Odchimar, il a déclaré : « Je maintiens que l’enseignement constant de l’Eglise est que la vie commence dès le moment de la conception de l’embryon, et non pas lors de son implantation (dans l’utérus). Certains procédés contraceptifs et certaines pilules contraceptives sont abortifs. Tout acte qui aboutit à expulser ou à tuer l’embryon est considéré comme un avortement. » Le 3 octobre, à Cebu City, l’évêque a réitéré devant des journalistes son opposition au projet de loi sur la santé reproductive. « Trop souvent, nous pensons que la foi ne concerne que le fait de croire (…). Notre problème est que nous cherchons toujours la solution de facilité », a-t-il affirmé, ajoutant : « Nous devons faire entendre clairement notre position. »