Eglises d'Asie – Philippines
L’Eglise catholique et les défenseurs des droits de l’homme se félicitent de la décision du président philippin de faire réexaminer les cas des « 43 détenus de Morong »
Publié le 05/10/2010
… parce que c’est l’opinion qui prévaut au sein de nombreux groupes de défense des droits de l’homme », a précisé la Secrétaire d’Etat à la justice, Leila de Lima, qui occupait, avant sa nomination, le poste de directrice de la Commission des droits de l’homme aux Philippines (1).
Ceux que l’on appelle désormais les « 43 de Morong », un groupe de médecins, d’infirmières et d’autres professions médicales, également membres d’une fondation proche de l’Eglise du Christ unie des Philippines (United Church of Christ in the Philippines) (2), ont été arrêtés à Morong, dans la province de Rizal, le 6 février dernier, lors d’une réunion où, selon la police et l’armée qui les avaient appréhendés, ils participaient à une session de formation au terrorisme et à la fabrication de bombes. Certains auraient avoué appartenir à la rébellion communiste, ce que contestent leurs proches, qui dénoncent des aveux extorqués sous la torture.
L’Eglise catholique des Philippines ainsi que de nombreux organismes militants pour les droits de l’homme ont fait paraître, le 1er octobre, des déclarations dans lesquelles ils saluaient la décision du chef de l’Etat philippin. « Nous voudrions réitérer notre appel au gouvernement à mettre en pratique les paroles du prophète Amos : ‘Que le droit coule comme de l’eau et la justice comme un torrent qui ne tarit pas’ », a publié, dans son communiqué, Promotion for the Church People’s Response (PCPR). Quant à l’United Church of Christ in the Philippines, dont se réclament les détenus, elle a exprimé également son soulagement et réaffirmé que « l’emprisonnement [des 43 de Morong] violait les droits élémentaires des citoyens, en tant qu’être humains créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ».
Cette annonce officielle de la révision des charges pesant sur les 43 prisonniers intervient après des mois de démarches et de pressions de la part de nombreuses ONG et organisations chrétiennes (3) sur le gouvernement Aquino, accusé de ne pas tenir ses promesses électorales. En effet figurait en première ligne des résolutions du nouveau président, l’élimination des abus du précédent régime de Gloria Arroyo, dont les « arrestations arbitraires et illégales », dénoncées comme étant régulièrement pratiquées par l’armée et les forces de police, notamment dans le cadre de la lutte contre la guérilla communiste.
Le 7 avril, la Conférence épiscopale catholique des Philippines avait pris officiellement position dans un communiqué où elle dénonçait « une arrestation hors de toute procédure judiciaire (…) et un maintien en détention sur une base militaire » qui « [constituaient] une grave menace pour les libertés civiles du peuple philippin » (4). Et plus récemment, le 20 septembre dernier, lors d’une messe célébrée pour les « 43 de Morong », Mgr Deogracias Iniguez, évêque de Kalookan et président du Comité pour les affaires publiques de la Conférence épiscopale philippine, avait expressément demandé au gouvernement de « faire justice » et de libérer les professionnels de la santé « arrêtés et détenus illégalement ».
La Society of Ex-Detainees for Liberation and Amnesty (SELDA), une association d’anciens prisonniers politiques, a déclaré, à l’annonce du réexamen des conditions d’arrestation et de détention des 43 professionnels de santé, qu’elle espérait que la décision du président Aquino ouvrirait la voie à d’autres révisions de cas de détenus politiques. « Cette mesure marque une évolution que nous saluons (…). Nous avions longuement insisté sur l’urgence, aussi bien à réexaminer leur cas qu’à les relâcher sans délai, chaque jour de leur détention rajoutant à l’injustice et à la violation des leurs droits », a déclaré le P. Dionito Cabillas, secrétaire général de la SELDA (5).
L’association a rappelé que les 43 travailleurs de Morong retenus en détention dans les camps militaires de Bagong Diwa et de Capinpin n’étaient pas seuls dans ce cas : plus de 400 « prisonniers politiques » languissent dans les geôles philippines et des camps d’internement encadrés par l’armée, dispersés à travers tout le pays.