Eglises d'Asie – Indonésie
Papouasie occidentale : victimes d’attaques répétées, les protestants menacent le gouvernement de faire sécession si la liberté de religion n’est pas respectée
Publié le 05/10/2010
… et fermetures forcées de lieux de culte ont été recensées depuis le début de l’année 2010 dans tout le pays, montrant une nette augmentation des actions des extrémistes à l’encontre des chrétiens.
Située à l’extrémité orientale de l’Indonésie, la Papouasie occidentale (1) se démarque des autres provinces indonésiennes par ses composantes ethniques et religieuses. Peuplée essentiellement de populations aborigènes, malgré l’afflux récent de « colons » venus des autres îles d’Indonésie, elle est également majoritairement chrétienne (surtout protestante) au sein du premier pays musulman au monde (240 millions d’habitants dont 86 % appartiennent à l’islam).
A Djakarta, la délégation protestante a été reçue par les responsables de la Communion des Eglises en Indonésie (PGI), une importante fédération qui réunit 80 % des protestants du pays, puis a rencontré la Rév. Luspida Simanjuntak et Hasean Lubantoruan Sihombing, de l’Eglise Huria Kristen Batak Protestant (HKBP) de Ciketing. La femme pasteur et son assistant avaient été violemment attaqués le 12 septembre dernier alors qu’ils se rendaient au service dominical à Bekasi, dans la banlieue de Djakarta (2).
A l’issue de leur rencontre du 24 septembre, les représentants des Eglises protestantes de Papouasie se sont adressés à la presse, rappelant qu’en Papouasie occidentale « bien que les protestants soient majoritaires dans la région », toutes les minorités religieuses, quelles qu’elles soient, « étaient libres de pratiquer leur religion et de construire leurs propres lieux de culte ». Selon les leaders chrétiens, ce sont en effet les difficultés liées à la construction des lieux de culte qui sont à l’origine des attaques contre les églises chrétiennes : depuis le décret de 2006, les règles en vigueur sont telles qu’il est facile pour une communauté locale de faire part de son opposition à la construction dans son voisinage d’un lieu de culte (3).
Pour la population papoue, affirme le Rév. Akwila Marin, pasteur à Manokwari, c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités et d’assurer le respect des libertés constitutionnelles. « La liberté religieuse doit être appliquée, ou nous nous battrons pour obtenir l’indépendance », a-t-il menacé, suivi par le Rév. M. L. Wanma, directeur de l’Indonesian Protestant Church (GPI) pour la Papouasie : « Si la violence antireligieuse persiste et que le gouvernement ne joue pas son rôle en protégeant la population, nous nous retirerons de l’Indonésie. »
Bien que les Eglises chrétiennes aient toujours ouvertement défendu les droits des Papous, elles ne se sont que très rarement aventurées à émettre des propos indépendantistes. Toutefois, l’augmentation des attaques et le manque de réaction du gouvernement indonésien a cette fois-ci fait réagir les représentants de différentes confessions, y compris du côté musulman. Hasyim Muzadi, secrétaire général de l’International Conference of Islamic Scholars et ancien président de la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, a ainsi demandé au gouvernement de procurer un lieu de culte à l’Eglise de Ciketing. En réponse, le secrétaire général du ministère aux Affaires religieuses, Bahrul Hayat, a officiellement assuré qu’un édifice serait temporairement mis à la disposition de la communauté protestante pour ses offices dominicaux.
Le P. Antonius Benny Susetyo, secrétaire exécutif de la Commission pour l’œcuménisme et les relations interreligieuses de la Conférence épiscopale catholique, a fait également une déclaration dans laquelle il demande « aux forces de l’ordre d’agir avec fermeté et de protéger les Eglises qui doivent faire face à ces problèmes ». Quant à la réputée Union of Catholic University Students of the Republic of Indonesia, elle a déclaré par l’intermédiaire de son dirigeant, Stefanus Gusman, que les attaques avaient démontré l’incapacité du gouvernement à protéger les minorités religieuses et qu’il devait en reconnaître la responsabilité.
A la tête de la PGI, le Rév. Andreas A. Yewangoe a réaffirmé lui aussi la conviction selon laquelle le gouvernement était responsable de l’amplification du phénomène des attaques contre les chrétiens. Cette agression antichrétienne (des membres de l’Eglise de Ciketing) « est un exemple de l’indécision du gouvernement local (…). Et lorsque des attaques contre les églises continuent de se produire, c’est qu’il n’est pas impossible que les autorités de l’Etat soient infiltrées par ces groupes [d’extrémistes] », a déclaré en juillet dernier, dans une interview à la BBC, ce spécialiste du dialogue interreligieux.