Eglises d'Asie

Les responsables des principales religions du pays demandent au président de démissionner ou de renoncer au projet de « Réaménagement des 4 fleuves »

Publié le 08/10/2010




Des représentants des quatre religions principales de la Corée – bouddhisme, catholicisme, protestantisme et bouddhisme won – ont demandé au président Lee Myung-bak de renoncer, sous peine de devoir présenter sa démission, au projet de « Réaménagement des 4 fleuves », qui soulève depuis son lancement en 2009 une très forte polémique dans le pays. Environ une centaine de membres du clergé des différentes religions, …

… dont 30 prêtres catholiques, ont jeûné en public du 4 au 6 octobre à Séoul, afin de marquer leur opposition au plan gouvernemental qui prévoit le dragage des lits fluviaux ainsi que la construction de plusieurs barrages (avec centrales hydroélectriques) sur les quatre principaux cours d’eaux de Corée du sud : le Naktong, le Han, Le Kum (Geum) et le Yeongsan (Yongsam) (1).

« C’est la première fois dans le pays que des leaders de quatre religions jeûnent ensemble pour la même cause », a souligné Augustine Maeng Joo-hyung, coordinateur du mouvement Solidarité catholique contre le projet des 4 fleuves. Ce groupe, très actif, a multiplié ces derniers mois les manifestations interreligieuses, les déclarations publiques ou encore les célébrations, comme celle qui a rassemblé des milliers de participants en mai dernier devant la cathédrale catholique Myeongdong de Séoul.

Le 6 octobre, à l’issue de la grève de la faim, les responsables religieux ont tenu une conférence de presse où ils ont clairement exprimé leur détermination : le projet des 4 fleuves doit être immédiatement stoppé ou le chef de l’Etat sud-coréen devra démissionner. « Ce programme est en train de détruire les rivières. Il viole la vie, insultant et provoquant ainsi les religions qui la protègent, ont-ils déclaré dans leur communiqué. Le président Lee Myung-bak continue de poursuivre ce projet, au mépris de la législation et de l’opposition de la population. Son administration méprise le peuple et ignore la démocratie. S’il persiste à vouloir aller contre la volonté du peuple, nous n’hésiterons pas à demander sa démission. »

En Corée du Sud où la protection de la nature revêt une importance particulière, y compris et surtout dans le domaine spirituel, le plan de réaménagement a provoqué une levée de bouclier quasi-générale, qui n’a faibli à aucun moment, même après l’abandon par le président Lee Myong-bak d’un précédent projet de création d’un canal traversant le pays de part en part et reliant Séoul au port de Busan (Pusan).

Le coût de l’entreprise, qualifiée de « pharaonique » par ses détracteurs, est évalué à 22,2 trillions de wons (13 milliards d’euros) et le président sud-coréen est soupçonné par les opposants au projet d’entretenir des relations étroites et financières avec les entreprises impliquées dans le plan de réaménagement (2).

Selon les autorités, le projet permettra de prévenir les inondations et la pénurie d’eau, de réduire la pollution des fleuves et de faire des zones voisines des voies d’eau des lieux de détente et de loisirs, tout en stimulant l’économie et en créant des milliers d’emplois. Selon les défenseurs de l’environnement, elle détruira l’écosystème des fleuves et de leurs rives de façon irrémédiable, en particulier en raison de l’installation de barrages et d’opérations de dragage.

Dès les prémices du projet, l’Eglise catholique de Corée du Sud, très engagée dans le combat social, les droits de l’homme et la défense de l’environnement, avait fait connaître ses positions et lancé de nombreuses actions, rejoignant les quelque 400 associations écologistes opposées au programme gouvernemental. Elle avait ensuite rapidement rallié les principales religions à sa cause, dont la plus importante organisation bouddhiste de Corée du Sud, l’Ordre Jogye (Chogye), En mai dernier, le Conseil central de l’Ordre Jogye avait déclaré : « Nous, bouddhistes, demandons que le projet soit immédiatement arrêté et totalement revu, faute de quoi le gouvernement devra affronter le jugement sévère de tous les moines et croyants bouddhistes. » Le 31 mai, le Vénérable Munsu, moine bouddhiste de 47 ans, s’immolait par le feu sur les rives du fleuve Nakdong, laissant une lettre adressée au président sud-coréen lui demandant d’« arrêter sans délai » l’opération menaçant la vie des fleuves (3).

Pour le P. Joseph Cho Hae-bung, président de Solidarité catholique, « le devoir le plus important des religions est de protéger et préserver la vie (…). Les rivières sont des sources de vie que nous devrons transmettre à nos descendants ». Ce prêtre catholique avait déjà fait une grève de la faim, en relais avec le P. Paul Suh Sang-geen, du 13 au 18 août dernier. « La raison pour laquelle des prêtres catholiques et des membres du clergé d’autres religions s’opposent au projet est simple : il est insensé de développer l’économie au prix de l’écologie (…). Nous voulons offrir notre jeûne comme un sacrifice pour les rivières qui se meurent, et prier pour toutes les vies qui dépendent d’elles. »

Dans un dernier rebondissement de la polémique, le 7 octobre dernier, le Comité ‘Justice et Paix’ de l’archidiocèse de Kwangju (Gwangju) a fait paraître une lettre ouverte demandant à Sohn Hak-kyu, leader du Parti démocratique, principal parti d’opposition du pays, de retirer immédiatement son soutien au projet de réaménagement du fleuve Yeongsangang (Yeongsan) (4). « Il a parlé avec légèreté, sans connaître la réalité du projet du Yeongsangang, annihilant ainsi les efforts de l’Eglise catholique. Nous demandons à Sohn de retirer ses propos et de présenter ses excuses aux habitants de Kwangju city ainsi que de la province de Jeollanam-do », se sont indignés les responsables catholiques dans leur communiqué.

Lors d’une visite récente à Kwangju, Sohn Hak-kyu avait en effet déclaré : « Le projet du gouvernement sur le Yeongsangang est différent de celui des trois autres fleuves, car il a pour but d’améliorer la qualité de l’eau. Notre parti soutient cet objectif et adhère au projet. »

« Nous avions demandé dans un courrier au gouvernement provincial de revoir le projet mais le gouverneur a refusé. Les propos de Sohn ne font que jeter de l’huile sur le feu », a déclaré Augustine Kim Yang-rae, vice-président du Comité ‘Justice et Paix’. L’archevêché a demandé à Sohn de présenter ses excuses avant que Mgr Hyginus Kim Hee-joog, archevêque de Kwangju, ne préside une messe pour l’abandon du projet de réaménagement des 4 fleuves prévue le 15 octobre.