Eglises d'Asie

Le vicaire apostolique d’Arabie appelle les Eglises orientales à se soucier du sort des migrants

Publié le 20/10/2010




Près de la moitié des catholiques du Moyen-Orient sont des migrants, très souvent originaires des Philippines. Chaque dimanche et pour les fêtes religieuses, ils remplissent les rares églises de la péninsule arabique et, lorsqu’ils ont maille à partir avec un employeur indélicat, ce sont vers les curés de ces paroisses qu’ils se tournent. Tels sont les propos tenus …

… en substance par Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie, lors d’une conférence le 19 octobre dernier à Rome, en marge du Synode des évêques pour le Moyen-Orient (1).

Agé de 68 ans, Mgr Paul Hinder, capucin suisse, est vicaire apostolique d’Arabie depuis mars 2005. A ce titre, basé à Abou Dhabi, il est le pasteur des catholiques vivant aux Emirats Arabes Unis, au Qatar, à Bahreïn, en Arabie Saoudite, au Yémen et dans le sultanat d’Oman. Au total, a-t-il précisé le 19 octobre, les migrants forment la quasi totalité des catholiques de la région dont il a la charge : la péninsule arabique compte plus de 2 millions de Philippins (900 000 pour le seul royaume d’Arabie Saoudite), dont 80 % sont des catholiques, auxquels il faut ajouter des dizaines de milliers de chrétiens venus de l’Inde, du Sri Lanka et du continent africain (notamment d’Ethiopie).

Devant les journalistes, Mgr Paul Hinder a exprimé l’opinion selon laquelle l’actuel Synode des évêques pour le Moyen-Orient était « trop centré sur les Eglises orientales » et les problèmes que rencontrent les populations catholiques autochtones dans la région du fait du conflit israélo-palestinien, de la guerre en Iraq ou encore des fragiles équilibres au Liban. « L’Eglise ne peut opérer de distinction entre des catholiques qui appartiendraient à une classe qui serait supérieure à une autre », a-t-il précisé en soulignant que ces Eglises orientales se devaient de prendre pleinement en considération le sort des travailleurs migrants de religion catholique.

Il y a urgence à agir, a-t-il ajouté, car bien trop souvent, dans bien trop de pays, les travailleurs migrants, notamment les femmes, « sont traités comme des esclaves ». Cela ne se produit pas uniquement en Arabie Saoudite, mais aussi dans des pays comme le Liban ou Israël, a-t-il expliqué. « Le problème n’est pas propre au monde musulman », a-t-il précisé, car il se trouve des employeurs, riches et chrétiens, « qui traitent épouvantablement mal leurs employées », les soumettant à des horaires de travail allant jusqu’à 22 heures par jour, les séquestrant, voire parfois en les soumettant à des abus sexuels.

Si l’Eglise a connaissance du sort fait à ces migrants, c’est qu’en cas de difficulté, c’est vers l’Eglise que les migrants se tournent une fois qu’ils ont réussi à fausser compagnie à leur employeur. Les agents pastoraux de l’Eglise conduisent ensuite ces migrants vers l’ambassade de leurs pays respectifs, à charge pour les diplomates de leur fournir un abri sûr dans l’attente de leur rapatriement. Toutefois, le retour au pays peut prendre du temps, a encore expliqué le prélat, car, notamment en Arabie Saoudite, l’employeur détient le passeport de ses employés et doit fournir une autorisation de sortie du territoire. Si ces documents ne sont pas produits à la frontière, les migrants sont coincés sur place, dans les représentations diplomatiques, sans beaucoup d’aide ou de soutien psychologique.

Dans certains pays, une femme qui tombe enceinte à la suite d’un viol « risque la peine de mort » pour adultère, sauf à réussir à se marier avant que sa grossesse ne devienne évidente ou à parvenir à quitter son pays d’« accueil » pour retourner accoucher dans son pays d’origine.

Au-delà du sort parfois tragique fait aux migrants, Mgr Paul Hinder a tenu à souligner à quel point ces catholiques formaient des communautés vivantes, engagées et entreprenantes. De plus, il est fréquent, au Moyen-Orient, que les catholiques migrants aient plus de contacts avec les musulmans ou les juifs que ne peuvent en avoir les catholiques autochtones.

Le Synode des évêques devrait donc mieux prendre en compte cette dimension de la présence catholique au Moyen-Orient. « Bien entendu, je peux paraître partial car je défends avec passion ceux qui m’ont été confiés et parce que je tiens à faire connaître ce qu’ils vivent », a argumenté Mgr Paul Hinder, mais c’est un fait que bien des catholiques, et des évêques parmi eux, ne connaissent pas l’étendue de la présence catholique dans la péninsule arabique. Il n’est pas rare que les quelques paroisses qui ont pignon sur rue accueillent chaque dimanche des foules dépassant les 10 000 croyants.

Le prélat a expliqué que si les paroisses sont si peu nombreuses, c’est que la plupart des pays de la péninsule interdisent aux étrangers de posséder un titre foncier. L’Eglise catholique ne peut donc pas acheter un terrain pour y construire une église. Elle dépend de la bonne volonté d’un dirigeant local, souvent un membre de la famille régnante, qui accepte de céder un droit d’usage à l’Eglise sur un terrain pour qu’y soit bâti un lieu de culte. A ce propos, l’Arabie Saoudite constitue un cas particulier : gardien des principaux lieux saints de l’islam, le royaume n’autorise aucune construction d’église sur son sol et les migrants chrétiens n’y sont que des « travailleurs invités ». L’approche plus ouverte menée par le roi Abdullah Aziz, qui s’est manifestée par une visite au pape Benoît XVI en 2007, a toutefois permis un relatif assouplissement des restrictions exercées à la célébration du culte chrétien dans des cercles privés et fréquentés uniquement par des catholiques (2).