Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Le vice-président de la Conférence épiscopale répond aux critiques

Publié le 20/10/2010




Après la clôture de la 11ème assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Vietnam, qui s’est tenue à Saigon du 4 au 8 octobre 2010, Radio Free Asia (RFA) a interviewé Mgr Joseph Nguyên Chi Linh, évêque de Thanh Hoa et vice-président de la Conférence. L’entretien portait sur deux sujets principaux, à savoir la prochaine « grande assemblée du peuple de Dieu » et la récente création d’une nouvelle commission épiscopale ‘Justice et Paix’.

Sur ces deux questions, le journaliste de RFA s’est fait l’écho de critiques émanant de certains milieux catholiques vietnamiens, reprochant aux évêques leur silence face aux autorités civiles. Dans ses réponses, Mgr Linh a défendu l’autonomie et la liberté d’initiative de la Conférence épiscopale. Nous avons réuni en un seul texte l’interview qui a paru en deux parties sur le site de RFA (1). Le texte en vietnamien a été traduit en français par la rédaction d’Eglises d’Asie.

 

Radio Free Asia : Quelle a été la teneur des débats de l’assemblée de la Conférence épiscopale ?

 

Mgr Joseph Nguyên Chi Linh : Lors de cette assemblée épiscopale, les débats ont porté principalement sur « la grande assemblée du peuple de Dieu » qui aura lieu au mois de novembre prochain et sur les cérémonies de clôture de l’Année sainte qui seront célébrées au mois de janvier 2011. L’assemblée a également procédé à l’élection de son présidium ainsi que des responsables des diverses commissions. Mgr Nhon garde la présidence et moi-même je reste vice-président. Mgr Ngo Quang Kiêt a demandé à se retirer pour raisons de santé. C’est Mgr Hoang Van Dat, évêque de Bac Ninh, qui a été élu comme secrétaire général avec pour adjoint Mgr Nguyên Van Kham, évêque auxiliaire de Saigon. Aux commissions épiscopales existant déjà, a été ajoutée la Commission ‘Justice et Paix’. Globalement, il n’y a pas de grands changements.

 

Qu’est-ce qui a motivé la création de cette nouvelle Commission ‘Justice et Paix’ ?

 

A vrai dire, il s’agit d’une commission qui existe dans presque toutes les Conférences épiscopales, conformément aux consignes données par Rome. Au Vietnam, elle n’existait pas encore à cause d’un manque d’effectifs. L’augmentation du nombre des évêques permet aujourd’hui de créer cette commission supplémentaire. C’est l’évêque le plus récemment nommé au Vietnam, Mgr Nguyên Thai Hop, évêque de Vinh, qui la prend en charge.

 

Récemment, en de nombreuses paroisses au Vietnam, se sont manifestées des demandes de justice. Mais les affaires, semble-t-il, n’ont pas dépassé le cadre de la région et la Conférence des évêques du Vietnam ne s’en est pas fait le porte-parole. La Commission ‘Justice et Paix’ a-t-elle, en ce domaine, des projets pour la période à venir ?

 

Il est possible que les attentes de l’opinion publique en matière de justice et de paix soient différentes de celles de l’Eglise catholique. La justice est synonyme de charité : les hommes vivent ensemble dans le respect des droits de chacun, dans le respect des goûts de chacun… Dans le cadre du Vietnam actuel, il existe un certain nombre de manifestations qui, au moins pour une part, revêtent un aspect politique. On y considère la justice comme une lutte pour la défense des intérêts des catholiques. C’est le cas pour la question des revendications de terrains. Mais, en réalité, ce n’est pas ainsi qu’il faut concevoir la justice. Il y a aussi des personnes qui estiment que la Conférence épiscopale du Vietnam doit élever la voix pour défendre de tels intérêts. Certes, ces aspirations sont légitimes, mais la mission de la Conférence est beaucoup plus vaste et ne peut se réduire au combat pour la justice et la paix.

 

D’un côté, nous avons besoin de justice et de paix, mais de l’autre nous avons aussi besoin que notre présence au sein de la société soit efficace en tous les domaines. Ceci pose des problèmes très difficiles. On veut que la Conférence épiscopale du Vietnam se comporte de telle ou telle manière. Les choses ne sont pas aussi simples que ne pourrait le penser un simple observateur. (…). C’est pourquoi la revendication des laïcs demandant aux évêques d’élever la voix pour la justice et la paix prend des aspects différents selon les points de vue. Il faut donc expliquer correctement à nos fidèles la nature de l’action de l’Eglise pour la justice et la paix, en particulier celle de la Conférence épiscopale.

 

Les fidèles savent aussi que la Conférence considère qu’elle doit régler ces problèmes à sa manière. Mais selon eux, la manière « silencieuse », longtemps pratiquée, est inefficace et n’est pas conforme à l’esprit évangélique et à celui du Christ qui s’est engagé dans la lutte et a sacrifié sa propre personne.

 

La personne et la mission du Christ ne peuvent être réduites purement et simplement à l’alternative : parler ou se taire. Le Christ est venu en ce monde et s’est incarné pour libérer l’homme du péché, de ses entraves spirituelles. Penser que le Christ s’est fait homme seulement pour lutter pour la justice et la paix telles que les hommes les conçoivent depuis toujours, c’est, à mon avis, un peu superficiel !

 

Il y a un point que la Conférence épiscopale ne peut pas expliquer, ou qu’elle explique sans arriver à se faire comprendre ; chacun a le point de vue qui est le sien, mais la Conférence n’est pas obligée de faire exactement ce que les gens attendent d’elle. La majorité des catholiques vietnamiens pratiquent ordinairement leur religion sans exiger de leurs évêques qu’ils fassent ceci ou cela. C’est pourquoi nous devons « peser », « mesurer » et « calculer » de telle sorte qu’il y ait un certain équilibre en matière d’opinion ou de communication.

 

Un moment important de la récente réunion de la Conférence épiscopale a été le débat sur « la grande assemblée du peuple de Dieu ». Quel type de dialogue sera-t-il établi dans cette assemblée pour que la hiérarchie et le laïcat puissent s’entendre sur une voie commune à l’intérieur de l’Eglise vietnamienne et dans l’Eglise universelle ?

 

Le terme « grande assemblée » implique une écoute attentive ; il signifie aussi que toutes les composantes du peuple de Dieu pourront s’exprimer. C’est donc l’occasion pour les laïcs de participer à la mission de l’Eglise au cœur de la vie, au cœur de leurs relations avec Dieu et entre eux, et des relations de l’Eglise avec la société. Tel est donc l’esprit de cette assemblée. Mais cette dernière aura aussi ses limites, imposées par le temps. Concrètement, son comité dira qui aura la possibilité de parler au cours de l’assemblée et qui pourra exiger le droit à la parole. L’assemblée ne comptera qu’environ 300 représentants ; il n’y aura donc pas assez de temps pour que chacun puisse prendre la parole. J’affirme cependant que l’assemblée constituera une tribune où toutes les composantes du peuple de Dieu pourront exprimer leurs désirs et leurs aspirations.

 

Ainsi l’assemblée fonctionnera à partir du bas vers le haut. Les idées de la base seront-elles reprises pour en faire une synthèse ?

 

Exactement. C’est ainsi que doit fonctionner une assemblée. Mais ce n’est pas pour cela que l’on va organiser une tribune avec de nombreuses personnes intervenant à tout moment. Naturellement, il faut un secrétariat qui tire les conclusions générales et rédige les synthèses. En fin de réunion, l’assemblée enverra un message à toutes les composantes du peuple de Dieu, pour leur faire partager les idées et la voix de l’assemblée. Puis, en tout dernier lieu, il y aura, en guise de conclusion générale, une déclaration de l’assemblée qu’il faudra attendre quelques mois, peut-être une année.

 

On s’interroge sur le fait que la congrégation des rédemptoristes n’a pas de représentant à cette assemblée, où sont pourtant représentées toutes les composantes du peuple de Dieu et toutes les congrégations religieuses.

 

J’ai aussi entendu dire que le comité organisateur de l’assemblée et la Conférence épiscopale auraient fait preuve d’une certaine discrimination à l’égard de la congrégation des rédemptoristes. La réalité est différente. Chacune des composantes participant à la grande assemblée aura un certain nombre de représentants dont le nombre est fixé à l’avance. Il est en effet nécessaire de contrôler ce nombre, sinon comment y aurait-il assez de place !

 

Pour ce qui concerne la congrégation des rédemptoristes, à ma connaissance, il s’agit là d’une congrégation d’ordre pontifical dépendant de la Conférence des religieux et religieuses. Si je ne me trompe pas, cette dernière comptera trente représentants à Saigon. Elle s’est réunie et a élu ses représentants à la grande assemblée. Peut-être les rédemptoristes n’avaient-ils pas de délégués à cette réunion de la Conférence des religieux et religieuses et, ainsi, n’ont pu être élus comme représentant à l’assemblée.

 

Le fait qu’il n’y ait pas de rédemptoristes ne peut en aucune manière être considéré comme le fruit d’un calcul de la Conférence épiscopale ou du comité d’organisation de l’Année sainte. Il s’agit là d’une affaire intérieure des supérieurs majeurs des congrégations religieuses. De plus, la congrégation des rédemptoristes n’est pas la seule à n’avoir aucun nom sur la liste des participants de l’assemblée. Beaucoup d’autres congrégations sont dans le même cas. Il ne pouvait y avoir en tout que trente représentants.

 

Récemment, à Cuba, la Conférence épiscopale locale est intervenue pour aider le gouvernement cubain à libérer un certain nombre de militants internés. Que pense la Conférence épiscopale du Vietnam de ce geste ?

 

Ils sont nombreux ceux qui pensent que nous devrions imiter ce qui se fait dans les autres pays socialistes. Mais on oublie que la situation diffère selon les pays. Celle de la Corée du Nord ne ressemble pas à celle de la Chine…

 

La Conférence épiscopale du Vietnam doit bénéficier du droit d’avoir ses propres initiatives en tous les domaines. Que l’on permette à la Conférence d’étudier cette idée et on peut en effet très bien imaginer qu’elle prenne une initiative de ce genre.

 

Je voudrais insister sur un point : la Conférence des évêques est composée de Vietnamiens, des hommes qui gardent une certaine réserve lorsqu’ils décident de faire telle ou telle chose. La Conférence épiscopale du Vietnam ne se désintéresse pas du sort de ces prisonniers. Mais sa façon d’agir n’est pas celle des évêques de Cuba ou d’ailleurs. Il est important de comprendre que la Conférence est une personne morale et qu’à ce titre, elle ne veut pas prendre en charge toutes les missions dont les autres estiment qu’elles sont de sa responsabilité. La responsabilité et la bonne volonté sont deux choses différentes…