Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Lettre de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’ aux autorités de Da Nang

Publié le 25/10/2010




Communication officielle, adressée par Mgr Paul Nguyên Thai Hop, responsable de la Commission ‘Justice et Paix’, à la municipalité et au Tribunal populaire de Da Nang

Conférence épiscopale du Vietnam
Commission ‘Justice et Paix’
évêché de Xa Doai
Nghi Dien-Nghi Lôc – Nghê An

N° 01/VT- UBCL- HB

 

République socialiste du Vietnam
Indépendance – liberté – bonheur

 

Monsieur le président du Comité populaire de Da Nang,
Monsieur le président du Tribunal populaire de l’arrondissement de Cam Lê,

C’est au milieu des bouleversements provoqués par les deux séries d’inondations qui ont quasiment englouti les provinces de Nghê An, Nghê Tinh et Quang Binh, que j’ai lu la lettre envoyée par un certain nombre de paroissiens de Côn Dâu à la Commission ‘Justice et Paix’. En outre, la lettre est datée du 15 octobre. Il a fallu attendre le 20 octobre pour que je puisse la lire. Bien que la lettre me soit destinée, elle n’a pas été adressée à mon adresse particulière ni à mon adresse électronique personnelle alors qu’elle était diffusée sur certains sites Internet. Durant ces jours-là, entièrement absorbé par le travail d’assistance humanitaire et la perturbation causée par les inondations, je n’avais pas eu la possibilité de consulter Internet.

Je ne suis pas encore allé à Côn Dâu. Je n’ai pas encore lu l’acte d’accusation, pas plus que je n’ai pu étudier à fond l’ensemble du dossier de cette affaire. Cependant, la lettre des paroissiens de Côn Dâu et les diverses informations diffusées sur le réseau Internet à propos de cette affaire me posent beaucoup de questions. C’est pourquoi je me permets de vous envoyer cette lettre en espérant obtenir de vous une réponse qui apaise mes inquiétudes.

a – Permettez-moi d’abord de mettre en lumière un certain nombre d’éléments en rapport avec la réquisition des terres de Côn Dâu par les autorités de Da Nang et leur vente à la société d’investissement ‘Le soleil’ en vue de créer une zone touristique écologique. Cette transaction est-elle entièrement conforme à la loi sur les terrains de 2003, à son article 40 et au décret 84/2007/ND-CP daté du 25 mai 2007 ?

b – Même si cette récupération des terres était conforme à la loi en vigueur, la société d’investissement ‘Le Soleil’ est un groupe privé réalisant un projet privé qui ne dépend pas d’un projet d’Etat ou de la Défense nationale. Pourquoi donc alors ne pas permettre aux deux parties impliquées de négocier ensemble le montant de l’indemnisation ? Pourquoi donc fixer à une somme si peu élevée, à savoir 350 000 dôngs (12,85 euros), le mètre carré de terrain d’habitation ? La responsabilité du pouvoir n’est-elle pas de se tenir du côté des gens dépourvus des moyens de se faỉre entendre ?

c – Lorsqu’elles réquisitionnent des terrains en vue de réaliser un projet d’Etat ou de n’importe quel autre projet, le devoir des autorités n’est-il pas de garantir la protection des intérêts de la population et de lui assurer une vie tranquille ? Pourquoi donc les paisibles paroissiens de Côn Dâu ont-ils été jetés dans une aussi tragique situation ? L’un d’entre eux est mort, quelques-uns sont en prison, beaucoup sont tourmentés par l’angoisse de perdre tout moyen de subsistance, des dizaines se sont enfuis dans un pays étranger pour demander l’asile, suscitant ainsi de graves interrogations sur la situation des droits de l’homme au Vietnam.

d – En ce qui concerne le règlement de cette affaire, les autorités de Da Nang n’ont-elles pas pris des mesures trop brutales qui ont irrité et mécontenté la population ? A propos d’une affaire analogue, la Conférence épiscopale, avait, le 25 septembre 2008, fait remarquer que, « dans leur démarche pour donner une solution aux conflits évoqués ci-dessus, un certain nombre de personnes s’orientent vers l’utilisation de la violence et ainsi ajoutent encore à l’injustice existant dans la société. Cet état de choses est en train de se développer non seulement dans les grandes problèmes de la société, mais aussi dans la vie familiale ou encore à l’école » (1).

Comme vous le savez, au cours des dernières décennies, les projets planifiés ainsi que les réquisitions ont causés de nombreuses insatisfactions et de nombreux désordres sociaux. Les solutions déficientes imposées par les autorités régionales ont placé la population le dos au mur, l’obligeant à des plaintes et des protestations incessantes contre l’injustice. Une fois de plus, je me permets de répéter une proposition qui a été émise à de nombreuses reprises : « Le temps n’est-il pas venu de réviser la loi actuelle sur les terrains pour l’adapter à la réalité ? »

C’est dans ce contexte que je présente instamment au Comité populaire et au Tribunal populaire de la ville de Da Nang, les requêtes suivantes :

1- Ajourner le procès afin d’éclaircir les questions énumérées ci-dessus.
2- Etablir un dialogue bilatéral entre le groupe des familles concernées par l’expulsion, dont celles des paroissiens de Côn Dâu, et la société d’investissement ‘Le Soleil’. Le débat porterait sur les conditions et le montant de l’indemnisation. Pour que le dialogue porte des fruits et qu’il soit mené équitablement, il est nécessaire que des représentants de l’Etat et de l’Eglise catholique y participent.
3- Si, malgré tout, cette affaire était jugée, nous demandons que le procès se déroule en conformité avec les dispositions prévues par le Code de procédure pénale et que les accusés bénéficient du droit d’être défendus par des avocats.

En attendant la réponse du Comité populaire et du Tribunal populaire, recevez, Messieurs, l’expression de mes remerciements et de mes vœux de bonne santé.

Le 22 octobre 2010.

Mgr Paul Nguyên Thai Hop

Note : La lettre est également envoyée aux paroissiens de Côn Dâu, au Premier ministre, au Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, à la Conférence épiscopale du Vietnam, à l’évêché de Da Nang.