Eglises d'Asie

Bilan mitigé à propos de la réinsertion des ex-enfants soldats

Publié le 27/11/2010




« Des millions d’enfants à travers le monde se voient refuser une maison et une communauté sûres, une école qui fonctionne et un terrain de jeu protégé. Grandissant lors d’un conflit, leur innocence est volée quand ils sont enlevés des écoles, recrutés pour se battre, blessés ou tués, séparés de leurs familles et blessés à vie psychologiquement ainsi que physiquement », a rappelé, le 20 novembre dernier, lors de la Journée internationale des droits de l’enfants, Radikha Coomaraswamy, …

… représentante du secrétaire général de l’ONU pour les enfants dans les conflits.

Tout au long de l’année 2010, le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’est montré particulièrement préoccupé par la situation des enfants-soldats, allant jusqu’à menacer, en juin dernier, d’imposer des sanctions aux groupes et nations qui n’appliqueraient pas le « Protocole sur les enfants impliqués dans les conflits armés » de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) (1).

Au Népal, où la guerre civile entre le gouvernement et la rébellion maoïste a fait plus de 20 000 morts en dix ans de conflit, le blocage du processus de démobilisation et de réinsertion de milliers d’ex-enfants soldats demeure l’un des points noirs du cahier des charges imposé par l’ONU au sortir du conflit (2). Pourtant, rappelle Deepesh Thakur, responsable de l’ONG protestante World Vision Nepal, « en ratifiant la Convention des droits de l’enfant en 1990 et, plus tard, le protocole sur la participation des enfants à des conflits armés, le Népal s’est engagé (…) à respecter, promouvoir et appliquer ces droits (…) ».

Plus de 3 000 combattants, dont un tiers de filles, étaient encore mineurs au moment du cessez-le-feu du 25 mai 2006. Encadrés par l’UNICEF ou des ONG, ils ont, pour la plupart d’entre eux, passé plus de deux ans dans des camps de réhabilitation gérés par l’ONU. Par vagues successives dont les dernières remontent à quelques mois, les anciens jeunes guérilleros, âgés de 9 à 18 ans, ont été officiellement rendus à la vie civile, mais nul n’ignore que, dans certaines régions isolées du pays, des camps d’entraînement sont encore tenus par des groupes maoïstes résistants.

A l’heure du bilan, de nombreuses ONG, dont des associations chrétiennes, dénoncent l’échec de la réinsertion des ex-enfants-soldats ainsi que la discrimination dont ils sont victimes. Déjà en 2008, Child Workers in Nepal, la plus importante organisation du pays pour les droits de l’enfant, s’avouait dépassée par les problèmes liés à la réinsertion des anciens combattants devenus des adolescents ou de jeunes adultes souffrant de traumatismes graves. Peu d’entre eux ont pu retourner à l’école, certains ont été formés par des ONG locales à un métier civil mais l’accompagnement psycho-social est pratiquement absent des programmes de réhabilitation.

Dalit Welfare Organisation (DWO), une ONG locale qui agit en collaboration avec l’International Rescue Committee (IRC), l’UNICEF et Save the Children-Norway (SCF-N), lutte pour que les anciens enfants-soldats, qui ont été pour la plupart enrôlés de force, victimes de maltraitance et de sévices sexuels, forcés à utiliser les armes, puissent aujourd’hui se « réparer psychologiquement ». « Il nous faut travailler davantage au sein des structures communautaires pour que les ex-enfants soldats associés aux forces et groupes armés soient traités comme des enfants, qu’ils soient encouragés à retourner à l’école afin de ne pas être perçus comme un poids pour la société », explique Iswari Prasad Biswokarma, qui travaille pour DWO.

Victimes de la guerre mais perçus comme des bourreaux, les anciennes recrues des maoïstes sont craintes de la population qui rechigne à les accueillir. « Je ne sais pas si ma communauté nous acceptera facilement car elle continue de haïr les maoïstes », s’inquiète une jeune fille de 15 ans qui vient de sortir d’un camp de réhabilitation dirigé par l’ONU.

Selon le groupe de travail des CAAFAG, une association d’agences des Nations Unies présentes dans le pays et d’ONG internationales et locales, le terme « enfant-soldat » recouvre des réalités très diverses : les plus jeunes, tout en étant contraints de participer aux programmes d’endoctrinement et à la formation au maniement des armes, étaient le plus souvent utilisés comme porteurs, espions ou « petites mains » dans les opérations de logistique. Plus tard, ils étaient incorporés dans l’Armée de libération populaire (ALP) où ils étaient traités comme les autres combattants adultes.

En mai dernier, Manju Gurung, a témoigné devant les Nations Unies de son enrôlement dans l’armée maoïste à l’âge de 13 ans : « Un jour, c’était en 2005, alors que je rentrai à la maison, j’ai vu que les maoïstes avaient réuni le village dans l’école et exigé que chaque famille amène un de ses enfants. Mes parents n’étaient pas encore rentrés des champs, alors j’y suis allée et ils m’ont dit que j’allais faire un stage de huit jours avec eux, mais après ils ne m’ont jamais laissé repartir et j’ai dû rester dans leur armée » (3).

D’après les rapports des CAAFAG, bon nombre de ces enfants ont été torturés pendant la guerre, aussi bien par les rebelles maoïstes que par les forces gouvernementales. Aujourd’hui encore, ils sont nombreux à craindre la reprise des combats ou d’être enlevés à nouveau par les rebelles maoïstes. Alors que le Népal replonge dans l’instabilité politique et vit sous la menace d’une nouvelle guerre civile, ces craintes se trouvent confirmées par les constatations de nombreuses ONG de défense des droits de l’homme. Ces dernières dénoncent l’enrôlement massif d’enfants par les maoïstes depuis leur retour dans l’opposition (4). Durant les manifestations que ces derniers ont lancées ces mois-ci, paralysant le pays, d’anciens jeunes soldats récemment sortis des camps de réhabilitation l’ONU et de nombreux enfants venus de villages isolés ont été recrutés par les militants maoïstes. Au plus fort des affrontements de mai 2010, ces enfants, armés de bâtons et le front ceint de bandeaux rouges, étaient notamment chargés de faire respecter le bandh (5).