Eglises d'Asie – Inde
L’archevêque de Bhopal soutient la demande des autorités indiennes en faveur d’une meilleure indemnisation des victimes de la catastrophe
Publié le 07/12/2010
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984 explosait à Bhopal, capitale du Madhya Pradesh, une usine de pesticides du groupe américain Union Carbide, libérant 40 tonnes de gaz toxique (1) dans la ville et ses environs jusqu’à 25 km² à la ronde. Le bilan officiel est de 3 828 morts identifiés (pour la seule nuit de l’explosion) mais les associations de victimes dénoncent entre 20 000 et 25 000 décès et de 300 000 à 600 000 personnes affectées (invalidité, incapacité partielle ou totale, séquelles irréversibles). Aujourd’hui, le site, qui n’a pas été nettoyé après l’accident, continue de polluer les nappes phréatiques.
Vingt-six ans après les faits, le dossier Bhopal a été officiellement rouvert, suite à la condamnation en juin dernier de sept cadres de l’usine à deux ans de prison avec sursis pour « négligence ayant entraîné la mort », déclenchant la colère des associations de victimes qui estiment le verdict trop clément. Une première peine légère avait déjà été requise contre ces mêmes personnes en 1996, les autorités indiennes n’ayant pu obtenir l’extradition du principal responsable du groupe Union Carbide, lequel s’était réfugié aux Etats-Unis peu après l’accident. Face à l’indignation de l’opinion publique et à une série de révélations et de scandales sur les responsabilités de certains membres de la sphère politique dans la tragédie, la Cour suprême de l’Inde a annoncé en août dernier qu’elle réexaminerait les faits et qu’un nouveau jugement serait rendu. L’archevêque de Bhopal, Mgr Cornelio, avait alors proposé aux autorités du Madhya Pradesh d’effectuer un véritable recensement des victimes, qui attendent en vain depuis des années une indemnisation ou, au moins, la reconnaissance de leur statut (2).
Mais c’est le 2 décembre dernier, à l’occasion de la commémoration de la catastrophe, que le gouvernement indien a déposé une requête auprès de la Cour suprême demandant que soient doublées les compensations financières accordées aux victimes lors du précédent procès, pour atteindre 1,1 milliard de dollars. Union Carbide avait versé 470 millions de dollars en 1999 et aujourd’hui Dow Chemical, qui a racheté le groupe américain, considère le contentieux réglé et ne veut pas répondre financièrement des suites de l’explosion de 1984. Selon les associations de victimes, la demande des autorités indiennes n’a que peu de chances d’aboutir. Elle n’en reste pas moins symbolique, et ce que souligne Mgr Cornelio, représente la première étape d’une reconnaissance par le gouvernement des conséquences de la tragédie de Bhopal.
Ce même 2 décembre, les rescapés de la catastrophe manifestaient devant l’ancien site de l’usine. « Même après 26 ans de lutte [pour la reconnaissance de leurs droits], les victimes attendent toujours, les yeux pleins d’espoir, que le gouvernement, un jour, leur accorde enfin justice. Mais une justice qui tarde n’est plus une justice », a déclaré Fr. Michael Francis, un dominicain du séminaire Saint-Charles dans le Maharasthra voisin, qui était présent à la manifestation. A ce jour, seules l’Eglise et des ONG se sont occupées des victimes, assure-t-il (3).
Les 2, 3 et 4 décembre, la communauté chrétienne de Bhopal a commémoré l’événement en organisant des veillées de prière et des rassemblements où chacun était invité à déposer une bougie en hommage aux milliers de personnes qui ont succombé aux émanations toxiques. Un groupe chrétien œcuménique a également distribué quelque 200 arbres sur les lieux de l’ancienne usine de pesticides afin « d’aider à diminuer la pollution de l’environnement », comme l’a expliqué le P. Anand Muttungal, porte-parole de l’Eglise catholique au Madhya Pradesh, et organisateur des différentes manifestations de ces derniers jours. « L’Eglise a été auprès des victimes dès le début de la tragédie et continuera d’être à leurs côtés dans leur quête de justice », a-t-il conclu (4).