Eglises d'Asie

Orissa : les chrétiens se préparent à fêter Noël sous la menace hindouiste

Publié le 24/12/2010




Les chrétiens de l’Orissa s’apprêtent à passer un nouveau Noël dans la peur. Comme les années précédentes (1), un groupe hindouiste a en effet annoncé un bandh général pour le jour de la Nativité, une « opération ville morte » accompagnée de manifestations, dégénérant le plus souvent en violences.Dimanche 19 décembre dernier, Lambodar Kanhar, leader du Kandhamal Kui Samaj Samanwaya Samiti (KSSS), …

… un mouvement autochtone (tribal) hindouiste, a averti la presse locale que son organisation avait décidé de manifester le 25 décembre à la mémoire de Khageswar Mallick, l’un de ses membres, décédé lors des violences antichrétiennes de Noël 2007. L’événement semblait préparé depuis quelque temps déjà, les militants ayant tenu plusieurs meetings sur le sujet et distribué de nombreux tracts appelant à un Memorial Day en l’honneur de Mallick.

« Nous avons peur. Faites quelque chose s’il vous plait », supplie Kartika Nayak, dont les propos sont rapportés par l’agence Ucanews (2). Ce jeune chrétien aborigène du district du Kandhamal, qui fut l’épicentre des violences antichrétiennes meurtrières de 2008 en Orissa (3), sait que ses craintes sont justifiées. Ce tragique Noël 2007, les mêmes menaces avaient été proférées par le même groupe extrémiste, et mises à exécution dans son village de Barkhama, l’un des plus touchés par la vague de violence qui avait déferlé sur le Kandhamal pendant près de cinq jours, faisant au moins dix morts, 400 maisons incendiées et plus d’une centaine d’églises détruites (4). Mgr Raphael Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, avait alors déclaré que l’Eglise avait perdu tout ce qu’elle avait construit au Kandhamal depuis plus d’un siècle.

Kartika Nayak fait en outre partie de ceux qui ont été accusés par les membres du KSSS de la mort de Khageswar Mallick, survenue pendant les attaques de Noël 2007. Kartika explique que l’hindouiste d’une quarantaine d’années avait été grièvement blessé, alors qu’il participait à la destruction d’une église. Décédé dans des circonstances inconnues après avoir été emmené par les siens, il a été, selon les membres du Kui Samaj, lapidé par les villageois qui défendaient leur église. Une version démentie par les chrétiens témoins de l’attaque, qui affirment que le militant a été victime d’une chute mortelle après avoir glissé du toit de l’église d’où il tentait d’arracher la croix.

Bipra Charan Nayak, président de l’Association des survivants du Kandhamal, a rappelé que lorsque Lambodar Kanhar avait lancé le bandh général à l’origine du Black Christmas de 2007, l’administration du district n’avait pris aucune mesure malgré les appels à l’aide des communautés chrétiennes. D’après une religieuse de ce district majoritairement peuplé d’aborigènes, les catholiques, les baptistes et les pentecôtistes de la région avaient décidé cette année-là de célébrer ensemble la fête de la Nativité. Les autorités locales avaient, entre autres, promis d’assurer une protection policière pendant les différentes célébrations organisées sous une grande tente, lieu où les premières attaques avaient éclaté.

En 2008, le leader du Kui Samaj avait récidivé, appelant à un rassemblement le 25 décembre à la mémoire de Khageswar Mallick à l’occasion du premier anniversaire de sa mort. Les responsables des différentes Eglises avaient alors enjoint les fidèles à ne pas se rendre à la messe de minuit et les autorités de l’Orissa, pressées par le gouvernement fédéral ainsi que par une communauté internationale encore sous le choc des violences meurtrières des semaines précédentes, avaient finalement déployé un important dispositif de surveillance des lieux de culte. Une certaine vigilance avait également prévalu à Noël 2009 qui s’était déroulé dans le calme, au grand soulagement des communautés chrétiennes dont la plupart vivent toujours sous la menace permanente des groupes hindouistes continuant de patrouiller dans les villages.

Peu après les déclarations du Kui Samaj du 19 décembre dernier, le gouvernement de l’Orissa a fait savoir officiellement qu’il prendrait les mesures nécessaires afin de protéger les communautés chrétiennes durant les fêtes de Noël. Le 22 décembre, le responsable de la police du Kandhamal, Praveen Kumar, a déclaré sur Orissa TV que « les forces de sécurité avaient été mobilisées dans tout le district et la police déployée sur les sites sensibles, afin d’éviter tout incident ».

Du côté des communautés chrétiennes, les avis sont partagés. « Le responsable du district a organisé un meeting en faveur de la paix avec différents leaders religieux de toutes confessions. La réunion s’est bien déroulée et chacun a convenu de respecter une journée sans violence pour le temps de Noël », s’est réjoui le P. Mathews, de l’Eglise catholique de Phulbani. Plus sceptique, Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), une ONG d’obédience protestante, rappelle qu’à chaque vague de violence antichrétienne, le gouvernement a toujours failli à sa mission de protection. Par une lettre ouverte, il s’est adressé au ministre-président de l’Orissa : « La panique est en train de se répandre parmi les chrétiens du Kandhamal depuis que le KSSS a annoncé son intention de manifester le jour de Noël. Cette annonce est la même que celle de triste mémoire qui a conduit aux terribles violences commises à Barkhama à Noël 2007 (…). Monsieur le Ministre, nous vous demandons de restaurer la confiance au sein de la minorité chrétienne. » (5)