Eglises d'Asie

Vives réactions après l’attentat à la bombe qui a fait onze blessés le jour de Noël dans une église catholique de Jolo

Publié le 30/12/2010




Sur l’île de Jolo, un attentat à la bombe perpétré le jour de Noël dans la chapelle catholique du Sacré-Cœur au sein du quartier général de la police provinciale de Sulu, a fait au moins onze blessés graves.Le matin du samedi 25 décembre, lors de la messe de Noël, un engin de fabrication artisanale fixé sous le toit a explosé au-dessus de l’autel, touchant le célébrant, le P. Romeo Villanueva, ainsi qu’une dizaine de personnes….

… Si elle a totalement détruit l’autel ainsi qu’une partie des murs de la chapelle, la bombe n’a heureusement tué aucun de membres de l’assistance (environ une centaine), présents à cette première messe du matin de Noël.

« La chapelle est située à l’intérieur d’un camp militaire, rapporte une source locale à l’agence AsiaNews. Il est étonnant que les forces de sécurité aient été incapables d’empêcher l’attaque (…). Les poseurs de bombe ont eu nécessairement le temps d’agir et de placer l’engin sans être inquiétés. »

Mardi 28 décembre, le chef de la police provinciale, Sheppard Reyes, sous la responsabilité duquel se trouvait le camp de Jolo, a été relevé de ses fonctions et une enquête a été ouverte sur les circonstances de l’incident. En effet, le quotidien The Inquirer a révélé lundi 27 décembre que les services de renseignement de l’armée, tout comme la police provinciale de Sulu, avaient été informés de la préparation d’attentats pour le jour de Noël par le groupe Abu Sayyaf, mouvement terroriste revendiquant son affiliation à la mouvance Al-Qaida, contre des églises de Jolo, parmi lesquelles figurait la chapelle du Sacré-Cœur.

Par ailleurs, l’un des organisateurs de l’attentat semble avoir été identifié, renforçant la conviction des enquêteurs pour lesquels Abu Sayyaf est aujourd’hui le principal suspect, bien que l’acte terroriste n’ait pas été revendiqué. Le président philippin Benigno Aquino III a fait une déclaration en ce sens, lundi 27 décembre : « Le modus operandi est le même que celui à l’origine de nombreux incidents [attribués à Abu Sayyaf] (…) et spécialement dans cette partie du pays. »

Mgr Jose Colin Bagaforo, évêque auxiliaire de Cotabato, diocèse situé sur l’île de Mindanao, s’est exprimé avec force le 27 décembre, demandant « réparation » pour la chapelle profanée par l’attentat : « Tous les lieux de culte sont sacrés et doivent toujours être respectés », a-t-il rappelé, exhortant les fidèles à renforcer leur prière, et les communautés chrétiennes et musulmanes de la région de Mindanao à « travailler plus que jamais » en faveur de la réconciliation et la paix.

De son côté, Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, a appelé les Philippins à ne pas oublier le symbole de paix et d’espoir que représente Noël. « Tout en condamnant cet attentat à la bombe absolument insensé, qui a frappé d’innocents participants à la messe, nous souhaitons exprimer notre message de paix et d’espoir à tous les croyants de toute culture et toute confession religieuse », a-t-il déclaré.

Outre les communautés catholiques et chrétiennes de toute obédience, le pape lui-même dans son message de l’Angélus du 26 décembre, a condamné l’attentat et confié à la prière des chrétiens le « Noël sanglant » de plusieurs communautés catholiques à travers le monde, dont celle des Philippines.

De nombreux responsables musulmans philippins ont également tenu à réagir par des déclarations officielles. Le 27 décembre, la Conférence nationale des oulémas (NUCP) a qualifié « d’inhumain et de barbare », un acte perpétré par les « forces du mal » qui cherchent à « répandre la terreur ». Les leaders musulmans ont précisé également que la « conception de l’islam » d’un mouvement terroriste comme celui d’Abu Sayyaf « n’avait aucune légitimité aux yeux des ‘véritables’ musulmans » et ont enjoint les autorités à « remuer ciel et terre pour trouver les coupables et les livrer à la justice ». « Nous exhortons les musulmans qui travaillent pour la paix à lutter contre ceux qui détournent l’islam pour servir leurs propres intérêts », ont poursuivi les oulémas, incitant les « autres communautés de croyants à aider les musulmans à empêcher la victoire des forces du mal ».

Le 28 décembre 2010, Mgr Angelito Lampon, vicaire apostolique de Jolo, s’est exprimé sur les ondes de Radio Veritas : « L’Eglise n’a jamais fait aucun mal à ceux qui ont commis cet attentat », a-t-il déclaré, rappelant que les principaux bénéficiaires des activités caritatives des catholiques de Jolo étaient des musulmans, comme ces déshérités auxquels la paroisse du Sacré-Cœur avait distribué des cadeaux, juste avant l’attentat. Malgré les attaques, l’Eglise doit continuer sa mission et vivre en harmonie avec ses « frères musulmans », a conclu le prélat (1).

Le vicariat apostolique de Jolo, situé dans la région autonome musulmane de Mindanao, couvre, à l’extrême sud-ouest de Philippines, l’archipel de Sulu et la province de Tawi-Tawi. Sur le million d’habitants qui vit sur ces centaines d’îles, le vicariat compte environ 2,5 % de catholiques pour une population très majoritairement musulmane, contrairement au reste des Philippines. La région est connue pour être le bastion de nombreux groupes armés dont l’organisation terroriste Abu Sayyaf, responsable de nombreux attentats, enlèvements, prises d’otages et assassinats. La communauté chrétienne y est régulièrement la cible d’attaques, de menaces et de pressions diverses, malgré les appels renouvelés des évêques demandant que sa sécurité soit assurée par les autorités.