Eglises d'Asie – Philippines
Le dialogue entre musulmans et chrétiens survivra à l’attentat de Noël commis à Jolo, tandis que les responsables de l’Eglise disent que l’année 2011 se présente sous de bons auspices
Publié le 30/12/2010
… sous de bons auspices, en particulier en ce qui concerne les relations entre l’Eglise et l’Administration Aquino.
L’attentat commis le 25 décembre dans la chapelle du Sacré-Cœur d’une base de la police à Jolo n’a pas été revendiqué bien que les autorités incriminent le groupuscule terroriste Abu Sayyaf, dont l’île de Jolo est l’une des bases. Sur place, le fait que l’explosion, qui a très fortement endommagé le lieu de culte, a fait onze blessés – dont un prêtre catholique – et a été déclenchée lors de la messe du jour de Noël suscite certes la colère chez les chrétiens mais, pour les responsables religieux, elle est l’occasion de souligner combien la paix est un bien précieux. « Jésus-Christ, dont la naissance est célébrée dans la joie lors des célébrations de Noël, est révéré par toutes les religions car Il a prêché l’amour, le pardon et la réconciliation, comme autant de moyens de parvenir à l’harmonie personnelle et sociale, à la paix et finalement au progrès », affirme, dans un communiqué diffusé le 30 décembre, les dirigeants du Mouvement de solidarité interreligieuse pour la paix (IRSMP). L’IRSMP est co-dirigé par le P. Angel Calvo, prêtre catholique, Ali Yacub, professeur musulman, et le Rév, Paulino Ersando, pasteur évangélique. Pour le groupe interreligieux, l’attentat de Jolo ne visait pas uniquement les chrétiens mais s’attaquait aussi à la liberté de culte et à la liberté religieuse.
Selon le missionnaire italien Giulio Mariani, PIME, des milliers de personnes ont pris part aux célébrations de Noël à Jolo en dépit des inquiétudes liées à la sécurité. « Contrairement à l’Europe où les fidèles ne vont en nombre qu’à la messe de minuit, les catholiques à Mindanao (le sud philippin) assistent à tous les offices de Noël, que ce soit le 24 au soir ou le 25 décembre. C’est bien le signe que l’espérance est vécue par chacun ici », explique-t-il à l’agence Ucanews, en précisant que « les musulmans eux-aussi sont mécontents » de la tension générée par l’attentat de Jolo (2).
A Manille et dans le reste du pays, si l’attentat du 25 décembre a reçu de larges échos, l’heure était au bilan de l’année écoulée et aux vœux pour l’année qui arrive. Sur les ondes de Radio Veritas, Mgr Teodoro Bacani, ancien évêque auxiliaire de Manille et évêque émérite du diocèse de Novaliches, n’a pas hésité à décerner un large satisfecit à Benigno Aquino III, élu à la présidence des Philippines le 10 mai dernier. « Je suis convaincu qu’il s’est montré efficace durant cette année écoulée. Pourquoi ? Parce que les gens l’admirent. On ne peut pas en dire autant de la présidence précédente [NDLR : Gloria Macapagal-Arroyo] en qui les gens n’avaient pas confiance. [Sous Arroyo], les gens pensaient qu’ils étaient en permanence baladés »
, a expliqué à l’antenne le prélat, qui a ajouté : « Personnellement, je donnerais un 9 sur 10 à Aquino. » Pour 2011, la priorité du président sera de favoriser le développement de l’économie, a encore précisé Mgr Bacani.Dans une autre interview, un autre évêque important du pays, Mgr Angel Lagdameo, archevêque de Jaro (Iloilo), a souligné que les crises et les problèmes n’avaient pas manqué au cours de l’année écoulée mais qu’elles n’empêchaient pas que « nous (les Philippins) soyons toujours debout ». A mesure que le président Aquino gagnera en expérience, certaines difficultés s’effaceront et, a ajouté l’évêque, une des qualités du président est de compenser son manque d’expérience par la faculté à s’entourer d’hommes et de femmes expérimentés.
D’autres évêques, notamment Mgr Martin Jumoad, évêque de Basilan, dans le sud philippin, ont toutefois évoqué certaines des urgences où l’exécutif philippin est attendu, notamment la lutte contre la corruption, domaine où Benigno Aquino a promis beaucoup lors de sa campagne électorale. A Basilan, « nous continuons d’avoir un maire abonné aux absents et cela n’est pas bon. J’espère que le président honorera réellement sa promesse de nous débarrasser de la corruption », a-t-il précisé.
Pour un certain nombre de responsables de l’Eglise, l’année 2011, au chapitre des relations entre l’Eglise et le gouvernement, s’annonce néanmoins difficile. Au cours de la campagne électorale pour les présidentielles de mai 2010 puis durant les mois qui ont suivi l’accession à la présidence de Benigno Aquino III, les évêques avaient multiplié les mises en garde contre le vote d’un projet de loi sur « la santé reproductive », lequel prévoyait un financement public généralisé des moyens de contraception, dont des produits abortifs. On se souvient des passes d’armes virulentes entre des évêques et des responsables du gouvernement, l’Eglise défendant le fait que la croissance démographique n’était pas la cause des difficultés économiques du pays et le gouvernement affirmant la nécessité de contrôler la croissance de la population pour diminuer le taux de pauvreté (3). Des responsables politiques expliquaient que le clergé n’était pas à même de répondre aux urgences du temps présent tandis que des prêtres accusaient les politiques de chercher à promouvoir l’avortement et la promiscuité sexuelle ; des évêques évoquèrent même la perspective d’une désobéissance civile au cas où la loi contestée était votée. En novembre, les propos du pape Benoît XVI sur le préservatif ont ajouté à la confusion, chacun des deux camps en présence les interprétant en sa faveur.
Ces dernières semaines, au cours de ce mois de décembre, la polémique a semblé se tasser, l’Eglise et des représentants du gouvernement s’étant mis d’accord sur une campagne d’information commune à propos du planning familial. Pour les acteurs en présence, rien n’est toutefois réglé sur le fond. Juan Ponce Enrile, président du Sénat, estime que la collaboration entre l’Eglise et l’exécutif n’est que « superficielle ». Le jour de Noël, Mgr Nereo Odchimar, évêque de Tandag et président de la Conférence épiscopale, a qualifié le projet de loi de « menace la plus manifeste » brandie au-dessus de la tête des Philippins. Dans le diocèse de Bacolod, l’évêque du lieu, Mgr Vicente Navarra, avait demandé à tous ses prêtres de centrer leurs prédications de Noël sur les dangers présentés par les politiques de contrôle des naissances. De son côté, le gouvernement n’a pas réagi, faisant seulement savoir dans un communiqué qu’en 2011, l’orientation « pro-choice » de sa politique en matière de planning familial demeurerait.