Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Lettre pastorale de l’évêque de Takamatsu au sujet du Chemin néo-catéchuménal

Publié le 22/01/2011




Le 20 janvier 2011, Mgr Mizobe Osamu, évêque du diocèse de Takamatsu (sur l’île de Shikoku), a publié une Lettre pastorale à l’occasion de la nouvelle année. Sobrement intitulée « Le Chemin néo-catéchuménal », ce texte aborde de front la question qui agite l’Eglise catholique au Japon, à savoir la présence – et les difficultés qu’elle soulève – de la communauté missionnaire d’origine espagnole. 

Le 13 décembre 2010, Mgr Mizobe faisait partie de la délégation de l’épiscopat japonais qui a rencontré, au Vatican, le pape et les plus hauts responsables de la Curie romaine à ce sujet.
Diocèse d’un peu plus de 5 000 fidèles, Takamatsu est au centre des polémiques soulevée par la présence du Chemin néo-catéchuménal au Japon. La communauté missionnaire y a ouvert un grand séminaire Redemptoris Mater en 1991, avant d’être contrainte à le fermer en 2009 pour le transférer à Rome.
Mgr Mizobe, salésien, qui était auparavant évêque de Sendai, est l’ordinaire de Takamatsu depuis juillet 2004.
La traduction française de ce texte est de la rédaction d’Eglises d’Asie. Elle a été réalisée à partir d’une version en anglais, visée et approuvée par Mgr Mizobe, du texte original en japonais.

 

 

Au clergé, aux religieuses et aux fidèles du diocèse de Takamatsu

En ce début d’année, je vous adresse mes salutations. Je prie que cette année soit une année où vous puissiez cheminer à mes côtés, auprès de votre évêque, pour porter « Renaissance et Unité » dans notre diocèse.

Le 13 décembre dernier, après avoir reçu une communication de la Secrétairerie d’Etat du Vatican nous informant qu’ils souhaitaient avoir une discussion concernant le Chemin néo-catéchuménal, je suis allé à Rome avec trois autres évêques du Japon. Nous nous attendions à rencontrer le pape, en compagnie du cardinal Bertone, secrétaire d’Etat, et du cardinal Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

Arrivés à notre hôtel, nous avons toutefois appris que le lieu et l’horaire de notre rencontre avaient changé et que cinq cardinaux ainsi qu’un archevêque (le sous-secrétaire à la Secrétairerie d’Etat) accompagneraient le pape lors de notre entretien (1). A notre surprise, il était aussi prévu que Mgr Hirayama assiste à l’entrevue (2), laquelle s’est déroulée à l’aide d’une traduction simultanée. Je ne rentrerai pas dans les détails du contenu de la rencontre.

Les 2 et 16 janvier 2011, Katorikku Shimbun, le Journal catholique du Japon, a publié des articles concernant notre rencontre à Rome et des détails de celle-ci ont été rendus publics par des médias catholiques sur Internet.

A la fin de l’année dernière et au début de cette année, nombreux ont été ceux, parmi le clergé et les fidèles du diocèse, qui ont demandé un compte rendu de la rencontre romaine. Il m’a été demandé de préciser quelle politique le diocèse de Takamatsu allait adopter en ce qui concerne le Chemin néo-catéchuménal. Il m’a aussi été clairement signifié que maintenir la position « ne pas savoir, ne pas être informé » n’était pas tenable. Que ce soit au Japon ou à l’étranger, Internet avait largement diffusé l’information selon laquelle les évêques japonais avaient été convoqués à Rome. De même, sur Internet, on pouvait lire que l’archevêque de Clifton, en Angleterre, a interdit toutes les activités du Chemin néo-catéchuménal dans son diocèse ou bien encore que la Conférence des évêques de Palestine a publié un document demandant au Chemin néo-catéchuménal de faire preuve d’autocontrôle dans ses activités. Il y a peu, l’archevêque de Lingayen-Dagupan, aux Philippines, a annoncé que les activités du Chemin néo-catéchuménal dans son archidiocèse feraient l’objet d’une inspection. Que ce soit en italien, en espagnol ou en anglais, de nombreux articles circulent sur Internet au sujet du Chemin néo-catéchuménal. Ce que nous disent tous ces articles est que les problèmes que le diocèse de Takamatsu et l’Eglise du Japon rencontrent avec le Chemin néo-catéchuménal ne sont pas isolés. Mais l’attention est concentrée sur l’Eglise du Japon. C’est pourquoi, étant donné la gravité du problème, j’ai pris la décision de vous faire part clairement de ce qui s’est passé et de vous expliquer les décisions prises dans notre diocèse.

A notre retour de Rome, le nonce apostolique nous a informés de son désir de nous rencontrer le 23 décembre. Mgr Okada, archevêque de Tokyo, et trois évêques ont participé à cette entrevue. Le nonce nous a été dit qu’il était très probable que le Saint-Père dépêche un envoyé spécial au Japon. Avant cela, et en ce qui concernait les activités du Chemin néo-catéchuménal, il fut décidé que chaque évêque était libre de procéder de la manière qui lui convenait dans son diocèse.

Lors de la rencontre à Rome, les quatre évêques du Japon avaient souligné que le problème [rencontré avec le Chemin néo-catéchuménal] relevait des règles concernant la discipline à l’intérieur d’un diocèse et que, de ce fait, toute décision en la matière appartenait à la juridiction de l’ordinaire du lieu. Nous avons expliqué que le fait que le Chemin néo-catéchuménal a été approuvé par Rome n’impliquait pas automatiquement qu’un diocèse, localement, doive en accepter la présence chez lui. Nous avons aussi insisté sur le fait que la personne la mieux à même de comprendre la situation d’une Eglise locale était l’évêque du lieu et que toute décision prise à Rome devait trouver son origine dans une discussion avec les ordinaires locaux.

Les cardinaux qui ont pris part à notre rencontre à Rome ont exprimé des points de vue divers, et les échanges ont plus été l’expression des opinions de chacune des personnes présentes qu’une vraie discussion. Il a toutefois été clair que le fait que la Conférence des évêques du Japon ait pris la décision de suspendre les activités du Chemin néo-catéchuménal était une réelle difficulté pour le Vatican. En conséquence de quoi, la mise au point d’un plan d’action était devenue une nécessité. C’est dans ce cadre que le Saint-Père a déclaré qu’il envisageait sérieusement de dépêcher un envoyé spécial du Saint-Siège au Japon.

On peut être certain que cet envoyé spécial du Vatican viendra dans notre diocèse. Le fait qu’un envoyé spécial du Saint-Siège soit dépêché dans le diocèse démontre, s’il est besoin, l’importance de la fracture au sein de notre communauté. De plus, il faut rappeler que c’est la deuxième fois qu’un envoyé est missionné pour les mêmes raisons. En 2003, le cardinal Kim, de Corée, s’était rendu en tant qu’envoyé spécial dans notre diocèse et il avait rédigé à l’issue de cette visite un rapport détaillé. Dans ce rapport, il analysait la situation dans le diocèse et proposait des moyens de remédier aux difficultés rencontrées.

Le cardinal Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a dit que l’envoyé papal aura pour mission d’entendre les avis des chrétiens du diocèse. En attendant cette visite et jusqu’ici, j’ai tenté de gérer le problème qui se pose avec le Chemin néo-catéchuménal de la manière la plus discrète possible, sans me livrer à des déclarations sur la place publique. J’attendais des membres du Chemin néo-catéchuménal qu’ils décident par eux-mêmes de faire preuve d’autodiscipline dans les activités qu’ils déploient. Désormais, le problème a pris une dimension internationale et je ne peux plus, par conséquent, garder le silence.

Une fois revenu de Rome, j’ai pris conscience que j’avais une obligation à m’adresser aux fidèles de mon diocèse. S’ils ne sont pas informés informé de la situation, ils pourraient refuser de parler ou faire comme s’ils ne savaient rien lorsque l’envoyé du Saint-Siège se présentera. Le résultat sera que l’envoyé quittera le diocèse sans avoir pu estimer la situation au plus près de sa vérité.

En tant qu’évêque de Takamatsu, je suis parvenu à la conclusion suivante en ce qui concerne le problème posé par le Chemin néo-catéchuménal. Ce problème concerne l’Eglise locale, à savoir le diocèse de Takamatsu. C’est un problème qui ne peut trouver une solution qu’ici, dans le diocèse. Le Saint-Père et les préfets des Congrégations romaines sont d’accord avec le fait que c’est un problème qui regarde l’Eglise locale et que c’est à l’évêque de le régler.

Il n’est pas admissible qu’une organisation ou un mouvement use d’un quelconque pouvoir pour empêcher un évêque d’agir dans son propre diocèse. Il est important que chacun d’entre nous analyse sincèrement et sérieusement ce qui s’est passé dans notre diocèse au cours de ces vingt dernières années et ce qui s’y passe encore aujourd’hui. L’heure n’est pas à ce que chacun se consacre aux intérêts de tel ou tel groupe mais plutôt à réfléchir à la manière dont chacun pourrait être au service du diocèse. Dans notre diocèse, réunis autour de l’évêque, nous nous trouvons à un carrefour important sur la route qui nous mènera à une vraie « Renaissance et Unité ».

La conclusion à laquelle je suis parvenu est que, dans l’attente des résultats de la visite de l’envoyé spécial du Saint-Père, je vous demande de suspendre toutes les activités du Chemin néo-catéchuménal dans le diocèse. Cette décision a été approuvée tant par le Conseil presbytéral que par le Conseil pastoral du diocèse. Elle ne signifie pas que le dialogue est rompu, elle doit être considérée comme une opportunité pour chacun d’entre nous à réfléchir.

Quand quelque chose est allé de travers, on dit que le plus sage est de revenir au point de départ. Je crois qu’il est temps MAINTENANT pour nous de revenir au point de départ. La décision que j’ai prise ne signifie par les membres du Chemin néo-catéchuménal sont exclus du diocèse. Mon souhait est que nous utilisions le temps de réflexion qui nous est donné pour rendre possible un dialogue en vérité. Je respecte les membres du Chemin néo-catéchuménal et j’espère qu’ils prendront une part active dans les activités du diocèse. Je souhaite aussi que tous, dans le diocèse, nous prenions un rôle actif dans le plan sur trois ans que nous avons mis en place pour revitaliser notre diocèse. Nul dans ce diocèse ne doit se considérer comme étant exempté de prendre part à cette action de renouveau.

20 janvier 2011
Mgr Mizobe Osamu