Eglises d'Asie

Malgré une amélioration des relations interreligieuses, les chrétiens sont en butte à des difficultés croissantes

Publié le 03/02/2011




Selon le rapport d’un centre de recherches universitaires, la coopération entre les religions est allée en s’améliorant en Indonésie au cours des douze derniers mois. La solidarité entre les religions ainsi que leur engagement commun sur le terrain social ont notamment connu de réels progrès, souligne le rapport. Toutefois, un autre rapport rédigé par une organisation indépendante révèle que 216 cas de violations de la liberté religieuse ont été recensés en 2010 et, dans la très grande majorité des cas, ces violences ont visé des chrétiens.

Le premier rapport émane du Centre pour les études interculturelles et religieuses de l’université Gadjah Mada, la plus grande université publique du pays, sise à Yogyakarta. Selon Zainal Abidin Bagir, directeur du Centre, s’il est impossible d’ignorer les violations de la liberté religieuse commises en Indonésie, il est intéressant de noter qu’il existe « un volet positif dans les relations interreligieuses en Indonésie ».

 

« Notre étude indique que la solidarité entre les croyants et l’implication des responsables religieux ont connu en 2010 des avancées positives, notamment sur le terrain, en matière sociale », a expliqué Zainal Abidin Bagir lors de la conférence de presse organisée à Djakarta le 1er février dernier pour la présentation du rapport. Il a cité à titre d’exemple la coopération qui s’est nouée entre la Conférence des évêques catholiques et plusieurs grandes organisations musulmanes telles la Muhammadiyah à l’occasion de l’aide humanitaire apportée aux victimes du tsunami qui a frappé en octobre dernier les îles Mentawai ou encore lors de l’éruption du volcan Merapi à Java-Centre (1). Selon lui, la coopération qui peut se nouer entre de grandes institutions religieuses à l’occasion de catastrophes naturelles indique qu’il est possible pour ces acteurs de sortir de logiques communautaristes afin de chercher la promotion du bien commun. Mais la coopération entre les religions peut également apparaître en d’autres occasions. Ainsi, en 2010, des responsables religieux ont uni leurs voix pour critiquer l’inaction du gouvernement dans le domaine social et dans celui de la lutte contre la corruption (2).

 

Lors de la conférence de presse, Yuni Chuzaifa, de la Commission nationale contre les violences faites aux femmes, a souligné que si les conclusions du rapport étaient encourageantes, elles ne devaient cependant pas cacher que l’usage de la religion à des fins politiques, que ce soit au plan local ou au plan national, était un phénomène de plus en plus courant en Indonésie.

 

Le 24 janvier, l’Institut Setara pour la paix et la démocratie, une ONG indépendante, a rendu public un rapport dressant la liste de 216 atteintes à la liberté religieuse commises en 2010 en Indonésie. Une hausse de près de 10 % par rapport à 2009 où 200 atteintes avaient été recensées. La grande majorité de ces violations, souligne l’Institut Setara, ont visé des chrétiens et ont, le plus souvent, consisté en des attaques de lieux de culte ou en fermetures forcées d’églises et de chapelles. Selon Hendardi, directeur exécutif de l’Institut, le gouvernement central est directement responsable de ces atteintes à la liberté religieuse par le choix de la personnalité à qui a été confiée le ministère des Affaires religieuses. « Nous demandons instamment au président Susilo Bambang Yudhoyono de démettre le ministre Suryadharma Ali du fait du dédain que celui-ci affiche pour le pluralisme », une valeur indispensable à la survie de l’Indonésie, pays où une très forte majorité musulmane cohabite avec 10 % de chrétiens et d’autres minorités religieuses, a déclaré Hendardi. Il est notamment reproché au ministre, qui est par ailleurs président du Parti du développement uni (Partai Persatuan Pembangunan – PPP), un parti politique musulman, de se montrer partisan dans l’exercice de sa fonction ministérielle (3).

 

Une autre voix importante de la défense des droits de l’homme a fait chorus avec l’Institut Setara. Theophilus Bela, secrétaire général du Comité indonésien des religions pour la paix, a lui aussi appelé à la démission du ministre Suryadharma Ali « parce qu’il laissait percevoir son soutien aux groupes radicaux lorsque des lieux de culte étaient attaqués ».

 

A propos des décrets et des arrêts édictés par des administrations locales, le vicaire général du diocèse catholique de Padang, à Sumatra-Ouest, a appelé à la vigilance. « Le gouvernement provincial a fait voter un grand nombre de textes qui ne concernent qu’un groupe en particulier. Ces textes ont trait à la connaissance du Coran, aux vêtements que doivent porter les musulmans ou bien encore à l’assistance due aux plus pauvres, a expliqué le P. Philips Rusihan Sakti. Or, les textes à portée législative doivent s’adresser à tous, pas à certains groupes spécifiques. » Le 31 janvier, à Padang, devant une quarantaine de responsables religieux et politiques locaux, réunis par le Forum de communication de la communauté sino-indonésienne, le prêtre catholique, qui est curé de la paroisse Ste Barbara à Sawahlunto, a ajouté que l’Etat se montrait incapable de garantir l’exercice de la liberté de religion, une liberté pourtant inscrite dans la Constitution.

 

« Dans ma paroisse, une communauté catholique excentrée se voit refuser l’autorisation de construire une chapelle. De fait, elle est contrainte d’utiliser un hangar de l’armée pour se réunir et prier. Ailleurs dans le diocèse, une chapelle a été incendiée sans que les forces de l’ordre ne réagissent », a rappelé le P. Philips Rusihan Sakti. A l’adresse des minorités, il a ajouté : « Nous devons trouver une manière de faire entendre la voix de ceux qui sont opprimés. Les risques sont grands et nous devons savoir que cela prendra du temps, de l’énergie et de l’argent. Mais, même si notre action provoque la haine de ceux que nos efforts gênent, nous devons le faire. »