Eglises d'Asie

L’évêque de Takamatsu explique sa position au sujet de la présence problématique du Chemin néo-catéchuménal dans son diocèse

Publié le 23/03/2011




Dans un entretien accordé le 9 mars dernier à Eglises d’Asie, Mgr Mizobe Osamu, évêque de Takamatsu, diocèse du Shikoku, a précisé sa position concernant la présence et l’action du Chemin néo-catéchuménal dans son Eglise. Depuis plusieurs années, l’activité de cette communauté missionnaire d’origine espagnole soulève de graves difficultés, notamment en termes d’unité au sein de la communauté catholique (1).

Décrivant la situation particulière de son diocèse, Mgr Mizobe rappelle qu’au Shikoku, la présence des catholiques est historiquement très faible. Confié aux prêtres des Missions Etrangères de Paris (MEP) dans un premier temps, puis à partir de 1920 aux dominicains espagnols, le territoire de ce qui deviendra en 1963 le diocèse de Takamatsu – qui couvre la totalité des quatre préfectures du Shikoku – n’a jamais compté qu’un très faible pourcentage de catholiques. Aujourd’hui, 5 000 fidèles, sur environ 5 millions d’habitants, vivent dans le diocèse, soit 0,1 % de catholiques, là où la moyenne pour l’ensemble du Japon est de 0,3 %. « Ces quarante dernières années, on ne compte pas une seule vocation sacerdotale issue de Takamatsu. Parmi les prêtres diocésains, presque tous viennent d’autres régions du Japon, de Nagasaki notamment », précise Mgr Mizobe, qui ajoute que c’est notamment pour palier ce manque de prêtres que son prédécesseur a fait appel, à partir des années 1970 et surtout 1980, au Chemin néo-catéchuménal.

Très minoritaires, souvent issus de communautés remontant aux « chrétiens cachés », les catholiques à Takamatsu ont longtemps vécu leur foi d’une manière « très traditionnelle », explique encore l’évêque. « C’est pourquoi, lorsque le Chemin néo-catéchuménal est arrivé, il a attiré à lui les éléments les plus dynamiques, les personnes qui étaient en recherche d’une pratique plus vivifiante. » « Le problème, poursuit-il, est que, face à un presbyterium limité en nombre, avec une vingtaine de prêtres, le Chemin a amené avec lui un nombre très important de prêtres, plus d’une vingtaine. »

« Considérés individuellement, insiste à plusieurs reprises Mgr Mizobe, les prêtres du Chemin, qui sont d’origine italienne, espagnole, latino-américaine ou autre, sont de bons prêtres et ne posent pas de difficulté. Ce qui pose problème, c’est le mode de fonctionnement du Chemin et la division que son action a créée dans les communautés paroissiales. »

En tant qu’évêque de Takamatsu, Mgr Mizobe indique qu’il n’exerce aucun contrôle sur les membres du Chemin et que ces derniers refusent de facto de se placer sous son autorité. Si vingt-deux prêtres du Chemin sont officiellement incardinés à Takamatsu, seuls cinq sont aujourd’hui effectivement présents à Takamatsu, les dix-sept autres étant hors du Japon sans que Mgr Mizobe soit informé de leurs affectations respectives. Des membres du Chemin, prêtres ou laïcs, arrivent et partent du diocèse sans que l’évêque en ait connaissance.

Au sujet des divisions créées au sein de la communauté chrétienne, Mgr Mizobe déplore que le Chemin, communauté missionnaire, ne se soit pas consacré aux non-catholiques ou même aux immigrés catholiques, présents en nombre dans le diocèse depuis vingt ans environ. « [Les membres du Chemin] ont investi les paroisses existantes et ont semé la division au sein d’ensembles déjà très modestes par la taille. De plus, leur manière de faire, que ce soit la messe du samedi soir, les célébrations séparées pour la Semaine Sainte ou encore un parcours catéchétique qui leur est propre, les place en dehors des communautés paroissiales, explique encore l’évêque de Takamatsu. Ils ont créé des groupuscules au sein de paroisses déjà toutes petites. »

Confronté à ces difficultés, Mgr Mizobe et ses prêtres ont tenté d’instaurer un dialogue avec les membres du Chemin, mais, à chaque fois, ceux-ci les ont renvoyés vers leurs supérieurs internationaux, en se contentant de répéter qu’ils travaillaient « pour la nouvelle évangélisation ». L’évêque de Takamatsu tient à préciser que ce ne sont pas les nouvelles communautés en elles-mêmes qui posent problème ; les Focolari ou l’Institut Notre-Dame de Vie, par exemple, travaillent sans difficulté d’intégration particulière au Japon, mais le dialogue semble impossible à instaurer avec le Chemin.

Pour sortir de l’impasse créée par cette situation, le Saint-Siège et la Conférence des évêques du Japon ont convenu de nommer un visiteur apostolique, à charge pour celui-ci d’écouter les parties en présence et de proposer des recommandations. Depuis la visite que les évêques japonais ont effectuée à Rome le 13 décembre dernier (2), il n’a pas été possible pour le Vatican et la Conférence épiscopale du Japon de se mettre d’accord sur le nom du futur visiteur. Mgr Mizobe se dit toutefois « confiant », notamment sur le fait que la personnalité qui sera choisie sera « neutre » tant vis-à-vis de l’Eglise du Japon que du Chemin néo-catéchuménal.

Dans l’attente de cette visite apostolique, l’évêque maintient l’interdiction qu’il a prononcée en décembre dernier concernant la poursuite des activités du Chemin néo-catéchuménal à Takamatsu, décision prise en accord avec l’ensemble de l’épiscopat japonais (3). Il souligne par ailleurs que les efforts engagés par le diocèse auprès des jeunes depuis sept ans, notamment en matière de promotion des vocations, commencent à porter du fruit. En avril prochain, date du début de l’année universitaire, quatre jeunes devraient entrer au séminaire national en vue de devenir prêtres. « Le diocèse se réveille », conclut Mgr Mizobe, en rappelant que son programme d’action pour Takamatsu a été intitulé « Renaissance et Unité ».