Eglises d'Asie – Inde
L’Eglise catholique soutient la campagne anti-corruption de l’activiste social hindou Anna Hazare qui a commencé une « grève de la faim illimitée »
Publié le 07/04/2011
… de l’activisme social en Inde et jouit d’une forte popularité ; la presse et les chaînes de télévision indiennes retransmettent heure par heure son état de santé ainsi que ses échanges avec le Parti du Congrès, au pouvoir à New Delhi.
Environ 3 000 personnes, dont un grand nombre de prêtres et de religieuses catholiques, participaient au sit-in qui marquait le lancement de la grève de la faim le 5 avril, au Jantar Mantar, un célèbre site au centre de la capitale fédérale abritant des observatoires astronomiques du XVIIIème siècle.
La campagne anti-corruption dont Anna Hazare est le fer de lance, intervient alors que plusieurs scandales au sein du gouvernement et de différents secteurs de l’administration d’Etat ont fait la Une des médias indiens au cours des derniers mois : énormes détournements de fonds du ministre des Télécommunications, pots-de-vin lors de l’organisation des jeux du Commonwealth (entraînant la démission du ministre des Sports), escroqueries financières du ministre-président du Maharashtra, sans compter le choc de la démission pour corruption du secrétaire d’Etat indien aux Affaires étrangères, ancien sous-secrétaire général à l’ONU. Pour l’année 2010, l’Inde a été classée 87ème sur 178 pays dans l’index de Transparency International, ONG de lutte contre la corruption dans le monde.
Anna Hazare réclame du gouvernement qu’il promulgue une loi créant une fonction de médiateur au niveau fédéral, ayant les moyens d’agir concrètement contre la corruption, de traiter les plaintes et de protéger les informateurs.
Mgr Vincent Concessao, archevêque de Delhi, et le P. Cedrick Prakash, prêtre jésuite très engagé dans la lutte anti-corruption et la défense des droits de l’homme, étaient présents lors de la manifestation du 5 avril. « Les chrétiens qui ne combattent pas la corruption ne sont pas dignes d’être appelés disciples du Christ », a affirmé le P. Prakash, qui fait partie, avec Mgr Concessao, du mouvement « L’Inde contre la corruption », lequel réunit aussi bien des leaders religieux que des acteurs sociaux. C’est ce mouvement qui a rédigé et proposé l’avant-projet de la Jan Lokpal Bill, la loi pour laquelle Anna Hazare a entamé sa grève de la faim.
Ce jeudi 7 avril 2011, sur le site de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), dont il est également le vice-président, Mgr Concessao confirme en termes très clairs son engagement dans la campagne anti-corruption : « La Bible condamne fermement la corruption. Il est écrit : ‘Tu n’accepteras pas de pot-de-vin, car la corruption rend aveugle les justes et ruine la cause des innocents’ ». Soulignant que le système judiciaire actuel n’a pas les moyens d’agir contre la corruption et parfois même le favorise, l’archevêque engage l’Eglise de l’Inde à soutenir le projet de loi Jan Lokpal Bill et à « se dresser contre la corruption ».
L’archevêque de Delhi, qui cumule de nombreuses responsabilités au sein de mouvements à vocation sociale, poursuit en assurant les acteurs de la campagne anti-corruption de « la solidarité à leurs côtés » du National United Christian Forum (NUCF), dont il est aussi le président. « Les personnes les plus affectées par la corruption sont les pauvres, non seulement parce que cette dernière rend les projets du gouvernement inaccessibles pour eux, mais aussi parce que cette même corruption ne permet pas l’application des lois et des mesures dont ils ont justement le plus besoin », argumente le prélat.
De son côté, Anna Hazare a invité tous ceux qui soutiennent son action à jeûner deux jours avec lui et à prier pour l’aboutissement de la campagne anticorruption. « J’ai dû choisir cette solution extrême parce qu’aujourd’hui ceux qui pensent les lois sont devenu ceux qui transgressent les lois », a expliqué le célèbre militant qui a reçu de nombreuses distinctions du gouvernement indien, dont le Padma Bhushan en 1992 pour « service rendu à la Nation » dans le domaine social.
« Je ne suis pas effrayé par la mort », a confié Anna Hazare au Times of India, ce jeudi 7 avril. « Si je meurs en faisant quelque chose pour mon pays, je serai heureux. » Depuis mardi dernier, des milliers de sympathisants convergent de toutes les parties de l’Inde vers Jantar Mantar. La capacité de fédérer l’ensemble de la nation indienne et l’utilisation de la grève de la faim comme arme non violente pour faire plier les autorités, rend le parallèle avec Gandhi inévitable, une figure dont Anna Hazare assume pleinement l’héritage. « Les gens ont recours à la Satyagraha (1) lorsque toutes les autres issues sont fermées », avait-il déclaré au quotidien The Hindu, le 6 avril dernier.
Ce jeudi 7 avril, entamant son troisième jour de grève de la faim, Anna Hazare a annoncé poursuivre son action, malgré les demandes du gouvernement le pressant d’arrêter son jeûne et de « revenir à la table des négociations ». Le militant hindou a refusé l’offre des autorités fédérales, réclamant de véritables mesures concrètes, faute de quoi il poursuivra « sa grève jusqu’à la mort ».