Eglises d'Asie

A la grande inquiétude des chrétiens, les islamistes célèbrent le « martyre » de Ben Laden

Publié le 06/05/2011




« Oussama, Héros ! Obama, Terroriste ! », ont scandé les manifestants du Front des défenseurs de l’islam (1) mercredi 4 mai devant le siège de leur mouvement à Djakarta, reprenant les slogans inscrits sur des affiches géantes du président américain (dont le visage était barré en rouge) et de l’ancien chef d’Al-Qaida. Présentée comme une réunion de prière pour « remercier de ses hauts faits » Oussama Ben Laden et rendre « honneur et gloire » à l’islamiste …

… tué lors d’un raid de l’armée américaine le 1er mai dernier au Pakistan, le rassemblement des militants a tournée rapidement en manifestation. Hommes, femmes et enfants ont acclamé le « martyr » Oussama et appelé au djihad contre « les infidèles qui ont tué un grand défenseur de l’islam ».

Les Eglises chrétiennes, qui ont demandé au gouvernement de renforcer la sécurité autour de leurs lieux de culte, voient avec une inquiétude grandissante la colère embraser les factions extrémistes musulmanes de l’Indonésie. Ces derniers temps, les alertes ont été nombreuses, les djihadistes considérant la communauté chrétienne comme l’incarnation de l’Occident infidèle et ayant perpétré récemment plusieurs attentats dont l’un des derniers, déjoué à la dernière minute, visait la Christ Church Cathedral à Tangerang le Vendredi saint (2).

Les liens entre Al-Qaida et les groupes islamistes indonésiens sont connus depuis longtemps et font craindre un regroupement des réseaux locaux et de nouveaux attentats de grande ampleur comme celui de Bali en 2002, qui avait fait plus de 200 morts, perpétré par la Jemaah Islamiyah, un réseau revendiquant une filiation avec Al-Qaida (3). Afin de prévenir toute escalade de violence, quelque 10 000 policiers ont été dépêchés à Bali. Une mesure qui aux yeux de certains observateurs semble d’ores et déjà insuffisante.

Dès l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden, les leaders musulmans ont multiplié les déclarations, bon nombre d’entre eux dénonçant notamment le fait que le chef d’Al-Qaida n’avait pas pu bénéficier des rites funéraires musulmans, contrairement à ce qu’avaient affirmé les autorités américaines. Ils ont particulièrement fustigé l’immersion en mer du corps par l’armée américaine ; « un acte gravement immoral ».

Mais ce sont surtout d’éventuelles représailles que craignent aujourd’hui les autorités indonésiennes comme les responsables des communautés chrétiennes. Nasir Abbas, figure emblématique de la lutte des djihadistes contre les Soviétiques en Afghanistan dans les années 1980, a appelé ses « frères d’Indonésie » à se venger de la mort de Ben Laden. Quant à Abu Bakar Bashir, un chef religieux aux prêches charismatiques, actuellement jugé pour terrorisme (4) et dirigeant du tout récent groupe islamiste Jama’ah Ansharut Tauhid (JAT), il a assuré que la disparition du chef d’Al-Qaida « n’aurait aucun effet dissuasif sur les jeunes combattants du djihad ».

Du côté de l’Eglise catholique, le discours se veut rassurant tout en restant prudent et réaliste. Le P. Aloysius Budipurnomo, qui est à la tête de la Commission interreligieuse de l’archidiocèse de Semarang, a confirmé auprès de l’agence AsiaNews que la mort du leader d’Al-Qaida, ne signifiait certes pas la mort du terrorisme car « la lutte contre l’extrémisme est aussi quotidienne que le fait de devoir se raser tous les jours ». Cependant, les responsables d’Eglise encouragent les chrétiens à garder leur calme et à considérer la disparition de Ben Laden, comme « l’occasion de rompre le cycle de la violence » pour « promouvoir la culture de vie ». C’est en ces termes que s’est exprimé Mgr Johannes Pujasumarta, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie (KWI), ajoutant qu’il était temps aujourd’hui de « développer la paix et la fraternité entre tous les Indonésiens ».