Eglises d'Asie – Japon
Deux mois après le séisme, de nombreuses personnes sont toujours en hébergement provisoire
Publié le 09/05/2011
Le long de la côte du Pacifique, le Centre de soutien d’urgence a organisé trois « camps de base », à Shiogama, Ishimaki et Kamaishi, d’où les bénévoles partent pour les missions qui leur sont confiées. Endo Akio est âgé de 63 ans. Professeur d’une école catholique, désormais à la retraite, il est venu de Shizuoka, au sud de Tokyo, pour aider. « Je voulais vivre cette expérience plutôt que la regarder à la télévision, explique-t-il. Je suis en bonne santé, j’ai pensé que je pourrais être utile. » Il précise que, lorsqu’il était âgé de 10 ans, un typhon a totalement inondé sa ville. « Le jour suivant, je suis monté sur une hauteur pour constater l’ampleur des dégâts. Je n’ai jamais oublié ce que j’ai vu. En pourtant, ici, c’est bien pire. Quand vous pensez à tout ce qu’il y a à faire ici, ce que j’apporte est peu de choses ! », poursuit-il, interrompant un instant le travail qu’il mène avec une vingtaine de bénévoles de Caritas-Japon. A Shiogama, l’équipe s’affaire à nettoyer un quartier qui a été submergé par les eaux, qui y ont déposé des milliers de sacs d’engrais d’une fabrique installée à un demi-kilomètre de là. A sec, un sac pèse 20 kg ; mouillé, son poids est multiplié par deux.
Un séminariste du grand séminaire national de Tokyo a profité des vacances universitaires pour partir aider dans le Tohoku. Il explique pourquoi les opérations de nettoiement prennent autant de temps. « Ce n’est pas faute de disposer de bulldozers ou de pelleteuses, mais, avant d’utiliser ce genre d’engins, il faut d’abord vérifier qu’il ne reste pas de cadavres sous les décombres. On ne veut pas que ces machines abîment les cadavres sur lesquels elles tomberaient par hasard. De plus, si on utilise des pelleteuses pour déblayer, on ne peut plus récupérer les objets personnels qu’on découvrirait dans ce qui reste des maisons particulières. Pour les rescapés, ces objets revêtent une grande importance et ils sont sensibles à ce que le travail de déblaiement soit fait à la main, sans ces gros engins », rapporte à Eglises d’Asie Gabriel Otsuka Kenryu, 29 ans, étudiant de 1ère année pour le diocèse de Kyoto au grand séminaire national.
Proche de Shiogama, Shichigahama est un petit village de pêcheurs, quasiment entièrement détruit par le tsunami. Dans un stade couvert, un peu à l’intérieur des terres, Sekine Miki, en compagnie d’autres bénévoles de la Caritas, trie les objets tirés des débris – des albums photos, des diplômes, des papiers personnels, etc. –, pour les rescapés qui viendront fureter à la recherche d’un lien les rattachant à leur passé détruit. Cachant sa gêne derrière un rire de convenance, Sekine Miki raconte qu’un jour, une dame âgée farfouillait parmi les photos, avant de commenter en souriant : « Vous avez remarqué ? Les photos de mariage, elles se ressemblent toutes, vous ne trouvez pas ? »
Dans un pays aussi riche et développé que le Japon, se pose la question de la spécificité que peuvent apporter les catholiques, très minoritaires (1 % de la population) mais connus et respectés, notamment pour leur travail dans le domaine éducatif. Lors de la Vigile pascale, Mgr Hiraga Tetsuo, évêque du diocèse de Sendai, a invité chacun de ses prêtres et chacun des bénévoles sur le terrain à ne négliger personne ni aucun lieu. Parmi les soldats des Forces d’autodéfense, les autorités civiles, les associations et organisations de tous ordres qui s’activent auprès des rescapés, l’Eglise doit faire montre d’une attention redoublée aux plus petits, a expliqué l’évêque. Les catholiques sont là « pour être une présence à l’écoute, être un pilier sur lequel se raccrocher, un allié pour le bien commun, une voix qui encourage, un cœur qui bât à l’unisson », a fait valoir Mgr Hiraga, insistant sur l’attention à apporter aux plus faibles et aux oubliés.
Le 23 avril, dans la cathédrale de Motoderakoji, à Sendai, l’assemblée était compacte, les bénévoles s’ajoutant aux fidèles du diocèse. Lors de la Vigile, treize catéchumènes ont été baptisés. Dans son homélie, Mgr Hiraga a déclaré : « Plus noires sont les ténèbres, plus brillante sera la lumière. Elle apportera un surcroît de chaleur, de joie et de paix. »
Deux mois après la catastrophe, de nombreux rescapés se trouvent encore dans une situation très précaire. Souvent âgés, ils vivent mal l’anxiété qu’ils ressentent à ne pas savoir où ils pourront s’installer et reconstruire leur quotidien. Les centres d’hébergement d’urgence qui ont ouvert au lendemain du 11 mars dans des écoles, des gymnases ou des salles municipales commencent à fermer, leurs occupants étant invités à rejoindre les habitations temporaires qui sont en train d’être érigées. Inomata Kiyoko est âgé de 85 ans. A Ishinomaki, où elle vivait, elle a perdu ses proches dans la catastrophe. Le gymnase où elle vit depuis près de deux mois va devoir être rendu d’ici quelques jours afin que la vie de l’école voisine reprenne un cours normal. Les habitations temporaires sont prévues pour que leurs pensionnaires y restent un maximum de deux ans, mais « où aller ? », interroge la vieille dame. « Nous ne sommes pas en condition pour chercher un nouvel appartement. Je voudrais rester dans les environs », explique-t-elle, en précisant qu’elle a entendu parler d’un petit logement qui pourrait lui convenir mais dont le loyer seul équivaut pratiquement au montant de sa pension de retraite.
Pour les catholiques de la région, le geste qui les a le plus touchés est le fait que des prêtres soient venus de Tokyo et d’autres diocèses du pays. Ce fut le cas, fin avril, pour un missionnaire de la capitale qui, s’étant rendu à Kamaishi, dans le nord du Tohoku, pour travailler parmi les bénévoles, y a célébré la messe. Selon le jeune séminariste Gabriel Otsuka, « ce qu’il reste aux rescapés, c’est seulement le lien invisible qu’ils ont avec leur paroisse, avec l’Eglise. Venir célébrer la messe avec eux, il n’y a rien qui rendent plus heureux les chrétiens que j’ai rencontrés ! ».