Eglises d'Asie

Dans le nord du pays, les Hmongs subissent une forte répression religieuse

Publié le 11/06/2011




Selon des sources locales, la répression antichrétienne s’est intensifiée dans le nord-est du pays, suite aux manifestations, le mois dernier, de milliers de membres de l’ethnie hmong. « Nous sommes très inquiets pour l’avenir du vicariat apostolique de Luang Prabang où toute activité religieuse est entravée et les catholiques sous étroite surveillance », a confié le 9 juin dernier …

à l’agence Ucanews, le P. Tran Xuan Nhan, un prêtre vietnamien du diocèse de Vinh, exercant son ministère au Laos depuis de nombreuses années.

Depuis l’arrivé au pouvoir des communistes en 1975, la liberté religieuse est très restreinte dans tout le pays, le nord du Laos étant l’objet d’une surveillance plus sévère encore, en raison de la présence de minorités ethniques, dont les Hmongs (1), particulièrement persécutés par le régime. Aujourd’hui, le vicariat apostolique de Luang Prabang, qui couvre cette vaste région montagneuse, ne compte que deux prêtres catholiques, dont l’un a été ordonné en janvier dernier après de multiples tentatives du gouvernement pour annuler la célébration (2). Le P. Tran Xuan Nhan, 57 ans, rapporte que la situation s’est aggravée depuis que les chrétiens hmongs ont manifesté en mai dernier contre l’oppression du régime, dans la région frontalière avec le Vietnam, réclamant la liberté religieuse et la fin des spoliations de terrain.

Si les médias s’étaient fait l’écho des troubles qui avaient éclaté dans le nord-ouest du Vietnam, au sein du district de Muong Nhe, dans la province de Diên Biên, les événements du Nord-Laos n’ont été connus que tout récemment. Dans la province vietnamienne de Diên Biên, une région difficile d’accès et considérée comme étant la plus pauvre du pays, des milliers de Hmongs, avec femmes et enfants, s’étaient rassemblés dès le 30 avril pour d’importantes manifestations. Les autorités laotiennes, quant à elles, avaient imposé un silence médiatique total concernant la participation des Hmongs du Laos au mouvement de protestation qui s’étendait pourtant à sa zone frontalière.

Selon des sources non officielles et des rapports émanant d’organisations non gouvernementales tant vietnamiennes que laotiennes (telles que Hmong Advance ou encore le Center for Public Policy Analysis (CPPA), situé aux Etats-Unis), les forces armées du Vietnam et du Laos avaient été dépêchées rapidement sur les lieux afin de réprimer le soulèvement hmong de part et d’autre de la frontière. Malgré le peu d’informations qui avaient filtré, la zone étant interdite aux journalistes, la violence des affrontements n’avait pu être niée par les autorités. Le 10 mai, la presse officielle avait affirmé que les affrontements entre les populations hmongs et les forces armées étaient terminés. Minimisant l’importance de cette protestation, pourtant la plus forte depuis les soulèvements des Montagnards des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam en 2001 et 2004, le Vice-Premier ministre vietnamien avait déclaré que « tout avait été réglé pacifiquement » et que les manifestants « qui avaient été entraînés par manipulation étaient retournés dans leurs villages ».


Une version des faits vivement contestée par les sources locales et la diaspora hmong qui dénoncent une répression sanglante des manifestations par les forces armées, avec le soutien d’hélicoptères de l’Armée populaire vietnamienne, venus de bases situées au Vietnam et au Laos. Différents rapports dont les chiffres ne peuvent être confirmés avec certitude font état d’une soixantaine de morts, de centaines de disparus et de l’arrestation de plus d’un millier de Hmongs au Vietnam. Il n’y a à l’heure actuelle aucune information concernant les victimes de la répression du côté laotien.

Selon le gouvernement vietnamien, les manifestations avaient pour origine une rumeur circulant parmi les Montagnards, selon laquelle une force surnaturelle devait apparaître dans le district de Muong Nhe aux premiers jours du mois de mai. Cette apparition devait marquer le début d’une ère de bonheur, de richesse et de prospérité avec la création d’un royaume hmong. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement réprime des manifestants hmongs en affirmant que ces derniers veulent créer un royaume indépendant, mais l’information avait été également relayée par certains médias occidentaux qui avaient notamment rapporté que les manifestants s’étaient choisi un roi (3).

Pour le P. Tran Xuan Nhan,comme pour la plupart des observateurs et des ONG, il ne fait aucun doute que les demandes des manifestants portaient bien pour l’essentiel sur la liberté religieuse et le respect des droits de l’homme. Comme au Vietnam, où la répression religieuse à l’encontre des Hmongs n’a jamais cessé (dans le district de Muong Nhe, où la majorité des chrétiens sont protestants, un millier de catholiques pratiquent leur religion dans une quasi-clandestinité (4)), le Nord-Est du Laos est toujours soumis à une sévère persécution. Le prêtre vietnamien rapporte que pour empêcher les Hmongs de se rendre à la messe, les autorités les obligent à participer à des séances d’endoctrinement ou à des « travaux d’intérêt public », et qu’à chacun de leurs déplacements, les catholiques doivent demander une autorisation aux responsables de village. Il raconte encore que Mgr Tito Banchong Thopayong, administrateur apostolique du vicariat de Luang Prabang, célèbre la messe dominicale devant une assistance composée de trois religieuses âgées et d’une vingtaine de catholiques, sous la surveillance de quatre miliciens armés.

Selon les statistiques disponibles, le vicariat apostolique de Luang Prabang compte entre 3 000 et 4 000 catholiques pour une population de 1,2 million d’habitants. Au Laos, très majoritairement bouddhiste, il est dénombré officiellement 43 000 catholiques, une quinzaine de prêtres et une centaine de religieuses.