Eglises d'Asie

Une Eglise protestante et des familles de victimes d’exécutions extrajudiciaires, déposent une requête en recours collectif contre l’ex-présidente Gloria Arroyo

Publié le 20/06/2011




Un groupe formé de chrétiens protestants a intenté jeudi 16 juin une action judiciaire à l’encontre de l’ancienne présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, aujourd’hui députée de la province de Pampanga. Les plaignants demandent à ce que soient reconnus et sanctionnés les assassinats, les actes de torture, d’enlèvement, de séquestration et les autres violations des droits de l’homme qui ont marqué la présidence de Gloria Arroyo  …

… tout en bénéficiant d’une totale impunité (1). Ils réclament également des dommages et intérêts à hauteur de 4,3 millions de pesos (soit 70 000 euros).

La requête en recours collectif (2) a été déposée devant la Cour régionale de Quezon City par cinq familles de victimes, le Rév. Guerrero (enlevé en mai 2007, détenu et torturé pendant 16 mois) et Mgr Reuel Norman O. Marigza, nouveau secrétaire général de l’United Church of Christ in the Philippines (l’Eglise unifiée du Christ des Philippines, UCCP). C’est au nom de cette Eglise protestante, qui détient le triste record du plus grand nombre d’assassinats extrajudiciaires parmi ses membres, que ce recours collectif a été initié. Dès son installation en mai 2010, alors que les premiers résultats du scrutin présidentiel ne laissaient aucun doute sur la victoire de Benigno ‘Noynoy’ Aquino, Mgr Marigza avait annoncé son intention de lancer une procédure contre Gloria Arroyo, laquelle venait d’être élue à la Chambre des représentants.

De 2001 à 2010, période du long mandat présidentiel de Gloria Macapagal-Arroyo, 25 membres de l’UCCP, prêtres comme laïcs, ont été assassinés. L’Eglise protestante compte également parmi ses fidèles de nombreux disparus et victimes de torture. L’ONG de défense des droits de l’homme Karapatan (Alliance for the Advancement of People’s Rights) a déclaré avoir recensé plus de 1 188 exécutions extrajudiciaires aux Philippines depuis 2001, effectuées par les forces armées des Philippines ou des milices sous contrôle militaire. Karapatan dont la plupart des militants sont proches des Eglises protestantes (en particulier de l’Eglise indépendante des Philippines (3)) a payé elle aussi un lourd tribut à la défense des droits de l’homme avec bon nombre de ses membres assassinés lors d’enquêtes menées sur des meurtres et massacres non élucidés.

La nouvelle de cette action en justice collective est tombée alors que, ce même jeudi 16 juin, la Cour Suprême rendait son verdict concernant la couverture médiatique controversée du procès des responsables du massacre de Maguindanao de novembre 2009 (4). Dans un contexte de lutte électorale, la tuerie commanditée par le clan des Ampatuan, une famille alliée de la présidente Arroyo, contre un clan rival, avait particulièrement choqué la population philippine. La Cour Suprême, en tranchant en faveur de la retransmission en direct du procès, a selon les médias locaux, permis aux Philippins de ne pas voir une fois de plus « le processus judiciaire leur échapper ». Dans sa requête qui compte 18 pages, Mgr Marigza accuse Gloria Arroyo des violations multiples des droits de l’homme qui ont eu lieu durant son mandat et d’avoir utilisé l’armée pour éradiquer toute opposition au régime. Selon lui, à l’époque des faits, l’UCCP était visée par les militaires dans le cadre de la lutte armée contre le parti communiste auquel l’Eglise protestante avait été assimilée en raison de ses prises de position.

Le rôle prépondérant de l’armée dans les exécutions extrajudiciaires aux Philippines a été maintes fois dénoncé, bien que le gouvernement ait généralement mis les meurtres et disparitions inexpliquées sur le compte de la guerre des clans et des armées privées.
 

Les dernières années de la présidence de Gloria Arroyo, l’Eglise catholique dont plusieurs membres avaient également été assassinés, avait à plusieurs reprises appelé le gouvernement à « enquêter en toute transparence sur les disparitions et les exécutions extrajudiciaires » (5).