Eglises d'Asie – Indonésie
Consternation en Indonésie après l’exécution en Arabie saoudite d’une employée de maison condamnée pour le meurtre de l’épouse de son employeur
Publié le 22/06/2011
En Indonésie, pays d’où sont originaires un grand nombre d’employées de maison travaillant dans le royaume wahhabite, la consternation est mêlée d’indignation, notamment à l’égard du gouvernement indonésien auquel il est reproché de ne pas avoir tout entrepris pour épargner à Ruyati la peine capitale.
Lors de la veillée de prière organisée à Djakarta, le P. Benny Susetyo était présent. Il a expliqué que bien que Ruyati était de confession musulmane, l’Eglise catholique, qui « rejette la peine de mort et promeut le respect de la dignité humaine », tenait à manifester son soutien aux proches de Ruyati et, au-delà de sa famille, à tous les Indonésiens et Indonésiennes qui travaillent dans les pays du Golfe persique dans des conditions souvent difficiles. Secrétaire de la Commission pour les Affaires œcuméniques et interreligieuses, le P. Susetyo a tenu « à exprimer au nom de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie ses plus sincères condoléances à la famille (de Ruyati) ». « Je prie que Dieu reçoive son âme », a-t-il ajouté.
D’autres personnalités présentes à la veillée de prière ont appelé le gouvernement indonésien à se porter au secours des Indonésiens qui attendent leur exécution dans les prisons d’Arabie saoudite. Yenny Wahid, directrice de l’Institut Wahid – fondé par son père, l’ancien président indonésien Abdurrahman Wahid –, a déclaré espérer que Ruyati sera la dernière Indonésienne partie chercher du travail à l’étranger à être ainsi exécutée. « Je demande au gouvernement de se préoccuper sans délai du cas des 23 Indonésiens qui attendent leur exécution en Arabie saoudite », a-t-elle précisé.
En dépit des mauvais traitements qu’elle avait eus à subir chez son employeur et d’un diagnostic faisant état d’une fragilité psychologique, Ruyati avait été reconnue coupable du meurtre de l’épouse de son employeur, tuée à coups de couteau dans la nuque. Selon le ministre indonésien des Affaires étrangères, Marty Natalegawa, le consulat indonésien en Arabie saoudite a apporté son assistance à Ruyati tout au long de la procédure judiciaire, du jugement en première instance jusqu’au jugement en appel et le recours en grâce auprès du roi Abdallah. Il a aussi précisé que l’Arabie saoudite n’avait pas averti l’ambassade indonésienne à Riyad de l’imminence de l’exécution. « Nous ne savions pas qu’elle allait être exécutée le samedi 18 juin et, pour cela, nous condamnons le gouvernement saoudien. Nous regrettons que l’Arabie saoudite dédaigne ainsi les traités internationaux », a déclaré le ministre au lendemain de l’exécution de Ruyati, en ajoutant que l’ambassadeur d’Indonésie à Riyad était rappelé pour consultation et que l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Djakarta avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères. Le ministre indonésien du Travail s’est dit prêt à interdire, ne serait-ce que temporairement, le départ des travailleurs indonésiens pour l’Arabie saoudite.
En Indonésie, les militants des droits de l’homme reprochent ouvertement à leur gouvernement de ne pas se soucier assez de la défense de travailleurs migrants, notamment des employées de maison. Ils dressent un parallèle entre les discours non suivis d’effets de leur président, Susilo Bambang Yudhoyono, et les actes posés par les dirigeants philippins. Ils rappellent notamment qu’en 2007, Gloria Arroyo, alors présidente des Philippines, n’avait pas hésité à aller en personne demander la grâce de Marilou Ranario, une enseignante du sud philippin qui avait quitté ses deux jeunes enfants et son mari pour trouver à s’employer comme domestique au Koweït. Victime de mauvais traitements, Marilou Ranario avait tué son employeuse en 2004 et avait été condamnée à mort en 2005. Devant Gloria Arroyo, l’émir du Koweït avait promis qu’il ne signerait pas l’ordre d’exécution et que la peine de mort serait de facto commuée en prison à vie (1).
Migrant Care, une ONG de défense des travailleurs migrants indonésiens, souligne que, quatre jours avant l’exécution de Ruyati, le président Yudhoyono était à Genève où, devant l’assemblée générale de l’Organisation internationale du travail (OIT), il mettait en avant l’action de son pays en faveur de la défense des employées de maison et la récente signature d’un accord en ce sens avec la Malaisie (2). Or, interpelle Migrant Care, le gouvernement, son administration et sa diplomatie se montrent incapables d’agir efficacement. « En Arabie saoudite, il y a 23 Indonésiens, en grande majorité des Indonésiennes employées de maison, qui attendent leur exécution. Après Ruyati, la prochaine sur la liste est Darsem. Pour cette dernière, le gouvernement ne se montre capable que de parler du paiement du ‘prix du sang’, au lieu de la soutenir devant les tribunaux ou par les canaux diplomatiques », a dénoncé Ani Hidayah, de Migrant Care.
Le cas de Darsem, une employée de maison originaire de Java-Ouest, condamnée à mort en Arabie saoudite pour le meurtre de son employeur (qui avait tenté de la violer), a surgi sur le devant de la scène lorsque, le 21 juin, le gouvernement indonésien a annoncé qu’il avait dépêché trois de ses diplomates à Riyad pour négocier le versement de 4,7 milliards de roupies (380 000 euros) en paiement de compensation, ou ‘prix du sang’, à la famille de la victime et éviter ainsi l’exécution de Darsem. Le président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants a fait savoir que cette somme serait prélevée sur le budget spécial du ministère des Affaires étrangères dévolu à la protection des Indonésiens à l’étranger.
Par ailleurs, au Sri Lanka, un prêtre catholique du diocèse de Kandy a joint sa voix à celles des militants des droits de l’homme qui tentent de sauver la tête d’une jeune employée de maison condamnée à mort en Arabie saoudite pour la mort du nourrisson dont elle avait la garde. Partie du Sri Lanka à l’âge de 17 ans en se faisant passer pour une jeune femme de 23 ans, elle avait la garde d’un enfant de 4 mois en 2005 qui, selon elle, s’est étouffé en ingurgitant un objet. Dans les locaux de la police, après avoir été maltraitée, elle a signé une déposition selon laquelle elle avait étranglé l’enfant. Depuis, Rizana Nafeek a été condamnée à mort. Le gouvernement sri-lankais a récemment fait savoir qu’il était prêt à négocier une compensation pour ‘le prix du sang’ en échange de la vie de la jeune femme.