Eglises d'Asie

Une ancienne novice bouddhiste s’immole par le feu en protestation contre le projet gouvernemental de « Réaménagement des quatre fleuves »

Publié le 19/07/2011




Le 14 juillet dernier, une femme âgée d’une quarantaine d’années, ancienne novice et disciple du moine bouddhiste Moon-su qui s’était immolé par le feu en mai 2010, a selon l’agence Ucanews (1), également mis fin à ses jours de la même façon, devant …

… le stupa érigé à la mémoire de son maître spirituel.

Le Vénérable Moon-su (Monsu) s’était donné la mort à l’âge de 47 ans, le 31 mai 2010, sur les rives du fleuve Nakdong, proche du temple de Jibo (Jibosah) dans la province de Gyeonsang-Nord, où il vivait, selon ses condisciples, de façon ascétique et peu impliquée dans les débats politiques et sociaux. Il laissait une lettre au président sud-coréen Lee Myung-bak dans laquelle il lui demandait d’« arrêter sans délai » le projet de « Réaménagement des quatre fleuves » (2).

Ce projet, très controversé depuis son lancement en 2009 par le président Lee Myong-bak, est l’objet d’une préoccupation croissante des Sud-Coréens, les sondages les plus récents indiquant que près de 80 % d’entre eux y sont désormais opposés. Selon les détracteurs du plan de « Réaménagement des Quatre fleuves » (le Han, le Nakdong, le Geum (Kum) et le Yeongsan (Yongsam)), les travaux « pharaoniques » du gouvernement consistant à draguer le lit des fleuves et à construire des barrages et des centrales hydroélectriques, auront des conséquences dramatiques et irréversibles sur l’environnement et l’écosystème des fleuves. A la suite des Eglises chrétiennes, les responsables des principales religions de Corée et plusieurs centaines de mouvements citoyens se sont unis dans une même protestation, multipliant les déclarations, les manifestations et même les célébrations religieuses sur les rives des fleuves concernés (3). Tout récemment, l’effondrement d’un pont historique sur le fleuve Nakdong a fait monter d’un cran supplémentaire la mobilisation des opposants au projet (4).

Le corps de l’ancienne novice, qui n’est désignée pour le moment que sous son nom de famille, Lee, a été retrouvé entièrement brûlé au temple de Jibo, devant le stupa contenant les restes du Vénérable Moon-su.

L’auto-immolation considérée comme « une offrande à Bouddha » – ici pour arrêter le projet – est une forme de suicide acceptée par certaines branches du bouddhisme, bien qu’elle transgresse paradoxalement l’un de ses principes fondamentaux qui est « la non-destruction de la vie ». Si le suicide en tant qu’acte d’autodestruction « ordinaire » est condamné, l’immolation par le feu est considérée comme un acte de compassion, un « don de soi », permettant à celui qui a choisi dans un but désintéressé cette mort particulièrement douloureuse, d’influer par ses mérites ainsi acquis sur le monde qui l’entoure.

Selon un représentant de l’ordre Jogye, la plus importante dénomination bouddhiste de Corée du Sud, la jeune femme, qui éprouvait une grande vénération pour le moine décédé, a laissé une lettre dans laquelle elle expliquait vouloir suivre par ce suicide le chemin tracé par le Vénérable Moon-su.

Le P. Hugo Park Jung-woo, secrétaire du Comité ‘Justice et Paix’ de la Conférence des évêques catholiques de Corée du Sud (CBCK), a pour sa part exprimé sa « grande tristesse », ajoutant que la jeune femme était « une victime de plus du mépris du gouvernement pour la nature comme pour les êtres humains. »

La mort de l’ancienne novice n’a pas été développée par les médias, comme ce fut le cas lors de l’immolation du Vénérable Moon-su en 2010, passée presque inaperçue en pleine actualité centrée sur le conflit nord-coréen.

Pourtant, le P. Paul Suh Sang-geen, coordinateur de l’ONG « Solidarité catholique pour l’opposition aux projets des Quatre fleuves », avait commenté la mort du moine bouddhiste par une déclaration pour le moins prémonitoire : « C’est une tragédie que l’on en arrive au point où un religieux doive donner sa vie pour empêcher la réalisation de ce projet. Je crains que l’on connaisse d’autres tentatives semblables. »