Eglises d'Asie – Inde
Les Eglises chrétiennes lancent un appel à la grève de la faim pour faire reconnaître les droits des dalits chrétiens et musulmans
Publié le 20/07/2011
Organisée par la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), le Conseil national des Eglises chrétiennes (NCCI) – un rassemblement d’Eglises orthodoxes et protestantes –, la Commission nationale pour les dalits chrétiens (NCCDC), le Conseil national des dalits chrétiens (NCDC), ainsi que par différents organismes et associations, la grève de la faim de trois jours se clôturera par une marche vers le Parlement le 28 juillet, afin de réclamer l’amendement de la Constitution qui permettrait d’étendre le statut de « Scheduled Castes » (2) aux dalits chrétiens et musulmans.
La manifestation de masse, une grande première dans cette lutte de plus de 60 ans pour la reconnaissance des droits des dalits, est destinée à frapper les esprits ; évêques, prêtres, religieux, laïcs, membres d’associations et d’institutions diverses se préparent à se rassembler par milliers dans les rues de New Delhi pour jeûner en public et marcher ensemble vers Lok Sabah, le Parlement fédéral. Après des années de manifestations, de déclarations, de campagnes de sensibilisation et de requêtes auprès des autorités, toutes restées lettres mortes, l’Eglise catholique en Inde, dont trois membres sur quatre sont dalits, se dit aujourd’hui lassée de l’immobilisme du gouvernement fédéral, quel que soit le parti au pouvoir.
Vincent Manoharan, dalit et président de la Fédération nationale du mouvement pour les droits des dalits (NDDLR), rappelle que le Parti du Congrès, actuellement au pouvoir, « n’a absolument rien fait », alors que la Commission nationale pour les minorités religieuses et linguistiques, à la demande de la Cour suprême, avait présenté au Parlement en 2010 un rapport en faveur de l’intégration des dalits chrétiens et musulmans au sein des Scheduled Castes (3). « Manmohan Singh dirige officiellement le pays, mais tout le monde sait qu’il ne peut prendre aucune décision seul. Je pense qu’il ne pourra prendre une décision favorable envers les dalits chrétiens et musulmans que s’il peut s’affranchir des influences extérieures », regrette-t-il.
Bien que la Constitution indienne promulguée en 1950 ait interdit toute discrimination fondée sur la caste, le sexe, le lieu de naissance ou la religion, et aboli l’intouchabilité (le système des castes n’a pas été officiellement supprimé mais seulement considéré comme ‘non-existant’), les dalits se heurtent toujours à une tradition tenace et à l’opposition farouche des tenants de l’hindutva (4). Quant aux dalits non hindous, ils ont été exclus de la politique de discrimination positive des Scheduled Castes (SC) par l’article 3 de la Constitution, au motif que le système des castes n’existait pas dans leurs religions respectives.
Soulignant le caractère anticonstitutionnel et contradictoire d’une loi autorisant l’exclusion d’une catégorie des dalits en fonction de leur religion, tout en interdisant toute discrimination religieuse, les défenseurs de la cause des ex-intouchables n’ont de cesse d’obtenir la réintégration des dalits chrétiens et musulmans dans le système des Scheduled Castes. Depuis la reconnaissance du statut de SC aux bouddhistes en 1956 puis, plus récemment, aux sikhs en 1990, aucune raison objective ne s’oppose à l’intégration de l’ensemble des dalits, affirment-ils encore, et ce d’autant plus que ni le bouddhisme ni le sikhisme ne reconnaissent le système des castes.
La grande grève de la faim des chrétiens à New Delhi coïncidera avec l’ouverture de la session d’été du Parlement qui doit approuver de nombreuses mesures dont l’une, très attendue, contre la corruption. Comme le souligne The Examiner India, dans son édition du 16 juillet dernier, « si tous les archevêques, les évêques et un grand nombre de prêtres et de religieux, accompagnés de milliers de laïcs, participent à la grève de la faim et à la marche sur le Parlement, alors que débute la ‘session de la mousson’, le gouvernement fédéral sera bien obligé de faire le petit pas nécessaire pour que les chrétiens dalits dont les droits sont bafoués depuis 1950 obtiennent enfin justice ».
Pour Vincent Manoharan, même si cette dernière tentative échoue, les dalits resteront très déterminés : « Lorsque, dans une démocratie, une demande légitime émanant d’une personne ou d’une communauté entière reste trop longtemps sans réponse de la part de ceux qui représentent cette même démocratie, alors cette personne ou cette communauté sera forcée d’utiliser d’autres moyens pour combattre ces situations antidémocratiques et obtenir ce qu’elle demande (…). Les dalits chrétiens et musulmans sont aujourd’hui dans ce cas » (5).