Eglises d'Asie

Les mouvements de jeunesse en Papouasie demandent aux autorités indonésiennes de faire cesser les violences dans leur province

Publié le 21/07/2011




Le 20 juillet à Djakarta, au siège de la Commission pour les disparus et les victimes de violence, les dirigeants du Forum indépendant des étudiants papous ont appelé le gouvernement à stopper l’escalade de la violence dans leur province, l’attitude des forces de sécurité dans la région ne faisant qu’aggraver les violations des droits de l’homme qui y sont commises. « Le gouvernement doit sans délai changer son approche, abandonner l’option militaire et choisir la voix du dialogue », a déclaré devant les journalistes Elias Petege, président du Forum.

Elias Petege a notamment fait état d’une opération de l’armée dans le district de Puncak Jaya, en Papouasie, où, depuis le 4 juillet, 600 hommes d’un bataillon des forces armées indonésiennes, connu pour ses violations des droits de l’homme, traquent les rebelles indépendantistes. Le 12 juillet, un accrochage a eu lieu et les militaires ont rapporté que cinq des leurs avaient été tués. De son côté, la Commission nationale pour les droits de l’homme rapporte qu’une femme et trois enfants papous ont été blessés ou tués par balles tandis que des opérations de ratissage étaient menées par l’armée dans les villages dans le sous-district de Tingginambut.

Selon Elias Petege, qui fait également partie de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Jayapura, ces récents incidents démontrent l’inefficacité de l’approche militaire choisie par les autorités, laquelle ne contribue qu’à permettre de nouvelles atteintes aux droits de l’homme. « Les droits fondamentaux sont d’autant moins respectés en Papouasie que la présence militaire y est importante », a déclaré le leader étudiant, ajoutant que son mouvement allait saisir la Commission nationale pour les droits de l’homme afin de faire traduire en justice les auteurs de ces exactions.

La prise de position du Forum indépendant des étudiants papous intervient à la veille d’une visite de trois jours que la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, effectue en Indonésie du 21 au 24 juillet. Sa visite prend place un an après celle du secrétaire à la Défense Robert Gates au cours de laquelle les Etats-Unis avaient annoncé la reprise de leur coopération militaire avec l’armée indonésienne, notamment les forces spéciales Kopassus, de sinistre réputation au vu de leur passé en matière de violation des droits fondamentaux. Selon Human Rights Watch, la visite d’Hillary Clinton devrait être l’occasion pour les Etats-Unis de faire pression sur Djakarta pour que cessent les atteintes à la liberté religieuse dans le pays (430 lieux de culte chrétiens attaqués depuis 2004, date de l’arrivée au pouvoir du président Susilo Bambang Yudhoyono, et des attaques meurtrières contre les Ahmadis) et pour que soit mis fin à l’impunité dont jouissent les auteurs de violation des droits de l’homme, notamment les militaires. L’organisation américaine de défense des droits de l’homme cite à cet égard les peines minimales prononcées contre trois soldats qui avaient torturé deux villageois papous en mai 2010 ; en dépit des évidences – la scène avait été filmée –, les trois soldats n’avaient pas été condamnés pour actes de torture mais seulement pour désobéissance à leurs supérieurs (1).

Selon Andreas Harsono, collaborateur de Human Rights Watch, « les violations des droits de l’homme commises par les forces armées à l’encontre des villageois papous restent le plus souvent non documentées », mais il note que ce conflit, ancien et meurtrier, largement absent des écrans sur la scène internationale, revient sur le devant de la scène « grâce à de jeunes militants et étudiants, rompus aux technologies modernes de communication et capables de mettre sur Internet les preuves des abus commis sur le terrain ».

Dans la jungle et les montagnes de Papouasie, la rébellion armée demeure toujours aussi peu armée mais ses chefs semblent plus unis qu’auparavant et en lien avec les politiques exilés à l’étranger. Toutefois, met en garde Andreas Harsono, sur le terrain, les combats ne peuvent qu’aller en s’intensifiant si rien ne change politiquement.

Les étudiants papous demandent à Djakarta et aux leaders indépendantistes d’ouvrir des pourparlers, mais, souligne encore Andreas Harsono, un obstacle de taille se dresse : si la rébellion papoue souhaite une médiation internationale pour entamer des négociations, le gouvernement indonésien ne veut absolument pas en entendre parler. En Australie, des Eglises protestantes ont proposé d’agir en médiateur, en vain.

Située à l’extrémité orientale de l’Indonésie, la Papouasie occidentale (1) se démarque des autres provinces indonésiennes par ses composantes ethniques et religieuses. Peuplée essentiellement de populations aborigènes, malgré l’afflux récent de « colons » venus des autres îles d’Indonésie, elle est également majoritairement chrétienne (surtout protestante) au sein du premier pays musulman au monde (240 millions d’habitants dont 86 % appartiennent à l’islam). Dans le combat que les Papous mènent pour faire reconnaître leurs droits, les Eglises chrétiennes, si elles s’aventurent rarement sur un terrain directement politique, sont très présentes auprès de la population et des leaders papous pour la défense des droits fondamentaux. En septembre 2010, face à la recrudescence d’attaques visant des chrétiens, des pasteurs protestants s’étaient rendus en délégation à Djakarta pour menacer de se ranger du côté des indépendantistes au cas où le respect des libertés n’était plus assuré en Papouasie (2). Plus récemment, le Rév. Benny Giay, de la Christian Tabernacle Church (KIN GMI Church), a dû démentir des informations parues dans la presse australienne selon lesquelles son Eglise utilisait des fonds gouvernementaux indonésiens pour financer les indépendantistes. Il s’est avéré que la source de ces informations était un commandant local de l’armée indonésienne qui cherchait à fabriquer un prétexte pour réprimer la dénomination évangélique en question et son leader, jugés par les militaires trop influents parmi les Papous. Le Rév. Benny Giay est également à la tête du Synode des Eglises chrétiennes de Papouasie.