Eglises d'Asie – Indonésie
Papouasie : lancement d’un programme d’éducation sexuelle à l’intention des adolescents avec l’approbation de l’Eglise
Publié le 30/07/2011
… en collaboration avec Butterfly Works, une ONG internationale. Plus connu sous son abréviation DAKU !, le programme a été initié à Djakarta en 2005 et s’adresse aux jeunes des collèges et lycées ou à ceux de la même tranche d’âge sachant lire et écrire. Il se compose de différentes « leçons » mettant des jeunes en situation, et propose des « devoirs » et des jeux interactifs, à réaliser avec les enseignants ou les éducateurs.
« Ce programme permet d’aborder la sexualité des jeunes selon trois approches : l’adolescence et ses changements, les comportements sexuels, et les droits de l’homme », explique Sri Kusyunianti, représentante du WPF pour l’Indonésie. « Les adolescents sont l’avenir de notre nation (…) et former de nouvelles générations en bonne santé est notre objectif principal », ajoute-t-elle.
DAKU ! est l’adaptation indonésienne du kit “The World Starts With Me” (WSWM ) (3), mis en place en Ouganda en 2003 par le WPF. La version destinée à l’Indonésie a été réalisée en lien avec le Ministère de l’Education et de la Santé, l’association nationale de planification familiale et le comité de lutte contre le SIDA du pays. Depuis son lancement à titre pilote en 2005 dans une quinzaine d’écoles de Djakarta, le programme DAKU ! a été étendu progressivement à d’autres provinces, avec le soutien actif du ministère de l’éducation.
Pour la Papouasie, le programme lancé le 23 juillet dernier présente la caractéristique d’avoir été élaboré en collaboration avec des ONG locales, des responsables du gouvernement indonésien et – fait qui mérite d’être souligné – de l’archidiocèse catholique de Merauke. Avant d’être officiellement présenté, DAKU ! a été testé pendant six mois dans des collèges et lycées d’Etat mais aussi au sein d’établissements catholiques et protestants de Papouasie. Bien que le gouvernement indonésien n’ait pas envisagé de rendre obligatoire dans les écoles ce type de programme, en raison de son caractère potentiellement polémique, les responsables musulmans ont dès les débuts de l’expérimentation du projet, fait part de leur désapprobation, s’alignant sur l’opposition généralement manifestée par les leaders religieux – chrétiens comme musulmans – à l’encontre des politiques de « santé reproductive » (4). Amidhan, président du Conseil des oulémas d’Indonésie (MUI), a ainsi déclaré dans le Jakarta Globe du 24 mai 2010, qu’« il était permis d’enseigner aux jeunes les risques liés aux relations sexuelles hors mariage, mais pas de leur donner des idées sur la façon d’en avoir », ajoutant que « la meilleure leçon à leur offrir était l’enseignement de la foi ».
A l’opposé, le P. Apolinaris Miller Senduk, vicaire général de l’archidiocèse catholique de Merauke, s’est félicité de la mise en place du projet DAKU !, le décrivant comme novateur, utile et bien adapté au contexte de la province de Papouasie d’aujourd’hui . « Grâce à ce programme, les jeunes pourront mieux comprendre comment fonctionnent leur corps et leur sexualité », a commenté le missionnaire du Sacré Coeur, dont la congrégation est très présente dans l’archidiocèse de Merauke.
Ce dernier, qui s’étend sur plus de 90 000 km2, couvre l’ensemble des districts de Merauke, de Mappi et de Boven Digoel. Essentiellement composé de territoires aborigènes isolés et pauvres, reliés entre eux par un réseau routier utilisable de façon intermittente, l’archidiocèse, à l’image du district, ne dispose que de très peu d’outils de communications, d’une faible infrastructure sanitaire et scolaire et d’un matériel informatique réduit au minimum.
Les difficultés d’accès à internet ou à un simple ordinateur pour les jeunes de Papouasie ont conduit le WPF à concevoir DAKU ! comme un outil simple d’utilisation, gratuit, et disponible également sous forme de brochure imprimée. L’ONG a commencé également à former les enseignants qui ont accepté de participer au programme et des « personnes-relais » pour les centres de soins, très peu nombreux en Papouasie, afin d’offrir aux jeunes « un lieu d’accueil, de dépistage des maladies, ou encore de protection contre les violences ».
Avec la diffusion de DAKU !, le WPF s’est donné pour objectif, entre autres, de prévenir les grossesses précoces, les avortements et les maladies sexuellement transmissibles qui sont en forte augmentation parmi les adolescents dans le district de Merauke. Selon Sri Kusyunianti, « la plupart des jeunes papous connaissent leurs premières relations sexuelles avant l’âge de 15 ans ».
Mais la préoccupation principale de l’ONG comme du gouvernement indonésien, reste la progression galopante du virus du sida en Papouasie où le taux d’infection de la population atteint aujourd’hui près de 2,5 %, faisant de cette région l’une des plus touchées du monde, après les pays d’Afrique. Selon une enquête du WPF de 2010, la tranche d’âge des 15-34 ans serait la plus concernée par le fléau, essentiellement au sein des communautés papous « dont bon nombre sont infectées mais ne le savent pas », se désole Amos Alua, de l’ONG Yukemdi, précisant que l’ignorance des modalités de transmission du virus est la cause principale de la progression de l’épidémie.
Le gouvernement, actuellement en lutte contre l’indépendantisme papou, semble d’autant plus enclin à montrer son investissement en Nouvelle-Guinée occidentale, qu’une rumeur persistante au sein des communautés indigènes prétend que la montée du sida résulte d’une volonté d’extermination de la part des autorités indonésiennes. Dernièrement, Nafsiah Mboi, président de la commission nationale de lutte contre le sida, a tenu à réaffirmer : « Tous les individus Papous sont précieux pour la Nation et c’est pour cela que nous les aidons » (5)