Eglises d'Asie

Attentat suicide dirigé contre une communauté protestante dans la province de Java-Centre

Publié le 26/09/2011




Les condamnations ont été unanimes en Indonésie après l’attentat suicide qui a fait deux morts dimanche 25 septembre dans la ville de Solo, à Java-Centre, où une bombe a explosé vers 11 heures du matin à la sortie du service dominical d’une communauté protestante. L’attentat n’a pas été revendiqué.

 Dans la province de Java-Centre, la ville de Surakarta, aussi connue sous le nom de Solo (ou Sala), n’est pas réputée pour l’intensité de ses tensions intercommunautaires. Les différentes communautés religieuses y vivent plutôt en bonne intelligence, rapportent des sources missionnaires. L’attentat de dimanche y a d’autant plus choqué. Selon les informations disponibles, le porteur de la bombe, qui figure parmi les deux victimes recensées (la deuxième étant un chrétien décédé des suites de ses blessures), s’était glissé parmi les fidèles à la toute fin du service religieux.

Au moment de l’attentat, l’archevêque catholique de Semarang, Mgr Johannes Pujasumarta, était précisément à Solo, dans un autre quartier de la ville où il se trouvait pour des motifs pastoraux. Dès la nouvelle connue, il s’est rendu sur les lieux et, à 12h25, il envoyait le message suivant à ses prêtres et aux catholiques de son diocèse : « Le dimanche 25 septembre 2011, en fin de matinée s’est produit une explosion à l’Eglise Bethel du Plein Evangile (GBIS : Gereja Betel Injil Sepenuh), dans le quartier de Kepunton à Surakarta (1). On parle d’une dizaine de blessés suite à cette explosion. Le lieu de l’explosion a été immédiatement sécurisé par la police. Et la population s’est très rapidement rassemblée en cet endroit. Certaines personnes ont pris des photos d’une victime dont on dit que c’est elle qui a commis l’attentat-suicide. Il est nécessaire cependant de vérifier cette information. La nouvelle d’un attentat à Solo, il est sûr, porte un coup sérieux à la tranquillité et à la paix qui jusqu’ici régnait au cœur de la population solonaise. Nous condamnons cette violence qui terrorise des croyants en train de prier. J’affirme que la violence ne peut être la solution à un problème. Nous espérons que les forces de sécurité vont rapidement et efficacement garantir la sécurité et protéger la population de toute menace terroriste. Puisse le calme revenir très vite dans la ville de Solo. »

L’archevêque s’est ensuite rendu à Djakarta où il avait rendez-vous au siège de la Conférence épiscopale où les évêques devaient discuter des derniers préparatifs avant leur départ pour Rome et la visite ad limina qu’ils vont y effectuer. Avant de s’envoler pour l’Italie, les évêques ont pris le temps de se réunir avec les responsables de la Communion des Eglises d’Indonésie (qui rassemble un grand nombre d’Eglises protestantes) et ceux de la branche jeunesse de la Nahdlatul Ulama (NU), la principale organisation musulmane de masse du pays. Les responsables religieux ont demandé aux forces de l’ordre de faire la lumière sans tarder et avec professionnalisme sur l’attentat ; ils ont aussi appelé leurs fidèles à ne pas répondre aux provocations par la violence, tout en réaffirmant leur attachement aux principes du Pancasila, la philosophie de l’Etat indonésien (2). Nurson Wahid, président de GP Ansor, la branche jeunesse de la NU, a qualifié l’attentat « d’acte sauvage et immoral ».

Au lendemain de l’attentat, les autorités ont fait savoir qu’elles suspectaient que l’auteur de l’attentat suicide de Solo, qui a donc péri avec l’explosion de la bombe qu’il portait sur lui, soit aussi la personne qui, en avril dernier, avait déposé une bombe dans la salle de prière (musulmane) d’une caserne de police à Cirebon, dans la province de Java-Ouest. L’attentat avait fait un mort et une trentaine de blessés. Répondant au nom d’Achmed Yosepa Hayat, l’homme était activement recherché par la police. En mai dernier, deux personnes soupçonnées d’être liées à l’attentat de Cirebon avaient été abattues par les forces de l’ordre à Solo.

La ville de Surakarta est aussi connue pour être la ville d’où est originaire Abu Bakar Bashir, aujourd’hui derrière les barreaux, leader de la Jemaah Islamiyah, ce réseau terroriste transnational, actif dans plusieurs pays du Sud-Est asiatique, et notamment incriminé dans les attentats de la veillée de Noël 2000 contre des églises chrétiennes, qui firent dix-huit morts.

En Indonésie, ce nouvel attentat soulève de nombreuses questions. Si le président Susilo Bambang Yudhoyono a condamné l’action dans les termes les plus fermes, la parole présidentielle semble en partie discréditée tant l’opinion publique paraît lassée des annonces non suivies d’effets. Plus concrètement, les commentaires postés sur les sites de la presse en ligne établissent un lien entre l’attentat de Solo et les récents clashs qui ont endeuillé les Moluques (3) ainsi que le regain de tension constaté ces dernières semaines à Poso, dans la province de Sulawesi-Centre (aux Célèbes). A l’approche du neuvième anniversaire des attentats du 12 octobre 2002 de Bali – qui firent 202 morts –, des internautes demandent qui peut avoir intérêt à raviver aujourd’hui les tensions intercommunautaires.

Dans l’immédiat, la police a reçu l’ordre d’assurer la sécurité de tous les lieux de culte chrétiens du pays. « Nous fouillerons tous ceux qui entrent dans les églises. Nous ne voulons pas voir un tel attentat se reproduire ailleurs. Cela s’applique à toutes les églises pour toute l’Indonésie », a déclaré le porte-parole de la police nationale, Anton Bachrul Alam, dès le soir du 25 septembre.