Eglises d'Asie

Un responsable musulman assassiné par balles : condamnation unanime des minorités religieuses du Népal

Publié le 28/09/2011




A  Katmandou, un éminent représentant de la communauté musulmane a été tué par balles, lundi 26 septembre, déclanchant de violentes manifestations de colère dans la capitale et la condamnation unanime des minorités religieuses du pays qui déclarent qu’elles « ne cèderont pas à la peur » alors que la laïcité de l’Etat est en train d’être débattue au Parlement…

… Faizan Ahamad Ansari, secrétaire général de l’Islamic Sangh Nepal (1), a été abattu hier en début d’après-midi par deux personnes non identifiées, dans l’une des rues les plus sécurisées du centre de la capitale népalaise, à quelques mètres seulement d’un commissariat de police. Il sortait de la mosquée de Ghantaghar, où il avait assisté à la prière et retournait à son bureau tout proche. Touché à la tête, au cou et à la poitrine, il est décédé peu après son arrivée au Bir Hospital. Agé d’une quarantaine d’années, il était père de trois enfants.

Selon les premiers rapports de police rendus publics ce 27 septembre, il aurait reçu au moins 14 balles. L’un des témoins, Rajan Shrestha, raconte que l’un des meurtriers a tourné son pistolet vers lui lorsqu’il a voulu porter secours à Ahamad qui venait d’être touché par un premier tir et que les tueurs se sont acharnés sur son corps, tirant une vingtaine de coups, avant de s’enfuir.

Bien que le quartier soit considéré comme l’un des plus protégés de la capitale, les deux assaillants ne semblent pas avoir eu de difficulté à se fondre dans la foule, dissimulés sous des imperméables, vêtements habituels en pleine mousson. Dans tout le pays ont néanmoins été diffusés aujourd’hui des portraits robots des deux suspects, établis d’après témoignages. Selon la police, en raison de la similitude du mode opératoire, les responsables du meurtre pourraient être les mêmes que ceux qui ont assassiné l’homme de média Jamim Shah (2).

Cependant, bien qu’à l’heure actuelle, le meurtre n’ait pas été revendiqué, les minorités religieuses du Népal soupçonnent fortement les groupes hindouistes qui, ces derniers mois, ont multiplié les attentats contre les chrétiens et les musulmans, accentuant encore davantage leurs menaces depuis que l’inscription de la laïcité de l’Etat dans la future Constitution du Népal est en discussion au Parlement (3).

Condamnant unanimement le meurtre de Faizan Ahamad Ansari, les représentants des organisations interreligieuses et les responsables catholiques, protestants, hindous, bouddhistes et baha’is n’ont pas manqué de souligner le parallélisme entre la recrudescence des attaques et le débat sur la laïcité.

« C’est avec la plus grande fermeté que nous condamnons cet acte, a déclaré Mgr Narayan Sharma, évêque protestant. Nous sommes d’autant plus profondément touchés par ce drame qu’il ne semble pas être un cas isolé, mais nous ne nous laisserons effrayer par aucune de ces tentatives pour semer la terreur alors qu’est en train de s’établir un Etat laïque. »

Pour les nombreuses organisations musulmanes du pays, il ne fait aucun doute que les hindouistes sont derrière le meurtre de Faizan Ahamad. Le président de l’Islamic Sangh Nepal, Nazrul Hussain Falahi, également membre de la plus importante fédération interreligieuse du Népal, l’IRSPM (4), après avoir condamné vivement le meurtre de son secrétaire général, a interpellé les autorités sur « les meurtres en série ciblés » des musulmans au Népal ces derniers mois. « Dans plusieurs régions du Népal, a-t- il ajouté, des musulmans ont été assassinés en plein jour, et d’autres ont été pris pour cibles à Katmandou par des tireurs professionnels (…). La plupart de ces actes ont pour but principal de créer la panique et de détruire la solidarité qui existe entre les différents groupes religieux. » Le leader musulman a rappelé que les hindouistes, comme la Nepal Defence Army (5), étaient responsables de nombreuses attaques ces derniers mois de musulmans et de chrétiens.

L’Eglise catholique au Népal a fait une déclaration le jour même, assurant la famille de sa compassion et l’ensemble de la communauté musulmane de sa prière. « Nous offrons toute notre sympathie à la minorité religieuse musulmane. Il est très triste que puisse se produire ici une chose pareille ; qu’un simple musulman se fasse abattre devant un poste de police, après être revenu de la prière. Les personnes appartenant à des minorités religieuses, dont les chrétiens, deviennent des cibles faciles si la police n’est pas capable de les protéger », a déploré pour sa part le P. Pius Perumana, pro-vicaire apostolique du Népal.

La police népalaise, qui reçoit depuis l’incident les plus vives critiques, a expliqué publiquement qu’il ne lui avait pas été possible d’intervenir parce que la fusillade s’était produite dans un angle mort des caméras de surveillance. Le responsable du commissariat à quelques pas duquel le leader musulman a été assassiné a été immédiatement muté par ordre du ministère de l’Intérieur au quartier général de la police de Katmandou, une sanction qui a été perçue par beaucoup comme une tentative maladroite du gouvernement pour dissimuler sa confusion.

Aujourd’hui 27 septembre, la communauté musulmane a manifesté sa colère par un sit-in devant la mosquée ainsi qu’à Sunsari, lieu de naissance d’Ahamad, réclamant du gouvernement qu’il fasse justice et sanctionne rapidement les auteurs du meurtre.

Selon les estimations officielles, la communauté musulmane du pays représente environ 4,2 % des quelque 29 millions d’habitants du Népal (6).