Eglises d'Asie

Au Chhattisgarh, l’Eglise catholique encourage le recours à l’agriculture biologique

Publié le 04/10/2011




Dans le foisonnement d’initiatives qui, en Inde, s’attachent à dessiner ce que sera l’‘après-révolution verte’, l’Eglise catholique au Chhattisgarh promeut le recours à l’agriculture biologique en s’inspirant des méthodes culturales mises au point et théorisées au début des années 1980 par un jésuite français installé à Madagascar, le P. Henri de Laulanié.

Dans l’archidiocèse de Raipur, au Chhattisgarh, Etat du centre-est de l’Inde, l’action sociale de l’Eglise auprès des populations aborigènes (tribals) est notamment mise en œuvre par Seva Sadan, le « centre de services », dont les responsables constatent depuis de nombreuses années les limites, dans le développement du monde agricole, du modèle proposé par la ‘révolution verte’, cet ensemble d’innovations introduites après la seconde guerre mondiale en Inde pour permettre au pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Les responsables de Seva Sadan expliquent que la ‘révolution verte’ fonctionnait tant que l’eau était abondante et le pétrole abordable, ce qui permettait notamment l’emploi d’engrais chimiques. Or, depuis quelques années, l’irrégularité des moussons et différents épisodes de sécheresse accréditent l’idée que l’eau ne sera désormais de moins en moins abondante. Dans la moitié nord du pays, les statistiques indiquent que les précipitations diminuent de 4 cm chaque année depuis six ans. De plus, l’agriculture intensive induite par la ‘révolution verte’ ont introduit les agriculteurs dans un circuit économique créateur de dettes. Parce que les paysans doivent s’endetter pour acheter semences et engrais, le piège du surendettement se referme sur bon nombre d’entre eux, acculant certains au suicide. Les études indiquent que 70 % de leurs dettes sont liées au coût des intrants (engrais, pesticides). Les limites tant environnementales qu’économiques et humaines de la ‘révolution verte’ semblent donc atteintes.

Pour proposer un autre modèle de développement, qui soit à la fois économiquement viable et écologiquement durable, les responsables de l’Eglise dans l’archidiocèse de Raipur sont allés du côté de Madagascar, où, au début des années 1980, un jésuite français, le P. Henri de Laulanié, a testé et théorisé de nouvelles méthodes culturales, pour la riziculture notamment. Connues sous le nom de System of Rice Intensification (SRI), ces méthodes nécessitent moins d’eau que la riziculture classique, utilisent des semences sélectionnées localement et font appel à des engrais naturels, pour au final aboutir à des rendements souvent supérieurs aux méthodes faisant appel aux engrais et aux pesticides chimiques.

Sr Freeda Lakra coordonne l’action des formateurs qui enseignent le SRI. Dans un entretien avec l’agence Ucanews (1), elle ne cache pas que, le plus souvent, les agriculteurs se montrent sceptiques et réticents à adopter ce nouveau système. Kamal Dhurvey était l’un de ceux-là, mais il a accepté de franchir le pas voyant ce que lui coûtaient les engrais chimiques et les dangers auxquels il s’exposait en les manipulant. « Mon père n’a pas manqué de me critiquer. Mais il a vu ensuite de lui-même que mes rendements s’étaient améliorés et, aujourd’hui, il m’encourage à cultiver plus de champs ainsi. Je ne cache pas que moi aussi, au départ, j’étais sceptique », témoigne-t-il, tandis qu’un des formateurs, Om Prakash Choudhury, raconte que pour emporter l’adhésion, le prêtre qui dirige Seva Sadan, le P. Joseph Raj, a dû montrer l’exemple. Le prêtre a montré qu’avec un grain de riz planté, on pouvait obtenir de 10 à 20 pousses, chacune d’entre elles donnant de 100 à 200 grains. Avec 600 semences de riz, le P. Raj a récolté des milliers de grains. « Si le prêtre, qui n’a aucune expérience en agriculture, peut obtenir de tels résultats, les agriculteurs qui connaissent leurs terres peuvent faire aussi bien, sinon mieux », témoigne Om Prakash Choudhury.

Pour les responsables de Seva Sadan, l’introduction de variétés hybrides et le recours intensif aux pesticides et aux herbicides ont amené les paysans indiens à abandonner les méthodes anciennes, adaptées aux conditions locales et qui étaient pourtant peu coûteuses, sans danger pour la santé humaine et respectueuses de l’environnement. Avec le SRI, c’est l’ensemble de l’économie du secteur qui est transformé, argumentent ces responsables. « Par exemple, au lieu d’acheter des semences hybrides qui coûtent cher, les paysans sélectionnent des variétés locales, adaptées aux conditions du lieu. Pour éviter le recours aux engrais chimiques, nous leur avons appris comment fabriquer eux-mêmes leur compost, à l’aide de bouses de vache, de feuilles et des mauvaises herbes. Ces dernières ne sont plus éliminées par les herbicides mais arrachées et compostées. Au final, là où ils dépendaient de fournisseurs extérieurs, les paysans, avec le SRI, peuvent redevenir autonomes », argumente Om Prakash Choudhury.

Adapté à des pays où la main-d’œuvre est abondante, le SRI se développe depuis plus d’une dizaine d’années dans différents pays d’Asie, en Inde (voir http://www.sri-india.net/), en Chine, mais aussi au Bhoutan ou au Bangladesh.