Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Séisme du 11 mars 2011 : quel sens donner à l’événement ? Première partie

Publié le 07/10/2011




Six mois après le tremblement de terre et le tsunami qui ont ravagé le Tohoku, le 11 septembre dernier a été l’occasion pour le Japon de se recueillir en mémoire des plus de 20 000 victimes de la catastrophe. Le recueillement et les commémorations s’accompagnent de polémiques, notamment sur la place qui a été donnée au nucléaire dans le pays.

La question du sens à donner à un tel événement demeure. Eglises d’Asie publie ci-dessous deux textes qui ouvrent deux perspectives d’interprétation, l’une inspirée par le bouddhisme et l’autre par le christianisme. Ces deux textes ont été publiés dans le n° 2, volume 65, été 2011, du Japan Mission Journal, publication de l’Oriens Institute for Religious Research, sis à Tokyo. La traduction est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

 

Ière partie

Réactions bouddhistes
au tremblement de terre et au tsunami

par Miriam Levering

Miriam Levering est la présidente de la Société d’études bouddhistes et chrétiennes. Professeur émérite d’études religieuses à l’Université du Tennessee, aux Etats-Unis, elle est aussi conseiller international à Tokyo de la Risshô Kôsei-kai, une importante organisation bouddhique japonaise (1). Elle a édité les ouvrages « Repenser l’Ecriture » et « Zen : images, textes, enseignements. »

 

Réagissant à un tremblement de terre catastrophique qui frappa le Japon en son temps, Ryôkan (1758-1831), moine zen et poète, écrivit ce poème envoûtant d’un caractère confucéen inhabituel :

Jour après jour après jour,
A midi et à minuit, le froid était perçant.
Le ciel s’épaississait de nuages noirs qui bloquèrent le soleil.
Des vents violents hurlaient, la neige tourbillonnait avec violence.
Des vagues furieuses ont pris d’assaut le ciel, souffletant le monstre-poisson.
Secoués, les murs tremblaient, les gens hurlaient de terreur.
Revenant sur les quarante dernières années, je vois maintenant que tout était hors de contrôle :
Les peuples avaient grandi en lâcheté et indifférence,
Formant des clans et se battant entre eux.
Ils ont oublié obligations et devoir,
Ignoré les notions de loyauté et de justice,
Pour ne penser qu’à eux-mêmes.
Remplis d’amour-propre, ils se sont abusés les uns les autres.
Créant un désordre immonde et sans fin.
Le monde était en proie à la folie.
Personne n’a partagé mes inquiétudes.
Tout a empiré jusqu’à ce que frappe la catastrophe finale
Fort peu ont réalisé que le monde était maudit
Et que le désordre le plus effroyable régnait
Si vous voulez vraiment comprendre cette tragédie, regardez au plus profond de vous-même
Plutôt que de pleurer, impuissant, votre cruel destin.

(John Stevens, Dewdrops on a Lotus Leaf: Zen Poems of Ryokan, Shambala, 1996, p. 63)

En Chine, dès l’ère pré-Han, les confucéens d’Asie orientale ont fait un lien entre la moralité du souverain ou de l’élite au pouvoir et l’apparition de ce que nous appelons les « catastrophes naturelles ». Le Ciel ordonne toutes choses. Lorsque l’immoralité régit la sphère humaine, le ciel répond par des signes, comme des veaux à deux têtes ou des catastrophes naturelles telles les séismes et les inondations. Ryôkan, en tant que bouddhiste dans une époque dominée par le confucianisme, prolonge cette correspondance au-delà de l’élite dirigeante ; si les populations en général sont apathiques et indifférentes, oubliant obligations et devoirs, loyauté et justice, alors le monde est en déséquilibre et sera frappé de catastrophes. Le gouverneur de Tokyo a fait remarquer qu’en envoyant le séisme et le tsunami, les dieux avaient fait connaître leur réponse à un Japon contemporain qui ne pensait qu’à lui (Le gouverneur s’est excusé pour ses propos le lendemain).Ce commentaire, qui fit le tour du monde, résonnait comme un écho à la pensée de Ryôkan.

Une amie japonaise de Tokyo, bouddhiste éclairée, a fait siennes les impressions de Ryôkan, bien qu’elle ait en atténué la notion de justice immanente qu’elles sous-entendaient. « Nous ne savons pas pourquoi ces horribles souffrances ont été infligées aux gens du Nord-Est, mais il nous faut chercher la réponse dans notre propre cœur et nous repentir. »

Dans le bouddhisme, ce type d’explication est bien sûr toujours à mettre en relation avec la loi de causalité karmique enseignée par le Bouddha : chacun de nos actes (karma en sanscrit) porte des fruits (phala) dans le présent ou dans une réincarnation ultérieure. Les actes peuvent être positifs, négatifs ou neutres. Selon cette théorie, on supporte tôt ou tard les conséquences de ce que l’on fait. Ces actes peuvent être des actions concrètes, des paroles ou des pensées. Si l’on poursuit le raisonnement, les plus de 20 000 habitants du nord du Japon maintenant morts ou disparus, ont récolté ce qu’ils ont semé.

Mais tous les bouddhistes du Japon, comme mes propres amis bouddhistes, ne partagent pas cette vision des choses. Le Rév. Shaku Tesshu, supérieur du temple Nyoraiji, temple rattaché à l’école bouddhique Jôdo Shinshû (Véritable Ecole de la Terre Pure) de la ville d’Ikeda au Japon, a réagi ainsi :

On dit que le bouddhisme est une religion sans dieu. Nous ne pensons pas en effet que Dieu soit la cause de [cette catastrophe], nous croyons en la loi de cause à effet et nous cherchons quelle est la véritable cause, selon l’approche scientifique. Et la cause de ce tremblement de terre est la friction entre la plaque nord-américaine et celle du Pacifique.

Apparemment, si l’on s’en tient à ce point de vue, tout ce qui arrive n’a pas forcément le karma pour origine. Une nonne bouddhiste spécialisée dans l’histoire du bouddhisme m’a renvoyée à l’explication du karma par le moine birman Mahasi Sayadaw. Mahasi Sayadaw ne pense pas non plus que tout ce qui arrive à quelqu’un est causé par la qualité morale de ses actions passées. Il écrit :

D’après le bouddhisme, il y a cinq ordres (niyâma) [ou lois, NdT] qui agissent dans les domaines physiques et mentaux.
1. Utu Niyâma : l’ordre physique inorganique [« loi atmosphérique » régissant les phénomènes naturels NdT], comme le processus inexorable des saisons avec les changements qui y sont liés, les vents, les pluies ou la chaleur.
2. Bija Niyâma : l’ordre de la germination et des graines ou ordre physique organique [« loi biologique » touchant au fonctionnement du vivant, NdT]. Entrent dans cette catégorie, la croissance du riz à partir de ses semences, le goût sucré de la canne à sucre ou du miel, les caractéristiques des fruits etc. Tout ce qui procède de la croissance cellulaire ou de la détermination génétique (comme les jumeaux) est également classé dans cet ordre.
3. Kamma Niyâma (sanscrit Karma niyama) : l’ordre de l’action et du résultat [« loi karmique » NdT]. Les actes, désirés ou non, engendrent des résultats, bons ou mauvais. Comme l’eau retrouvant toujours son niveau d’origine, le karma agit en fonction des actes, produisant son résultat inévitable, non pas sous la forme de récompense ou de punition mais comme une conséquence naturelle. Le fait que l’acte produise une conséquence est aussi naturel et nécessaire que le cours du soleil et de la lune.
4. Dhamma Niyâma : l’ordre de la norme, [« loi physique » ou « des accidents soudains », NdT] par exemple, les phénomènes naturels qui se produisent à la naissance d’un bodhisattva à sa dernière réincarnation. La gravitation et d’autres lois similaires de la nature, la raison naturelle d’être bon et bien d’autres, peuvent être inclus dans ce groupe.
5. Citta Niyâma : l’ordre de la pensée [« loi psychologique », NdT], les phénomènes liés au psychisme, prise et perte de conscience, les composants de la conscience, la puissance de l’esprit, etc. y compris la télépathie, la télesthésie (télépathie volontaire et contrôlée, NdT), rétro-cognition, prémonition, clairvoyance clairaudience (faculté d’audition paranormale, NdT), lecture des pensées et tout autre phénomène psychique inexplicable par la science moderne.

Tout phénomène physique ou psychique pourrait être expliqué par l’ensemble de ces cinq ordres ou processus, qui sont des lois en elles-mêmes. Le Karma en tant que tel ne représente qu’un seul de ces cinq ordres.

Comme le Rév. Shaku le fait remarquer, le séisme et le tsunami qui a suivi sont les résultats du Utu niyama, le processus physique de causalité, et non du Karma niyama. Des plaques tectoniques de la croûte terrestre se sont affrontées. Bien que certains amis bouddhistes aient insisté sur le fait que les cinq niyama ne sont que des distinctions de forme qui en réalité ne font qu’un, le karma affectant tous les autres processus, et que d’autres aient mis l’accent sur le lien de cause à effet entre les catastrophes naturelles et les dérèglements des esprits, parmi mes amis bouddhistes du Japon, on estime très largement que le séisme et le tsunami étaient de simples phénomènes naturels. Peut-on vraiment dire que les gens qui vivent dans les zones touchées par les séismes et les tsunamis ont tous un plus mauvais karma et donc souffrent de fruits karmiques pires que ceux qui vivent dans des zones géologiquement plus calmes ?

Mes amis bouddhistes se sont davantage focalisés sur la compassion et la façon de dont nous pourrions nous ouvrir à la souffrance des autres et tenter d’y répondre. Comme l’a dit le Rév. Shaku :

Les Japonais sont plus portés sur les rapports humains qu’ils ne sont opposés à la foi, en compatissant à la douleur des autres. J’en ai été témoin lors du tremblement de terre de Hanshin-Awaji. [En 1995, le tremblement de terre de Hanshin, sur l’île d’Awaji a causé la mort d’environ 6 500 personnes]. Beaucoup de gens sont venus en zone touchée afin d’aider comme bénévoles. L’expression ‘Les enfants du tremblement de terre’ est même le terme qui est toujours utilisé pour désigner les personnes dont la vie a été bouleversée par la catastrophe. Ces dernières sont aujourd’hui très actives dans le service de la communauté ou sont devenues moines bouddhistes. Ainsi, les gens deviennent plus spirituels en s’ouvrant aux joies et aux peines des autres.

Les temples bouddhiques épargnés appartenant aux écoles bouddhiques japonaises traditionnelles ainsi que les Centres du Dharma des groupes bouddhistes des « nouvelles religions », tels Risshôo Kôsei-kai et Sôka Gakkai, ont ouvert leurs portes aux réfugiés sans abri du tsunami ou les évacués des zones de la catastrophe nucléaire. Les grandes confessions bouddhistes traditionnelles et les nouvelles religions bouddhistes ont fait des dons massifs de biens de première nécessité et envoyé des équipes de volontaires vers le Nord afin devenir en aide aux réfugiés et de participer au nettoyage. Ces efforts se poursuivent et continueront pendant un certain temps.

Depuis le 11 mars, pour les prêtres bouddhistes de la région du Nord du Japon, la nécessité la plus impérieuse fut les cérémonies et les prières pour les morts – ceux qui sont morts dans le séisme et le tsunami et ceux qui sont morts depuis dans les centres d’accueil. Au Japon, l’écrasante majorité des morts sont enterrés selon les rites bouddhiques, avec crémation et inhumation dans un caveau familial. Avec le grand nombre de corps emportés par le tsunami, de nombreux Japonais ont été contraints de renoncer aux rituels qu’ils considèrent comme nécessaires aux morts. Les prêtres bouddhistes japonais font ce qu’ils peuvent pour offrir des cérémonies collectives aux survivants qui ne peuvent avoir la consolation de voir le corps et de procéder à sa crémation. Un universitaire américain, John Nelson, a dit :

Dans les jours prochains, vous verrez des gens les mains jointes, priant pour les esprits de ceux qui sont morts. Venu du fond des âges, cet ensemble de croyances aux esprits et de rituels destinés à contrôler ces esprits, peut prendre 49 jours ou, selon les écoles bouddhistes, jusqu’à 7 ans.

Une triste illustration de la rigueur des conditions de vie dans le Nord-Est est que les corps ont été enterrés dans des fosses communes ou incinérés sans cérémonie bouddhique complète. Le journaliste Steven Jiang a rencontré un prêtre bouddhiste au temple de Senryuji, à l’extrême limite du périmètre de 20 km interdit d’accès appelé zone d’évacuation autour de l’Unité 1 de la centrale nucléaire de Fukushima. Il écrit :

Balayant un sol impeccablement tenu, Shinkoh Ishikawa, moine bouddhiste de 58 ans se tient dans son sanctuaire – avec jardin zen et bassin de carpes -, où il offre un refuge apprécié à une communauté ravagée par une succession de catastrophes.
Le gouvernement a recommandé à la population vivant dans un périmètre de 20 à 30 km autour de la zone de s’en aller ou de se calfeutrer dans leurs maisons.
« La religion n’est pas quelque chose de lointain, elle est là, tout près», affirme Ishikawa, expliquant sa décision de rester après avoir vu des centaines de victimes du tsunami incinérées au funérarium local sans les rites bouddhiques appropriés. « J’espère que les gens comprennent que la mort n’est pas la fin d’une vie, mais un cycle où les vies renaissent. »

Steven Jiang poursuit : « Allumant un cierge dans le hall principal du temple où huit urnes contenant des cendres reposent sur une table, Ishikawa psalmodie des prières pour les morts. »

Une des préoccupations principales concernant la mort est que le défunt reçoive un nom honorifique posthume ou kaimyô. Risshô Kôsei-Kai, une « nouvelle religion » bouddhiste, par exemple, a immédiatement donné à tous les morts connus ou inconnus du tremblement de terre du Nord-Est, comme on l’appelle maintenant, un nom posthume honorifique collectif afin que les mérites des prières et des sutras psalmodiés puissent leur parvenir dans le lieu qui se trouve entre la mort et la renaissance, ou autrement dit lors de leur transformation de l’être vivant à l’ancêtre. Le ‘transfert de mérites’ qui a lieu à la fin de tous les services funèbres de Risshô Kôsei-Kai dans l’ensemble du pays s’adresse généralement aux divers bouddhas et bodhisattvas, dieux, esprits, fondateurs de lignée, maîtres spirituels de Risshô Kôsei-Kai, leurs propres ancêtres ainsi que ceux des autres membres. Depuis le 11 mars, le transfert d’une part des mérites se fait désormais à l’intention de l’ensemble des morts du tremblement de terre. Pour bénéficier à nouveau des mérites qui leur étaient adressés, les destinataires habituels devront attendre que les morts du séisme et du tsunami aient atteint en tant qu’hotoke l’état de béatitude et de paix des ancêtres devenus boudhhas.

Un aspect de la réaction bouddhiste japonaise au tremblement de terre est la compréhension du rappel de l’impermanence de toute chose. La vie « normale » que nous tenons pour acquise est fragile, et donc pas vraiment « normale », comme l’un de mes amis bouddhistes de Tokyo le soulignait. Cela est apparu particulièrement clairement à Tokyo, où les trains ont cessé de rouler, le pain, le papier hygiénique et le lait ont disparu des rayons des magasins et les téléphones portables ont cessé de fonctionner. Moi aussi, avec le séisme, j’ai pris conscience de façon très vive que chaque personne et chaque chose étaient infiniment précieuses. Les bouddhistes du monde entier enseignent que prise dans l’instant présent, la vie est à la fois infiniment précieuse et la seule que nous ayons, pour autant que la vie puisse continuer. Thich Nhat Hanh, interrogé sur le séisme et le tsunami au Japon, a dit :

Un événement comme celui-ci nous rappelle la nature éphémère de notre vie. Il contribue à nous rappeler que le plus important est de s’aimer les uns les autres, d’être là les uns pour les autres et à chérir chaque instant où nous sommes en vie. C’est ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui sont morts : nous pouvons vivre d’une manière telle qu’ils puissent sentir qu’ils continuent à vivre en nous, plus spirituellement, plus profondément, plus admirablement, goûtant chaque minute de la vie qui nous est donnée, pour eux.

Les bouddhistes japonais ne seraient pas d’accord pour dire que c’est ce que nous pouvons faire de mieux pour nos chers défunts ou nos compatriotes morts dans le tsunami : les noms posthumes et les transferts de mérite sont importants. Mais ils seraient d’accord avec la première partie de la déclaration de Thich Nhat Hanh. Accepter la vérité de l’impermanence et de l’interdépendance, mais aussi le fait de vivre ensemble comme une seule famille, en s’aimant les uns les autres, en ouvrant nos cœurs à la compassion, en considérant chaque instant comme une vraie chance de voir, d’agir et d’apprécier la vie, s’appuyant sur un enseignement fondé sur des valeurs qui dépassent ce monde, sur un enseignement s’appuyant sur des valeurs fondées sur des vérités qui dépassent ce monde, sont des réactions japonaises. Cela est relativement facile à réaliser lorsque l’on mène une vie agréable et sans problème apparent, mais doit sembler presque impossible quand on est submergé par une catastrophe. Pourtant, ces mêmes principes s’appliquent là aussi. Niwano Nichiko, président de Risshô Kôsei-Kai, a raconté la joie, la gentillesse et la générosité dont il a été témoin lors de sa visite dans les zones sinistrée :

La gaieté fait partie de la sagesse du Bouddha et signifie qu’il ne faut jamais se laisser dominer par l’émotion, mais vivre avec courage en faisant du dharma notre lumière. La bonté inclut la sympathie et la générosité inclut la compassion. Cette phrase signifie que nous devons progresser sur la voie de la libération mutuelle à la lumière de la sagesse du Bouddha, en cultivant la compassion et la chaleur humaine … [C’est ce] dont nous devons nous préoccuper dans la situation où nous nous trouvons aujourd’hui.

Parmi les populations des zones sinistrées qui ont été évacuées de leur lieu de résidence en raison du tsunami ou des accidents nucléaires, certains ont perdu des membres de leur famille, leur foyer ou leur emploi et n’ont plus d’espoir en l’avenir. Ils ont pourtant la possibilité de se fabriquer un futur en vivant au jour le jour. Je les prie de s’encourager mutuellement et de s’aider les uns les autres, en profitant au mieux des personnes mais aussi de toutes les choses qui les entourent.

Nous avons un dicton : « Plus l’eau est boueuse, plus grande est la fleur de lotus. » Personne n’a la moindre idée du temps qu’il faudra pour que les sinistrés surmontent leur fardeau de difficultés et d’affliction. Cependant, je crois que si nous nous souvenons de dictons comme celui de la fleur de lotus, nous ne penserons plus à cette catastrophe uniquement comme une immense tragédie, mais l’accepterons comme un moyen qui nous est offert pour grandir et croître en humanité. Je pense que c’est bien le meilleur moyen d’honorer ceux qui ont péri, comme de vivre également comme ils auraient voulu que nous vivions.

Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il entendait par « croître en humanité », le président Niwano a déclaré :

Au cours des quelque soixante-dix années écoulées depuis la seconde guerre mondiale, le Japon est devenu matériellement avancé au point d’être l’une des plus grandes puissances économiques de la planète. Nous avons toutefois oublié notre véritable patrimoine et nous nous sommes livrés à des excès de toute sorte, à la surconsommation et au gaspillage. Il nous faut réfléchir à notre sens des valeurs, à notre une manière de vivre et renouveler notre pensée pour pouvoir progresser à l’avenir.

Ainsi donc, nous voilà ramenés à notre point de départ, à la pensée de Ryôkan, quoique pas complètement. Dans l’esprit du président Niwano, le séisme n’a pas été causé par nos abus. Mais à la lumière de notre prise de conscience de l’impermanence et de la souffrance d’autrui, ainsi que de notre volonté nouvelle de former une seule famille avec les autres, nous ne pouvons pas faire le choix de continuer comme nous l’avons fait, avec la légèreté qui semble être la nôtre en ce moment. Il nous a été donné une chance de réfléchir, une chance de changer notre avenir.