Eglises d'Asie – Inde
Orissa : des hindouistes ont planté un drapeau couleur safran sur le site d’une église catholique en reconstruction
Publié le 10/10/2011
… dans le district de Kandhamal, en Orissa, où, trois ans plus tôt, des violences antichrétiennes perpétrées par des extrémistes hindous avaient plus d’une centaine de morts et contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir leur foyer (1).
L’action s’est déroulée durant les journées où, dans toute la partie nord de l’Inde, les hindous célèbrent avec faste la fête de Dussehra, qui symbolise la victoire de Râma sur le démon Râvana, la victoire du bien sur le mal, et au cours de laquelle de grandes effigies de ces divinités sont emmenées en procession dans les rues avant d’être enflammées le soir venu. A Bakingia, un village où la majorité des habitants sont des chrétiens aborigènes (tribals), la communauté catholique locale souhaitait entamer la reconstruction de son église, entièrement rasée lors des violences de 2008. A cette fin, des matériaux de construction avaient été accumulés sur le site et des fonds réunis, notamment après que la paroisse eut reçu des indemnités du gouvernement provincial en dédommagement de l’église détruite. Un leader hindouiste local, Bhaskar Pradhan, avait toutefois affirmé que le terrain sur lequel le lieu de culte catholique devait être érigé appartenait à ses ancêtres et qu’il ne laisserait pas la communauté catholique agir comme elle le souhaitait. Saisies de l’affaire, les autorités administratives locales s’étaient contentées d’appeler les deux parties à négocier mais sans pour autant proposer d’issue au problème.
Selon le Fr K. J. Markose, la tension a été vive le 6 octobre à Bakingia et, si le drapeau aux couleurs de l’hindouisme a été retiré du site de construction à la faveur de la nuit suivante, cet incident témoigne du climat de tensions qui prévaut encore dans la région. A l’archevêché de Cuttack-Bhubaneswar – dont dépend la paroisse du village de Bakingia –, on indique que les autorités civiles étaient parfaitement au courant des menaces proférées par les hindouistes et que ces mêmes autorités avaient donné des assurances à l’Eglise selon lesquelles « les travaux de reconstruction des lieux de culte chrétiens se dérouleraient sans incident ». Or, souligne le P. Santosh Digal, responsable des communications sociales à l’archevêché, il est évident que l’ordre public n’est pas respecté dans le district de Kandhamal et que les communautés chrétiennes n’y vivent pas en paix.
Pour Amit Kumar Mallick, un responsable de communautés chrétiennes, ce n’est pas un hasard si les hindouistes ont choisi la fête de Dussehra pour mener leur action. Il explique que les extrémistes hindous ont voulu ainsi adresser un avertissement aux chrétiens. Début septembre en effet, les autorités du district de Kandhamal ont annoncé qu’elles annulaient une décision prise peu auparavant concernant cinq églises reconstruites depuis les violences de 2008. Au motif que ces églises avaient été reconstruites sans autorisation sur des terrains appartenant à l’Etat, un ordre administratif de démolition avait été prononcé, semant le désarroi parmi les chrétiens. Une délégation de responsables chrétiens avait alors rencontré les autorités du Kandhamal et obtenu l’annulation de cet ordre de démolition. Selon Amit Kumar Mallick, les hindouistes ont très certainement mal vécu ce qu’ils considèrent comme un recul des autorités face aux chrétiens et, en venant planter un drapeau safran sur le chantier de l’église, ils ont signifié qu’ils ne renonceraient pas à leur combat.
Pour les chrétiens du Kandhamal, « la paix est encore lointaine », explique le Fr Markose. « Nous vivons dans la crainte, au point que les chrétiens sur place n’ont même pas le courage de commémorer publiquement les martyrs de 2008. Nos gens vivent encore sous la tente, dans un dénuement extrême et nombreux sont ceux qui ont peur de retourner dans les villages dont ils ont été chassés [par les hindouistes]. Les chrétiens n’ont pas le droit de réparer ou rebâtir leurs maisons. Et c’est la même chose en ce qui concerne les églises qui ont été rasées en 2008 », témoigne-t-il, ajoutant que les hindouistes continuent de faire régner un climat de terreur empêchant les chrétiens de rapporter à la police les menaces et les pressions dont ils font l’objet.
Dans ce contexte, le rapport demandé par la Cour suprême de l’Inde à la Commission nationale des droits de l’homme sur la situation prévalant dans le district de Kandhamal est plus que jamais attendu. Commandé le 31 août dernier, il devrait être remis d’ici à la fin février 2012 (2).