Eglises d'Asie – Inde
Hindous et chrétiens font reculer le gouvernement de Goa qui souhaitait promouvoir l’Etat comme une destination touristique « gay-friendly »
Publié le 27/10/2011
… et l’un des moins chers de la région. C’est dans ce contexte que, le 20 octobre dernier, hindous et chrétiens ont réussi à faire reculer le gouvernement de Goa, qui, à l’occasion d’un salon international du tourisme, souhaitait promouvoir cet ancien territoire portugais décrit comme « la perle de la Mer d’Arabie » comme une destination « gay-friendly ».
Du 21 au 23 octobre, les autorités goanaises organisaient à Panaji, capitale de l’Etat, leur second salon international consacré au tourisme. Quatre cents professionnels du secteur venus de 28 pays ont participé au Goa International Travel Mart 2011. Sous les mots d’ordre « Refresh Goa » et « Unearth the hidden treasures of Goa », le ministère local du tourisme avait pour ambition de positionner Goa sur la carte internationale du tourisme comme une destination tant « responsable et promouvant une industrie durable » qu’« accueillante à tous », cette dernière acception étant, cette année, comprise comme devant être « gay-friendly ». Le 21 octobre, la session inaugurale devait être immédiatement être suivie d’une conférence « LGBT » (‘Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres’) et d’une autre intitulée « Responsible Tourism ».
La veille de l’ouverture du salon, lors d’une conférence de presse, le directeur du Tourisme de Goa, Swapnail Naik, justifiait le positionnement de Goa comme une destination « gay-friendly » par le fait que c’était là une tendance en vogue dans l’industrie touristique. Quelques heures plus tard toutefois, le ministre du Tourisme de l’Etat, Nilkant Halarnkar, faisait savoir que Goa faisait marche arrière sur ce plan-là et justifiait une volte-face de dernière minute au nom du « nécessaire respect du aux sentiments de la population ». La conférence intitulée « LGBT » restait toutefois à l’affiche du programme posté sur le site Internet du Goa International Travel Mart.
Selon toute évidence, la décision du ministre du Tourisme a été motivée par les interventions tant de responsables catholiques que hindous. Le P. Maverick Fernandes, secrétaire exécutif du Conseil ‘Justice et Paix’ de l’archidiocèse de Goa, a en effet déclaré avoir été reçu à sa demande par les autorités goanaises afin de leur faire part de l’opposition résolue de l’Eglise catholique à ce nouveau positionnement touristique. « Je leur ai dit que l’Eglise ne saurait le tolérer », a-t-il expliqué à l’agence Ucanews (1), ajoutant que le gouvernement n’avait reculé que parce qu’il avait été contraint de le faire.
Face au développement très rapide du tourisme dans l’Etat ces dernières années, l’archidiocèse de Goa a plusieurs fois exprimé ses réserves face aux travers provoqués par cet essor. Dans le cadre du Centre for Responsible Tourism-Goa (CERT-Goa), fondé en juillet 2007, le P. Fernandes a ainsi publié plusieurs communiqués dénonçant l’attitude des autorités dans leur volonté de faire de Goa une destination pour le tourisme sexuel où toutes les « préférences sexuelles » trouveraient à être satisfaites. Il a également souligné les limites d’un développement touristique conçu sous le seul angle économique, sans prise en compte des méfaits de cette industrie sur la culture et l’éthique des Goanais (2).
L’opposition à l’orientation « gay-friendly » choisie par le gouvernement est aussi venue de milieux hindous (3). Un groupe de la mouvance hindouiste, le Janajagruti Samiti, a ainsi porté plainte devant la justice pour interdire au gouvernement de promouvoir la cause LGBT. L’un de ses responsables, Dattaram Sawant, a qualifié le choix du gouvernement de « tentative visant à provoquer des troubles » et s’est désolé que Goa soit désormais connue comme une destination où la drogue, la prostitution ou encore les jeux d’argent sont aisément accessibles.
Selon les chiffres officiels, Goa a accueilli en 2010 2,6 millions de touristes, dont 500 000 étrangers. Pour les ONG locales, si Goa est devenu un endroit de prédilection pour le tourisme sexuel, exploitant adultes et enfants, la demande ne vient pas uniquement des touristes étrangers mais également des habitants de Goa et du reste de l’Inde. En plus de la zone de prostitution de Baina (de sordides maisons closes s’étalent tout le long de la plage) où travaillent de très jeunes filles venues de tout le pays (et surtout du Kerala), les plages de Goa sont devenues un paradis pour les touristes à la recherche de jeunes garçons. Entre 50 000 et 100 000 enfants seraient les victimes de la prostitution à Goa, et le même nombre victimes d’autres formes d’exploitation et à risque d’abus sexuels. Socialement, la prostitution des jeunes garçons est invisible et ignorée, mais les ONG locales ont rédigé nombre d’études de cas d’enfants se proposant aux touristes comme guides puis se laissant amadouer et entraîner à l’hôtel ou en vacances dans d’autres zones de tourisme (notamment le Kerala tout proche) où ils sont abusés. L’article 377 du Code pénal indien condamne toute forme de relation sexuelle forcée avec une fille ou une femme, mais il n’existe aucune loi qui protège les garçons. C’est là l’un des facteurs principaux de grande vulnérabilité, les exploiteurs pouvant agir en toute impunité (4).