Eglises d'Asie

Les questions environnementales dominent la rencontre des épiscopats japonais et sud-coréen

Publié le 15/11/2011




 Pour leur XVIIème rencontre, les évêques catholiques du Japon et de Corée du Sud avaient prévu de se réunir à Kanazawa, dans le diocèse de Nagoya, au centre du Honshu, mais le tremblement de terre du 11 mars dernier et la catastrophe qui s’en est suivie les a amenés à déplacer le lieu de leur rencontre à Sendai, au cœur de la région sinistrée du Tohoku. Outre les questions liées à l’aide apportée aux populations sinistrées, les entretiens entre les deux épiscopats ont largement porté sur les questions environnementales.

 Lancées en 1995, organisées alternativement dans l’un ou l’autre pays, les rencontres annuelles entre les évêques catholiques de Corée et du Japon s’inscrivent dans une démarche de réconciliation entre ces deux nations qui partagent une histoire contemporaine encore marquée par les blessures de la colonisation et de la guerre. Au fil des années, les évêques ont su établir des liens de confiance et n’ont jamais hésité à se saisir de sujets de société sensibles, tels, par exemple, l’accueil des migrants (en 2008) ou le suicide (en 2010) (1), leurs échanges étant nourris de leurs expériences respectives dans un contexte social en partie semblable (une économie développée) mais un environnement religieux assez différent (si le christianisme est fortement implanté en Corée du Sud, les Eglises chrétiennes constituent une très petite minorité au Japon).

Cette année, du 11 au 13 novembre, vingt évêques sud-coréens ont fait le déplacement à Sendai pour rencontrer dix-sept de leurs pairs japonais. Etant donné les circonstances, la catastrophe du 11 mars dernier était au centre des débats. La partie japonaise a certes remercié l’Eglise de Corée du Sud pour le soutien apporté dans les jours et les semaines qui ont suivi le tremblement de terre, notamment pour l’envoi de volontaires, mais la rencontre a été dominée par la prise de position que venaient de prendre, la veille, les évêques japonais en appelant leur pays à sortir du nucléaire. Le 10 novembre, l’Eglise du Japon a en effet demandé au gouvernement japonais de fermer les centrales nucléaires du pays, la tragédie créée par l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi ne devant plus jamais se reproduire (2).

Les rencontres entre les deux épiscopats se déroulant à huis clos, aucune réaction des évêques sud-coréens à la prise de position japonaise n’a filtré. Les évêques sud-coréens ont toutefois expliqué à leurs confrères japonais les raisons de leur engagement dans l’opposition au projet de « Réaménagement des quatre fleuves », un gigantesque programme gouvernemental consistant à draguer le lit des quatre fleuves principaux de Corée et à y construire des barrages et des centrales hydroélectriques (3). Les adversaires de ce projet dénoncent des atteintes irréversibles à l’environnement et à l’écosystème des fleuves, et les catholiques, qui sont parmi les opposants les plus résolus à ce projet, ont entraîné à leur suite des représentants d’autres religions. Sur la question nucléaire, les évêques sud-coréens n’ont cependant pas été très présents, à quelques exceptions près (4).

Avant de se séparer et de prendre date pour la rencontre de l’année prochaine qui aura lieu en Corée du Sud, les évêques des deux pays ont convenu de la nécessité de poursuivre leurs échanges sur les questions environnementales, celles-ci étant actuellement au cœur des choix de société qui se posent aussi bien au Japon qu’en Corée du Sud.

Dans les deux pays, la réponse des gouvernements au fait que leurs deux nations doivent importer la quasi-totalité de leurs ressources énergétiques a été le choix du nucléaire civil. Aujourd’hui, la proportion de l’électricité d’origine nucléaire dans les deux pays est similaire : 33 % en Corée du Sud (avec 21 réacteurs en activité et cinq autres en construction) et 30 % au Japon (avant l’accident de Fukushima, 54 réacteurs fonctionnaient dans l’archipel). Dans l’un et l’autre pays, le mouvement des anti-nucléaires était, jusqu’à aujourd’hui, relativement faible (mises à part des réactions localement fortes des populations en Corée du Sud face à des projets d’implantation de nouvelles centrales ou de centres de stockage des déchets radioactifs (5)). Et, dans les deux pays, les industriels ont beaucoup investi pour maîtriser la filière nucléaire de manière à proposer leurs centrales à l’exportation.

Dans le contexte de l’après-Fukushima, où le choix du nucléaire est de plus en plus nettement remis en cause par une partie de l’opinion publique des deux pays, les évêques de l’Eglise du Japon et de Corée du Sud tiennent à faire entendre leur voix.