Eglises d'Asie – Inde
Forte réaction des chrétiens après l’arrestation d’un pasteur sur ordre du tribunal islamique
Publié le 23/11/2011
L’affaire a éclaté mi-novembre lorsque le grand Mufti Ahmad Bashir-ud-Din a accusé le pasteur de conversions forcées, sur la foi d’une vidéo postée sur YouTube (1) où l’on voyait le Rév. Khanna baptiser sept jeunes hommes et femmes, reconnus comme ayant été de confession musulmane. Cette vidéo, reprise immédiatement sur d’autres réseaux sociaux du Web, avait déclenché alors une avalanche de commentaires menaçant le Rév. Khanna de représailles. Depuis, de nombreux chrétiens sont venus témoigner sur les mêmes sites, de la difficulté à vivre leur foi au Cachemire où leur communauté ne représente que quelques milliers de personnes (2).
Arguant de sa position au sein de la communauté islamique lui imposant de « prendre des mesures selon les lois de la charia », Bashir-ud-Din a envoyé le 17 novembre au pasteur anglican un courrier le convoquant devant le tribunal islamique afin d’y répondre de l’accusation de conversions forcées.
« Une assignation à comparaître devant une cour islamique appliquant la charia est en soi un fait alarmant », s’est inquiété dès l’annonce de la comparution du Rév. Khanna, Sajan K George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), une association de défense des chrétiens en Inde. « Nous devons arrêter cette talibanisation du seul Etat indien à majorité musulmane. L’Inde est un pays établi sur une Constitution laïque, laquelle (…) exige le respect et l’égalité de tous les citoyens. Les [nouveaux baptisés] ont exercé leur droit constitutionnel à la liberté de religion, et ils ont fait ce choix en toute liberté. »
Avec le GCIC, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer cette « action anticonstitutionnelle», comme celle de Mgr Pradeep Kumar Samantha Roy, évêque d’Amritsar de la Church of North India (CNI) (3). L’évêque anglican, qui s’est par ailleurs renseigné sur l’audition du Rév. Khanna devant le tribunal islamique présidé par le grand Mufti, a rapporté que lors de l’interrogatoire, qui avait duré quatre heures, « le pasteur avait répondu avec calme et sans crainte, certain de son innocence et de n’avoir commis aucune violation de la loi, les baptêmes auxquels il avait procédé étant parfaitement valides ». Mgr Samatha Roy a fait également remarquer que « la cérémonie du baptême était ouverte au public et que le pasteur n’avait jamais cherché à cacher quoi que ce soit ».
Mais le 19 novembre, la police de Srinagar arrêtait le Rév. Khanna à la demande du grand mufti, lequel menaçait de « troubler l’ordre public à grande échelle » si la décision du tribunal islamique n’était pas appliquée. L’Etat du Jammu-et-Cachemire n’ayant pas de loi anti-conversion, c’est sur le fondement des articles 153 A et 295 A du Code pénal Indien (4) que le pasteur a été arrêté, ainsi que les sept baptisés qui ont été également soumis à un passage à tabac sévère, afin d’obtenir d’eux qu’ils témoignent contre leur pasteur.
« L’Eglise anglicane a l’intention d’intenter un recours légal contre l’Etat lui-même s’il le faut, afin de défendre son pasteur innocent », a déclaré Mgr Samantha Roy, assurant par ailleurs « avoir vérifié personnellement que tous les nouveaux baptisés venaient à l’église depuis plus d’un an et qu’ils avaient bien exprimé le désir de recevoir le baptême en toute connaissance de cause et sans aucune pression ».
Dans une lettre ouverte à la Commission fédérale pour les minorités, le GCIC accuse : « L’Etat a démissionné face aux extrémistes, niant sa responsabilité à garantir aux citoyens leurs droits constitutionnels (…). Les droits des chrétiens sont en train d’être sacrifiés sur l’autel de l’opportunité politique et de l’intérêt. » Dénonçant le fait qu’« une figure religieuse musulmane tente actuellement de soumettre un chrétien à la charia au sein de la plus grande démocratie du monde (…) », le groupe chrétien avance que « le seul espoir de justice pour les chrétiens réside désormais dans le Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme ».
Les différents responsables chrétiens ont demandé expressément au ministre-président de l’Etat du Jammu-et-Cachemire d’assurer la protection du pasteur, officiellement assigné à résidence pour « raisons de sécurité ». « Il est de la responsabilité de l’Etat de pourvoir à la sécurité du Rév. Khanna (…). Nous demandons que soient prises des mesures immédiates pour protéger la vie de ce pasteur, injustement accusé », ont-ils exigé.