Eglises d'Asie

Le projet d’illumination d’un sapin de Noël à proximité de la DMZ provoque tensions et divisions

Publié le 12/12/2011




Fruit de la christianisation de traditions païennes, la tradition du sapin de Noël se veut partout dans le monde symbole de paix sur terre et gage de bonne volonté entre les hommes. En Corée du Sud, l’illumination d’un sapin de Noël haut d’une trentaine de mètres à trois kilomètres de la zone démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corée déclenche au contraire de vives réactions de la part de Pyongyang, qui a menacé la Corée du Sud de…

 … « conséquences imprévisibles », et des divisions en Corée du Sud, où des voix se sont élevées contre un projet mené par des Eglises protestantes avec le soutien logistique de l’armée sud-coréenne.

Le 23 décembre prochain, à la nuit tombée et dans le froid glacial de l’hiver coréen, plusieurs dizaines de chrétiens protestants entonneront des chants de Noël devant le sapin qui sera alors illuminé devant eux. Dressé au sommet d’une colline, le sapin est en réalité une structure d’acier en forme de conifère haute d’une trentaine de mètres. Paré de milliers de lumières, il est surmonté d’une grande croix blanche illuminée et l’ensemble pourra très certainement être vu depuis la ville de Kaesong (Gaeseong), située en Corée du Nord. Installée sur la colline d’Aegibong à trois kilomètres de la DMZ, la structure est située dans une portion du territoire sud-coréen étroitement contrôlée par l’armée sud-coréenne.

Selon un responsable du ministère sud-coréen de la Défense, le gouvernement sud-coréen a décidé d’apporter son aide à cette initiative, menée par des Eglises protestantes, au nom de la défense des « libertés d’expression et de religion ». Aegibong étant au centre du pays, deux autres sapins seront aussi installés à deux points proches de la frontière, l’un sur son bord occidental et l’autre sur son bord oriental. Afin de parer à toute attaque nord-coréenne, les forces armées stationnées à proximité de ces sapins seront mises en état d’alerte renforcé, a encore fait valoir le ministère sud-coréen de la Défense. Il est prévu que les sapins de Noël brillent dans la nuit durant quinze jours.

Du côté des chrétiens protestants sud-coréens (qui rassemblent environ 20 % de la population sud-coréenne), les avis semblent partagés face à cette initiative. D’un côté, les promoteurs des sapins – au nombre desquels figure l’Eglise du Plein Evangile de Yoido, une des plus importantes dénominations pentecôtistes de Corée – expliquent que leur geste vise à partager avec les Nord-Coréens la joie de la naissance du Christ et que ces sapins sont pacifiques. De l’autre, des pasteurs, tels le Rév. Lee de l’Eglise de la paix sur la DMZ, mettent en avant le fait qu’un sapin devrait favoriser « la paix et non la guerre ». Le 8 décembre, un « Comité contre l’illumination de la colline Aegibong » a tenu une conférence de presse devant le ministère de la Défense à Séoul pour expliquer que le sapin pourrait aggraver le conflit entre les deux Corée. Le Comité réunit 28 associations et groupes civiques et religieux, dont des non-chrétiens.

Pour la Corée du Nord, l’affaire est entendue : toute tentative visant à répandre la joie de Noël au-delà de la DMZ est assimilable à une mesure de « guerre psychologique » qui appelle des représailles. Sur Uriminzokkiri, site Internet de nouvelles officielles, Pyongyang a menacé : « Les va-t-en-guerre ennemis devraient être conscients qu’ils seront tenus entièrement responsables de toute conséquence imprévisible que pourrait entraîner leur entreprise. »

En illuminant ainsi un sapin à la frontière entre les deux Corées, Séoul et les protestants sud-coréens renoueront avec un passé récent. En effet, le premier sapin en acier fut forgé dès 1954, soit immédiatement après la fin de la guerre fratricide qui ravagea la péninsule (1950-1953). Le fait que la liberté religieuse prévalait au Sud était utilisé comme argument par Séoul dans la guerre de propagande qui a continué à l’opposer à Pyongyang. Jusqu’en 2003, le sapin d’acier a ainsi régulièrement éclairé de sa lumière une fraction du territoire nord-coréen. En 2004 toutefois, fruit d’une détente entre les deux frères ennemis, un accord entre les deux gouvernements a entraîné l’arrêt de toute propagande à travers la DMZ, remisant dans un hangar le sapin de Noël. Mais, pour Noël 2010, après le très fort regain de tension consécutif au naufrage d’un navire de guerre sud-coréen et au bombardement par Pyongyang d’une île sud-coréenne, le sapin fut de nouveau illuminé. C’est donc pour la deuxième année consécutive que la colline d’Aegibong brillera sous un sapin d’acier. L’an dernier, le Nord avait averti qu’il déclencherait son artillerie pour détruire le sapin mais rien de tel ne se passa (1).