Eglises d'Asie

Le Premier ministre va présider une réunion au plus haut niveau destinée à trouver une solution à l’affaire de la récupération forcée du terrain de M. Vuon et de sa famille

Publié le 03/02/2012




L’affaire de la confiscation par les autorités locales du terrain sur lequel M. Vuon et sa famille exploitaient un élevage de poissons et crustacés est en passe de devenir plus qu’un sujet brûlant, une véritable affaire d’Etat. Cette évolution tout à fait étonnante est sans doute due en partie aux interventions du Premier ministre, Nguyên Tân Dung, et de certains anciens hauts dirigeants qui ont demandé l’ouverture d’une enquête. …

 … Mais elle a surtout son origine dans la pression exercée sur les instances gouvernementales par l’opinion publique à travers divers médias parfois officiels mais le plus souvent indépendants dans une affaire emblématique des méthodes des autorités locales dépouillant sans scrupules la paysannerie de ses terres.

A Tiên Lang (district de Haiphong), M. Doan Van Vuon et sa famille, des membres de la communauté catholique locale, exploitant un élevage de poissons et crustacés sur des terrains côtiers, ont résisté les armes à la main à des forces de police venues récupérer par la force le terrain de leur exploitation. A l’issue de la récupération, qui avait été accompagnée du saccage la maison familiale, des policiers avaient été blessés et quatre des résistants arrêtés et emmenés en prison.

On vient d’apprendre dans l’après-midi (heure locale) du 3 février 2012 que le Premier ministre lui-même présiderait, du 6 au 10 février, une réunion destinée à régler cette affaire. Y seront présents des représentants des ministères et des organismes centraux concernés par l’affaire ainsi que les autorités locales de la ville de Haiphong (1).

Déjà depuis la fin du mois de janvier, différents ministères avaient entamé leur enquête sur cette affaire. La presse officielle a annoncé, le 31 janvier, que deux ministères, celui des Ressources naturelles et de l’Environnement et celui de l’Agriculture et du Développement agricole, avaient envoyé des commissions sur place enquêter sur les faits qui s’y sont déroulés. La commission d’enquête du Premier ministère est menée par un secrétaire d’Etat et est chargée d’étudier les aspects juridiques de la passation à M. Vuon des terrains en question et de leur récupération par les autorités locales. Les membres de la commission sont arrivés à Haiphong dès le 31 janvier et le secrétaire d’Etat qui conduit le groupe a déclaré au journal Tuoi Tre (‘Jeunesse’) (1) que les résultats de leur enquête seraient consignés dans un rapport qui sera soumis au ministre. Le ministère de l’Agriculture est, lui, chargé d’étudier les aspects concrets et la commission qu’il enverra soumettra aux responsables du ministère un rapport sur cet aspect de l’affaire.

La veille, c’est le Front patriotique, un organisme dépendant du Parti communiste, faisait connaître sommairement quelques-uns des résultats d’une enquête menée sur les lieux depuis quelques jours par une délégation. Celle-ci révélait en particulier que l’affaire présentait « des signes de graves violations de la loi ». Le même jour, on apprenait que le bureau national de l’association professionnelle des métiers de la pêche avait demandé à sa section de Haiphong de recueillir divers renseignements sur le sujet, car M. Doan Van Vuon était membre de l’association.

Par ailleurs, grâce à des informations diffusées sur le blog de l’écrivain Nguyen Quang Vinh, on a appris que la section de l’association des éleveurs de poissons et crustacés du district avait envoyé un rapport complet sur l’affaire à de nombreuses instances officielles. Le rapport souligne le caractère illégal de l’opération de récupération du terrain, menée par les autorités locales, ainsi que des décisions prises par celles-ci pour la justifier.

Signe de la pression qui s’exerce désormais depuis Hanoi, les déclarations des autorités de Haiphong sur cette affaire ont changé totalement de ton. Au début, elles soutenaient sans réserve l’opération menée par la police de Tien Lang contre l’élevage de M. Vuon ; elles attribuaient le saccage de sa maison à la population. Elles prennent aujourd’hui une certaine distance à l’égard des responsables du district. Le président du Comité populaire de Haiphong vient de déclarer, le 2 février dernier : « Nous ne couvrirons personne. Quiconque aura violé la loi dans cette affaire sera sévèrement sanctionné ! » Le chef de la police de la même ville déclarait de son côté qu’il n’était pas à l’origine de l’opération de récupération de l’exploitation ; il fallait en attribuer la responsabilité à la Sécurité publique du district de Tiên Lang (3).

La famille de M. Vuon, dépourvue de maison depuis le 15 janvier, vit sous une tente, dont la photo était diffusée aussi bien par la presse officielle que par les blogs et les sites indépendants. Cette famille bénéficie toujours de la solidarité de la communauté catholique, mais aussi d’une grande majorité de la population de Haiphong. Les visites, les lettres, les marques de soutien se sont multipliées ces jours-ci.