Eglises d'Asie

En plein chaos politique, les responsables religieux prêchent l’urgence de la réconciliation

Publié le 07/02/2012




Alors que le Népal traverse de nouveau une période d’intense contestation politique, les représentants des différentes religions présentes du pays ont célébré pour la première fois la Semaine mondiale de l’harmonie interconfessionnelle (World Interfaith Harmony Week, WIHW), une initiative lancée par les Nations Unies en octobre 2011.

Dimanche 5 février dernier, les membres des principales confessions religieuses du Népal se sont rassemblés par centaines au prestigieux National Academy Hall de Katmandou afin d’échanger sur le thème de la réconciliation interreligieuse. Pendant que les manifestations contre la politique des maoïstes revenus au pouvoir en août dernier se succédaient dans les rues de la capitale, les leaders religieux ont prêché la nécessité de promouvoir la paix entre les communautés et de faire respecter les principes de laïcité de l’Etat pour sortir le pays de l’impasse politique. Le rassemblement interreligieux, qui se termine aujourd’hui 7 février, a été organisé conjointement par les comités népalais de l’Universal Peace Federation (UPF) et de l’organisation Religions for Peace.

Chaque communauté est venue exprimer sa conviction que les croyants, quels qu’ils soient, avaient en commun la responsabilité de construire la paix dans la société. Parmi les nombreux représentants religieux présents, Baba Damodar Gautam, président de la Fédération hindoue du Népal (HFN), l’imam Falahi Alaudin Ansari, président de l’Association musulmane du Népal, le Ven. Kalsang Lama, abbé du monastère du Buddha Dharma à Swayambu, ainsi que Naman Upadhaya, responsable du jainisme népalais, ont fait part de leurs préconisations, qui seront transmises à l’Assemblée constituante népalaise. Les chrétiens étaient quant à eux représentés par le Rév. Simon Gurung, pasteur protestant, président du Conseil national des Eglises du Népal, et le P. Bill Robins, prêtre catholique, qui a lancé le temps de prière interreligieux, en engageant tous les fidèles à « prier afin d’apprendre à donner et à recevoir le pardon pour toutes les violences qui ont déchiré leurs communautés ».

Des représentants des Nations Unies ainsi que d’autres délégués de mouvements religieux divers comme Kashi Nath Khanal, directeur de l’Eglise de l’Unification (Moon) pour le Népal, Narendra Pandey, responsable de la communauté des baha’is, ou encore le représentant népalais des Brahma kumaris, un mouvement syncrétique d’inspiration hindoue, sont intervenus, entre quelques intermèdes de musique sacrée, sur le thème du rapprochement et de l’échange interreligieux.

Kul Chandra Gautam, ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies et directeur exécutif adjoint de l’UNICEF, était l’invité d’honneur de ce grand rassemblement. Il a tenu à rappeler en introduction, les principes sur lesquels le Népal avait choisi d’établir sa nouvelle Constitution en 2006 (1) : « Nous sommes devenu un Etat laïc et nous devons aujourd’hui nous comporter en conséquence, en respectant toutes les religions mais en n’en imposant aucune (…) ». Evoquant la crise politique que traversait le pays, il a engagé cependant les participants à ne pas perdre espoir : « Nous n’osons plus dire que nous sommes le pays où est né le Bouddha, car nos politiciens prétendent que l’on peut apporter le changement au Népal par les armes (…). Désormais, c’est aux responsables religieux de jouer un rôle actif dans l’établissement de la paix au Népal et de réussir là où les politiques ont échoué ».

Quelques jours auparavant, le 15 janvier dernier, un autre événement interreligieux s’était déjà tenu dans la capitale. Toujours rassemblés sous la houlette de l’UPF, des jeunes de différentes confessions du Népal avaient célébré au centre baha’i de Katmandou le World Religion Day. La session des jeunes avait tenu, elle aussi, à souligner l’importance de la réconciliation interreligieuse pour l’unité du Népal. « Notre rôle de leader religieux était de guider et de conseiller les hommes politiques, mais nous n’avons pas fait notre devoir (…). En gardant le silence, ou en ne nous occupant que de nos temples, mosquées, monastères ou églises, nous les avons laissé croire qu’ils pouvaient tout diriger dans le pays », a déclaré à l’assistance le Rév. Kali Bahadur Rokkaya, membre de la Commission des droits de l’homme pour le Népal. Des propos en adéquation avec le climat de protestation qui allait croissant dans la capitale, et les manifestations devenues quotidiennes.

Depuis, une récente décision du gouvernement a encore fait monter d’un cran la tension politique et l’agitation sociale. Le 25 janvier, en effet, ont été rendues publiques de nouvelles consignes concernant la presse, faisant passer de 5 à 140 les catégories d’information classées en « accès restreint » pour toute personne, média ou organisation (2). Dénoncées dès le 31 janvier par le Nepal Press Council (NPC) comme une violation des libertés fondamentales, ces directives avaient pour but de bloquer l’accès aux documents liés au financement des partis politiques, au fonctionnement de l’Etat, aux débats du Parlement mais aussi à la plupart des décisions de justice.

Les 28 et 29 janvier, éclataient de grandes manifestations dans tout le pays, rassemblant des foules exaspérées autour des médias et des militants des droits de l’homme protestant contre « les atteintes à la liberté d’information » et les « dérives totalitaires du gouvernement ». Le 29 janvier au soir, le gouvernement maoïste faisait machine arrière et gelait les nouvelles directives, tandis que la Cour suprême ordonnait une suspension provisoire de la décision.

Les manifestations n’ont cependant pas cessé, la colère de la population népalaise ayant rebondi avec l’annonce de la énième prolongation du délai de remise de la Constitution du pays. L’Assemblée, qui ne parvient pas à trouver un consensus, a repoussé la date butoir fixée au 29 janvier dernier, au 28 mai prochain. Un énième engagement dont l’Etat déclare se « porter garant » mais auquel les Népalais ne semblent plus accorder beaucoup de crédit.