Eglises d'Asie

Manifestations contre le rapatriement par la Chine d’une trentaine de réfugiés nords-coréens

Publié le 22/02/2012




Ce mercredi 22 février, des députés, des organisations religieuses, des ONG, et des célébrités de Corée du Sud ont manifesté devant l’ambassade de Chine à Séoul, pour dénoncer le rapatriement forcé par Pékin d’une trentaine de réfugiés nord-coréens.

Une foule hétéroclite composée de membres du Parlement, d’étudiants, de responsables religieux et – pour la première fois – de stars sud-coréennes a défilé aujourd’hui dans les rues de Séoul, demandant à Pékin de suspendre le rapatriement de la trentaine de ressortissants nord-coréens actuellement détenus à Changchun, capitale de la province du Jilin, située dans le nord-est de la Chine. Les transfuges ont été arrêtés entre le 8 et le 12 février derniers, la plupart d’entre eux dans la ville de Shenyang, capitale de la province de Liaoning, alors qu’ils tentaient de gagner la Corée du Sud, avec l’aide d’une organisation locale.

Parmi les célébrités qui ont pris part aujourd’hui aux manifestations figuraient l’ acteur Cha In Pyo, qui a joué dans le film engagé Crossing (1), des comédiens, des chanteurs et autres stars qui ont lu une déclaration en coréen, chinois et anglais, appelant Pékin à stopper les rapatriements, rapporte le Daily NK du 22 février.

Une première manifestation avait déjà eu lieu hier 21 février, réunissant des participants en tous genre recrutés via twitter ou facebook par le collectif savemyfriend, créé il y a quelques jours à peine. Lors de ce rassemblement, une parlementaire, Park Sun-young, qui a été l’une des premières à proposer d’organiser des manifestations devant l’ambassade de Chine, a commencé une grève de la faim. Quant à la catholique Juliana Park Geun-hye, qui prend actuellement les rênes de l’ancien Parti National au pouvoir, en vue des législatives de 2012, elle a envoyé plusieurs messages au président chinois Hu Jintao, lui demandant « un geste humanitaire ».

Robert Park, un missionnaire américain d’origine coréenne, s’est également joint à la manifestation. Le leader évangélique s’est fait connaître par sa tentative controversée de traverser la frontière afin d’aller « porter la bonne parole » en Corée du Nord le soir de Noël 2009. Immédiatement arrêté par les autorités nord-coréennes, il n’avait dû sa liberté, quelques semaines plus tard, qu’à l’intervention des Etats-Unis (2). Dans un communiqué publié il y a quelques jours, il écrit : « S’ils retournent chez eux, ils risquent la mort. Le gouvernement de Séoul doit agir immédiatement pour empêcher le rapatriement de ces personnes et leur donner asile. »

Peu après la mort de Kim Jong-il le 17 décembre dernier, Pyongyang a annoncé un durcissement des sanctions à l’encontre de tous ceux qui tenteraient de quitter le pays sans autorisation officielle. « Le régime a décrété que durant les 100 jours de deuil de Kim Jong-il, tout déserteur serait exécuté ainsi que sa famille sur trois générations », rapporte encore Kim Eun Young, de la Citizen Alliance for North Korean Human Rights (NKHR), une ONG sud-coréenne (3).

La Chine, dernier allié du régime totalitaire, considère cependant tout individu pénétrant illégalement sur son territoire en provenance de Corée du Nord, comme un migrant économique, et ne lui reconnaît pas le statut de réfugié, malgré les admonestations régulières de la communauté internationale et des ONG de défense des droits de l’homme. En 2011, des milliers de fuyards ont ainsi été rapatriés de force en Corée du Nord où, selon certaines ONG, la plupart auraient été exécutés. Ces derniers jours, l’UNHCR a demandé à entrer en contact avec les transfuges nord-coréens, au nom de la convention internationale sur le statut des réfugiés, dont la Chine est signataire, mais s’est heurté à une fin de non-recevoir. De leur côté, Amnesty International et Human Rights Watch dans des déclarations successives ont rappelé à Pékin, en vain, que le droit international interdisait l’expulsion vers un pays où la personne concernée risquait d’être victime de persécutions, de torture ou d’une exécution.

Enfin, le 21 février, les Etats-Unis ont prié à leur tour la Chine de ne pas livrer les réfugiés à la Corée du Nord, une démarche qui intervient dans un contexte de grande tension due aux préparatifs des exercices communs des armées sud-coréenne et américaine en mer Jaune, qui doivent débuter le 27 février prochain. Le régime de Pyongyang a menacé la Corée du Sud de « représailles militaires sans pitié » si elle persistait à maintenir ces opérations navales (4). Inquiet des conséquences d’une telle démonstration de force deux mois à peine après l’avènement de Kim Jong-un, le Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée (NCCK) a déclaré le 21 février dans un communiqué que « les exercices à venir augmenteraient considérablement la tension entre les deux Corées et entraveraient le processus de paix dans la péninsule », invitant le gouvernement à abandonner les manœuvres navales prévues.

Aujourd’hui 22 février, c’est le président sud-coréen lui-même, Lee Myung-Bak, qui a exhorté la Chine lors d’une conférence de presse à « considérer les transfuges nord-coréens conformément aux règles internationales et non comme des criminels ». Selon l’agence sud-coréenne Yonhap, les ministres Kim Sung-Hwan pour Séoul et Yang Jiechi pour Pékin devraient se rencontrer le 2 mars prochain, pour discuter notamment de la question du rapatriement des Nord-Coréens. Mais selon certaines sources, une partie de ces réfugiés auraient déjà été reconduits à la frontière.