Eglises d'Asie

Huit Montagnards H’mongs ont été condamnés à des peines de prison ferme pour leur participation au rassemblement de Muong Nhe en mai 2011

Publié le 20/03/2012




Onze mois après le rassemblement de milliers de Montagnards H’mongs à Muong Nhe dans le nord-ouest du Vietnam et la répression par les forces de l’ordre qui a suivi, huit personnes y ayant participé ont été jugées et condamnées. Le procès s’est déroulé le 13 mars dernier au Tribunal populaire de la province de Diên Biên. La presse officielle a rapporté que les huit inculpés étaient accusés d’avoir provoqué un rassemblement…

 … visant à troubler l’ordre public et forcer les pouvoirs publics à prendre en compte leur revendication, à savoir la création d’un « royaume h’mong ». Les huit inculpés ont été condamnés à des peines allant de 24 à 30 mois prison ferme.

Le Nhân Dân a rapporté que les deux principaux inculpés étaient les meneurs de l’insurrection. Ils étaient accusés d’avoir entraîné la population h’mong à soutenir cette revendication d’indépendance. Ils ont tous deux été condamnés à trente mois de prison ferme. Les six autres ont écopé de 24 mois d’internement. L’organe de la Sécurité publique vietnamienne (Công An Nhân Dân) a souligné que cette affaire avait eu des conséquences sociales particulièrement néfastes : elle avait troublé la stabilité politique ainsi que l’ordre et la sécurité publiques. En particulier, elle a exercé une influence regrettable sur la vie et la santé de milliers de familles.

Les troubles de Muong Nhe se sont déroulés à la fin du mois d’avril et durant le début du mois de mai 2011. Des milliers de H’mongs venant des provinces de Lao Cai, Lai Châu, Dak Lak, Dak Nông étaient venus se rassembler dans deux villages du district de Muong Nhe (province de Diên Biên). Ils avaient organisé un immense camp où ils attendaient ce que la presse officielle elle-même avait appelé « un Sauveur spirituel ». Malgré l’extrême discrétion des rapports officiels, on avait appris à l’époque que de très importantes forces de l’ordre, secondées par des hélicoptères, avaient été mobilisées pour disperser le rassemblement. Des informations ont fait état de plusieurs dizaines de blessés et de mort chez les Montagnards, informations non vérifiées de sources indépendantes à cause du black-out total qui a entouré cette affaire.

Ainsi, en insistant sur la volonté des H’mongs de rétablir un royaume indépendant, le Tribunal populaire a choisi de privilégier une interprétation politique du rassemblement de Muong Nhe. Cette explication permet de justifier une répression – dont on ne connaît toujours pas l’ampleur – qui devrait décourager les autres minorités frontalières de toute velléité d’indépendance. Cependant, plusieurs observateurs donnent comme plus probable une explication d’une autre nature. Ils pensent qu’il s’agit d’un événement d’ordre purement religieux. C’est sans doute le retour du Christ que les milliers de H’mongs étaient venus attendre à Muong Nhe. Au moment des faits, les rapports officiels avaient d’ailleurs fait référence à cette attente. Cette croyance était, selon un certain nombre de commentateurs américains, le résultat de la prédication radiophonique, traduite en langue H’mong, du pasteur Harold Camping. Son thème favori est, en effet, la théologie du retour du Christ et de « l’enlèvement des chrétiens » (rapture). Une théologie fondée sur l’interprétation littérale de la première épître aux Thessaloniciens (4, 15-17) : « Ensuite, nous les vivants, qui seront restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs ». L’interprétation littérale de ses versets est assez répandue dans certains milieux protestants. Mais la particularité de la prédication du pasteur Camping était de préciser que cet enlèvement des chrétiens par le Christ aurait lieu à une date précise, fixée par lui au 21 mai 2011. Les chrétiens h’mongs s’étaient rassemblés peu avant cette date. Après les événements, plusieurs commentateurs protestants américains ont fait grief au passeur d’avoir été la cause indirecte de la répression subie par les chrétiens h’mongs.