Eglises d'Asie – Laos
Bravant l’interdiction des autorités, des chrétiens se réunissent pour prier devant leurs églises confisquées
Publié le 04/04/2012
Au matin du dimanche 1er avril, la communauté chrétienne évangélique de Kengweng s’est rassemblée devant son église, pour la première fois depuis que les forces de l’ordre y ont apposé les scellés, afin de célébrer l’office des Rameaux en ouverture de la semaine Sainte et des fêtes de Pâques. Las de réclamer en vain auprès de la Lao Evanglical Church (LEC), seule Eglise protestante ayant une reconnaissance officielle, d’intervenir en leur faveur auprès des autorités afin que leur église leur soit restituée, les chrétiens « sont aujourd’hui déterminés à faire entendre leur voix, même s’ils doivent se faire tous arrêter et emprisonner », rapporte Worthy News, une agence d’information chrétienne basée en Israël, citant le directeur du HRWLRF Sirikoon Prasertsee, dont le groupe est en contact étroit avec la communauté de Kengweng.
Le 2 avril, ce dernier a rectifié les premières informations diffusées par certains médias selon lesquelles les chrétiens de Kengweng auraient enlevé les scellés placés sur l’église et auraient pénétré dans l’édifice pour y célébrer l’office des Rameaux. « A la dernière minute, a-t-il expliqué, alors qu’ils avaient effectivement pensé retirer les cadenas, ils ont finalement décidé de célébrer l’office à l’extérieur de l’église. (…) Mais ils prévoient ,s’il n’y a pas de représailles d’ici là de la part des autorités, de retirer les scellés dimanche prochain et de célébrer Pâques dans leur église. »
Ce même dimanche des Rameaux, les fidèles de Dongpaiwan ont eux aussi organisé un rassemblement de prière devant leur église, placée également sous séquestre depuis septembre dernier. Lors de la confiscation de l’édifice, les forces de sécurité avaient également saisi les terrains attenants dont un bassin servant à la pisciculture. Elles avaient ensuite retiré la croix qui surplombait l’édifice, déclarant que les autorités avaient décidé de convertir le bâtiment en école, les chrétiens n’ayant pas, selon eux, obtenu d’autorisation de construction en bonne et due forme.
Dans la province de Savannakhet, qui connaît actuellement une campagne de répression antichrétienne, trois églises évangéliques ont récemment été fermées par les autorités et interdites au culte : celle du village de Dongpaiwan en septembre 2011, celle de Nadaeng le 4 décembre 2011, et enfin celle de Kengweng le 22 février 2012. Pour justifier la fermeture des lieux de culte, les autorités ont à chaque fois invoqué des irrégularités dans les permis de construire des édifices et déclaré que les chrétiens devaient présenter une requête écrite formelle aux autorités du village, du district et de la province, requête qui n’a jamais abouti.
L’église de Kengweng, dans le district de Saybulim, a été édifiée il y a une quarantaine d’années et sert au culte de 25 familles chrétiennes, soit un total de 178 fidèles. Selon l’agence Fides, l’édifice a été confisqué à l’issue d’un ‘séminaire de formation’ intitulé « Les trucs de l’ennemi », au cours duquel des agents du Parti populaire révolutionnaire lao (PPRL) ont enseigné aux villageois comment démasquer « les manœuvres des chrétiens ». Après avoir mis les scellés sur l’église, déclarée construite illégalement, ils ont ensuite interdit à la communauté évangélique de se réunir et de pratiquer le culte où que ce soit.
Quant aux chrétiens de Nadaeng, dont l’église construite il y a plus de cinquante ans, a été confisquée en janvier dernier, ils prévoient eux aussi de réclamer la restitution de leur lieu de culte mais disent attendre le résultat des actions des communautés de Dongpaiwan et de Kengweng, a encore expliqué Sirikoon Prasertsee à l’agence Worthy News.
Pour le moment, le gouvernement laotien ne semble pas avoir réagi. Cependant, différentes ONG, dont le HRWLRF, multiplient les appels à la communauté internationale et aux Nations Unies, demandant à Vientiane de respecter les conventions des droits de l’homme que le pays a signées, ainsi que sa propre Constitution, qui garantit la liberté religieuse.
Ces derniers temps, le Laos a été stigmatisé à plusieurs reprises par des organismes internationaux pour la répression antireligieuse qui s’exerce dans certaines parties du pays. Dans un communiqué de presse du 2 mars 2012, le Mouvement lao pour les droits de l’homme (MLDH) a appelé Vientiane à « respecter les droits des minorités ethniques et les droits fondamentaux du peuple lao », déclarant partager les préoccupations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies qui s’était réuni à Genève en février dernier. L’organisme onusien avait notamment souligné les importantes « violations de la liberté de culte », essentiellement en ce qui concernait les religions « encore soumises à une étroite surveillance ».
En décembre dernier, suite à la vague de répression qui avait touché de nombreuses communautés chrétiennes, le MLDH ainsi que différentes ONG laotiennes et h’mongs avaient publié un communiqué dans lequel elles exprimaient « leurs profondes inquiétudes concernant le sort des chrétiens en République démocratique populaire lao, victimes de menaces, d’arrestations et, ces derniers jours, cibles d’une campagne d’intimidation destinée à les empêcher de fêter Noël (…) ».
Plus récemment, c’est la Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF) qui, dans son rapport annuel paru le 20 mars dernier, a décidé de maintenir le Laos sur la liste des pays commettant les plus sérieuses violations de la liberté religieuse. Malgré l’amélioration de la situation des membres des minorités résidant en ville, a observé la commission, le gouvernement laotien continue de restreindre la pratique religieuse, en particulier dans les zones rurales où sont pratiquées en toute impunité « des détentions arbitraires, des intimidations policières, des confiscations de biens et des renonciations forcées à la foi ».
La communauté chrétienne représente aujourd’hui un peu plus d’1 % de la population du Laos, bouddhiste dans son écrasante majorité