Eglises d'Asie

Papouasie-Occidentale : l’évêque du diocèse catholique d’Agats-Asmat dément que « le grand chef de l’ethnie Asmat » se soit converti à l’islam

Publié le 06/04/2012




Mgr Aloysius Murwito, évêque d’Agats-Asmat, diocèse catholique situé sur la côte méridionale de la province de Papouasie-Occidentale, a vigoureusement démenti que « le grand chef de l’ethnie Asmat » se soit converti à l’islam. Dans une lettre en date du 9 mars 2012 adressée aux autorités civiles et religieuses de la région, il dénonce « une nouvelle destinée à faire sensation mais erronée » …

… répercutée par des sites Internet islamistes et des médias audiovisuels grand public, qui « a des conséquences directes et indirectes au plan religieux, social et culturel sur la vie de la collectivité à Asmat ».

Le diocèse d’Agats-Asmat est situé dans une région reculée de la Papouasie-Occidentale, faite de forêts marécageuses. Longtemps à l’écart de tout contact avec le monde extérieur, les tribus qui y vivent se sont converties au catholicisme au cours des soixante dernières années et l’Eglise catholique y a toujours été soucieuse de préserver la culture locale, mettant notamment en valeur les talents de sculpteurs sur bois des différentes ethnies, tout comme elle a veillé à ne pas bousculer les équilibres toujours très fragiles entre communautés. Aujourd’hui, sur les 82 000 habitants du diocèse, on compte 50 000 catholiques (60 % de la population), les 32 000 autres habitants se répartissant entre protestants et musulmans.

Dans sa lettre du 9 mars dernier, Mgr Murwito dénonce l’information publiée sur les sites islamistes dakwatuna.com et arrahmah.com et reprise par des journaux et des télévisions à Java selon laquelle « le grand chef de l’ethnie Asmat » s’est converti, avec sa famille, à l’islam. L’évêque commence par expliquer que le titre de « grand chef de l’ethnie Asmat » ne correspond à rien dans la culture locale. « D’un point de vue structurel, dans la tradition ou la culture Asmat, le seul titre qui soit reconnu est celui de ‘chef de guerre’ et non celui de ‘chef de tribu’ ou encore moins celui de ‘grand chef de l’ethnie Asmat’ », écrit Mgr Murwito, qui précise que les médias qui font état d’un « grand chef de l’ethnie Asmat » ne font que pratiquer « une forme pure et simple de mensonge ».

Il poursuit en ne niant pas qu’un certain Sinansius Kayimter, né dans la localité de Per (Peer ou Pier selon les transcriptions) le 13 décembre 1962, baptisé dans l’Eglise catholique le 31 janvier 1963, se soit converti il y a peu à l’islam sous le nom d’Umar Abdullah Kayimter. Mais ce contre quoi s’élève Mgr Murwito est la présentation « fortement tendancieuse et provocatrice » à laquelle se sont livrés les médias en « laissant croire qu’à la suite du ‘grand chef de l’ethnie Asmat’, tous les Asmat se seraient convertis à l’islam ». Il écrit : « Nous voulons simplement affirmer que le fait que Sinansius et sa famille se soient convertis à l’islam est sans doute possible, mais dire qu’il est le ‘grand chef de l’ethnie Asmat’ n’est pas vrai. Ce n’est pas un fait objectif et cela ressemble à un mensonge construit de toute pièce par des personnes, des groupes et des médias qui poursuivent des objectifs bien précis. »

Afin de « créer les conditions d’une entente cordiale, de tolérance et de réelle fraternité dans la vie collective en terre Asmat », Mgr Murwito en appelle aux autorités musulmanes, à savoir le président du Conseil des oulémas indonésiens, et civiles, à savoir le directeur de la Section musulmane du ministère des Religions pour le district d’Asmat. L’évêque voudrait voir ces autorités publier « une note de clarification » pour dire que si Sinansius Kayimter est bien devenu musulman le 19 février 2012 en la mosquée Darussalam de Jati Bening-Bekasi (province de Java-Ouest), il n’est « en aucune façon le grand chef de l’ethnie Asmat ». Sinansius Kayimter est seulement « un membre ordinaire du hameau de Per dans le district d’Agats, Kabupaten Asmat ».

Mgr Murwito en appelle également « à nos frères et sœurs musulmans » afin de veiller à préserver la tolérance, la bonne entente et la fraternité « entre adeptes de différentes religions ». « Ne répandons pas de fausses nouvelles à caractère sensationnel et tendancieux qui peuvent avoir un impact et conduire à une désintégration de l’harmonie et engendrer des conflits sociaux dans la société Asmat et plus généralement dans la société papoue », écrit-il, en concluant par ces mots : « Il faut savoir et prendre conscience ensemble que toute la société Asmat a déjà la foi et est adepte d’une religion ou d’une croyance (il n’y a pas de païens). Voilà pourquoi nous devons nous respecter mutuellement et nous soutenir les uns les autres dans ce domaine qu’est la vie collective, par une fraternité et une tolérance pleines de vitalité. »

D’après la presse locale de la province de Yogyakarta, les conversions d’Asmat à l’islam ne sont pas totalement inédites. En 1994, des articles de journaux faisaient état de la conversion de huit Asmat originaires de Per venus étudier l’islam dans un pesantren (école coranique) de Muntilan, à Java-Centre. En 1996, toujours selon la presse, ce sont cinquante Asmat, toujours originaires du même village, qui, une fois convertis, ont été envoyés dans le même pesantren de Muntilan. Selon un observateur du fait religieux en Indonésie, c’est sans doute parce que Per et sa région semblent être un foyer de conversion d’Asmat à la religion musulmane que l’histoire de la conversion de Sinansius Kayimter a été propagée par des médias javanais : convertir une personne présentée comme « grand chef de l’ethnie Asmat » offre les traits d’une information retentissante, susceptible éventuellement d’entraîner d’autres conversions.