Eglises d'Asie – Philippines
Le P. Gariguez, défenseur des aborigènes, est récompensé par le prix Goldman de l’Environnement
Publié le 20/04/2012
La mine à ciel ouvert devait être exploitée selon une méthode d’extraction à l’acide, qui aurait produit des millions de tonnes de déchets toxiques. L’installation du gigantesque chantier (plus de 11 000 ha), prévue au coeur d’une réserve naturelle à la biodiversité unique, et à la confluence de quatre fleuves irriguant villages et rizières, aurait irrémédiablement détruit l’environnement et menacé gravement la survie des populations locales vivant de la pêche et de la culture, en particulier celle des aborigène mangyans qui auraient été contraints de quitter leurs terres ancestrales.
Les Mangyans – l’un des peuples aborigènes les plus pauvres et les plus marginalisés des Philippines – , vivent principalement dans les montagnes de Mindoro où ils pratiquent une agriculture traditionnelle. « J’ai été frappé de la façon dont les Mangyans prenaient soin de la nature : pour eux, elle est comme la Mère qui les nourrit et leur dispense la vie » a expliqué le P. Gariguez, lors de son discours à San Francisco, rapporté par l’agence AsiaNews.
Face aux autorités locales qui soutenaient le projet minier malgré les dénonciations vigoureuses des habitants et des associations, le P. ‘Edu’ co-fonda l’Alliance Against Mining (Alamin), avec des habitants, des élus, des responsables de l’Eglise catholique, des militants pour les droits de l’homme et des membres des tribus autochtones. Alamin s’était donné pour principal objectif, non pas de s’opposer au principe de l’activité minière en elle-même, mais de s’assurer que celle-ci serait encadrée par des mesures protégeant l’environnement, les droits des habitants et la répartition équitable des bénéfices de l’exploitation auprès des populations locales.
Malgré cette prise de position modérée, les membres d’Alamin ne cessèrent de subir le harcèlement et même les menaces de mort des exploitants miniers ainsi que des militaires. L’un des militants, Ricardo Ganad, président de l’association des chefs de village de Victoria, fut assassiné en 2010.
Après de longues années de manifestations, de sit-in, et de démarches diverses en vue de stopper le projet, Alamin obtint en 2002 des autorités locales un moratoire de 25 ans sur l’exploitation minière dans l’île de Mindoro. Mais les activités de l’entreprise norvégienne se poursuivant malgré l’interdiction officielle, le prêtre philippin se rendit alors à Oslo afin de sensibiliser le Parlement ainsi que les actionnaires de la Norway’s Intex, aux risques que le projet minier faisaient courir aux habitants de Mindoro. Parallèlement, il déposa une plainte auprès de l’OCDE.
En dernier recours enfin, le P. Gariguez entreprit en 2009 une grève de la faim avec une vingtaine d’autres militants. Elle se poursuivit 11 jours, jusqu’à ce que le Ministère philippin de l’environnement et des ressources naturelles (DENR), qui avait accordé un certificat de conformité environnementale à Intex malgré le moratoire en cours, accepte d’enquêter sur les dégradations écologiques et les violations des droits des aborigènes par l’entreprise minière. De nombreux investisseurs étrangers se retirèrent alors du projet du groupe norvégien et en 2010 le gouvernement philippin suspendit pour une durée illimitée les activités d’Intex à Mindoro.
« La protection des droits des pauvres devrait toujours prévaloir sur la cupidité des entreprises […] Nous ne devrions jamais sacrifier les gens et leur environnement pour le bénéfice à court-terme de quelques uns », a conclu le P. Gariguez interviewé par le Philippine Daily Inquirer à l’occasion de sa remise de prix. « Le droit à la vie est inséparable du droit aux ressources naturelles et aux moyens de subsistance ». a-t-il ajouté.
Mais le combat du P. Gariguez ne semble pas terminé. Ce vendredi 20 avril, la société Intex a annoncé sur son site internet, avoir signé un accord avec le groupe chinois MCC8 lequel a amené la très puissante CITIC-GEM Fund à proposer un investissement de 800 millions de couronnes (soit 106 millions d’euros), dans le projet de Mindoro. Le président de l’entreprise norvégienne, Jan Vestrum, s’est félicité de cette coopération qui « lui permettra de réaliser enfin le projet d’extraction le plus grand du monde, un objectif poursuivi par Intex depuis des années ». La mine de nickel de Mindoro devrait pouvoir commencer sa production dès 2015, a annoncé toujours ce vendredi, le groupe Norway’s Intex.
Un récent rapport de l’ASEAN a révélé que les Philippines possédaient les plus importantes réserves de minerai de la planète. A l’heure actuelle, 31 compagnies minières seulement exploitent aux Philippines des gisements constitués essentiellement de nickel, d’or et de cuivre.